“S’ils nous rendent Glas, nous pouvons dialoguer avec l’Équateur”, affirme la chancelière du Mexique

Dans un entretien accordé au quotidien El País d’Espagne, la chancelière du Mexique, Alicia Bárcena, assure que l’assaut de l’ambassade mexicaine à Quito a été une preuve du manque d’expérience de l’Équateur.

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La secrétaire des Relations Extérieures, Alicia Bárcena, a dû faire face, dans la soirée du 5 avril, à la pire crise diplomatique que le Mexique ait connue depuis des décennies. Ce jour-là, la police équatorienne a pris d’assaut l’ambassade du Mexique à Quito pour emmener de force l’ex-président Jorge Glas, accusé de corruption, et à qui le gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador venait de concéder l’asile politique.

Un mois après, le différend entre les deux pays est rendu devant la Cour Internationale de Justice siégeant à La Haye. “Nous ne sommes pas égaux, nous, nous n’allons jamais violer le droit international”, explique Bárcena au 22e étage du ministère des Relations Extérieures, en lien avec le procès que le Mexique intente contre l’Équateur.

Dans l’interview donnée au journal El País, Bárcena rend compte de ce qui s’est passé après l’irruption de la police équatorienne dans l’ambassade mexicaine à Quito, et des possibilités qui existent pour résoudre le contentieux diplomatique avec l’Équateur.

Voyez-vous une possibilité de désamorcer le conflit avec l’Équateur à court terme? 

“Le Mexique ne peut accepter la violation de l’immunité de ses locaux diplomatiques ; ceci est un absolu, qui rompt les conventions internationales et qui ne peut se reproduire. C’est pourquoi nous avons saisi la Cour Internationale de Justice. L’Équateur a répondu par une contre-plainte, soutenant que l’asile ne peut être accordé à une personne poursuivie pour des délits de droit commun.” 

“Mais ce n’est pas le cas de l’ancien président Jorge Glas, lui est un politique et est accusé de délits politiques. L’article quatre de la Convention de Caracas permet d’accorder l’asile si le pays qui le concède considère qu’il existe un risque vital dû à de la persécution politique.”

L’Équateur affirme qu’il s’agit d’une ingérence 

“Glas est arrivé à notre ambassade le 17 décembre et a sollicité une demande d’asile le 21. Nous ne l’avons pas accordé avant d’avoir pu dialoguer avec l’Équateur. Cela n’a pas été un acte unilatéral de la part du Mexique ; nous avons parlé avec les autorités équatoriennes, et elles-mêmes nous ont envoyé les documents légaux pour que nous puissions analyser la demande. Nous les avons étudié et avons poursuivi le dialogue bilatéral… nous avons constamment été en contact avec la ministre des Relations Extérieures de l’Équateur, Gabriela Sommerfeld.”

“Moi, directement, le jour du 21 mars, j’ai envoyé une délégation experte pour dialoguer avec eux. Nous considérions que s’il fallait accorder l’asile politique, nous voulions en parler et leur demander un sauf-conduit, dans lequel ils pouvaient inclure leur droit à solliciter l’extradition. Ils ont dit qu’ils l’évalueraient et qu’ils allaient voir si le président d’Équateur, Daniel Noboa, parlerait avec le président López Obrador.”

Donc, que s’est-il passé? 

« Tout se déclenche après une conférence matinale du président López Obrador, dans laquelle il a fait une analyse de la violence des processus électoraux en Amérique latine et a pris comme exemple l’Équateur, où le principal concurrent a perdu suite à l’assassinat d’un candidat. L’Équateur s’est énervé et, le jeudi 4 avril, a déclaré que notre ambassadrice était « persona non grata ». Donc nous avons décidé d’accorder l’asile politique à Glas et d’envoyer un avion des Forces Armées récupérer l’ambassadrice. À cette fin, nous avons demandé une autorisation de survol. Nous allions rapatrier l’ambassadrice ; Jorge Glas allait rester à l’ambassade.”

En êtes vous arrivé à penser que l’Équateur pouvait répondre par un assaut de l’ambassade après octroi de l’asile? 

« Pendant plusieurs semaines, l’ambassade a été assiégée. La police suivait l’ambassadrice, les fonctionnaires, ils pensaient que nous allions emmener Jorge Glas dans un coffre. Quelque chose que nous n’allions jamais faire. Jamais. C’est ridicule de penser que nous allions agir contre le droit international. » 

Et pourquoi l’Équateur a été si loin? 

« Franchement, ils ont mal calculé et ont fait preuve d’un grand manque d’expérience. Mais je n’ai aucune idée de pourquoi ils l’ont fait. Même dans les pires moments des dictatures latino-américaines, il ne s’est passé quelque chose de semblable à cela. Ni Pinochet, ni Videla. Aucun dictateur… Le plus probable est que l’octroi de l’asile ait été interprété par l’Équateur comme un acte de provocation. Très mal interprété. Premièrement parce que nous venions de dialoguer avec eux, et deuxièmement, parce qu’il n’y a aucune équivalence entre concéder un asile et prendre d’assaut une ambassade. »

« Que se passera-t-il ensuite? Et bien la Cour de La Haye prendra une décision très claire sur la violation d’une enceinte diplomatique. Ne pas le faire créerait un précédent extrêmement grave. En outre, nous estimons que la plainte de l’Équateur ne devrait pas être reconnue. Donc ni à court, ni à moyen terme, il n’existe de signes de désescalade. Tout reste inchangé. S’ils nous accordent le sauf-conduit et nous remettent Jorge Glas, nous pouvons faire le premier pas. L’autre solution, c’est qu’ils nous facilitent un accès consulaire. Il s’agit d’un de nos demandeurs d’asile politique, il est en prison et dans des conditions assez mauvaises. »