Le nouveau livre en français de l’écrivaine chilienne Alia Trabucco Zerán Assassines, vient de paraître aux éditions Robert Laffont après le roman Propre, en 2024, qui lui a valu le prix Femina la même année. Remarquable ouvrage, à la fois récit et essai, sur quatre femmes meurtrières.
Voilà un titre qui attire le regard, ce n’est pas fréquent de s’intéresser à des femmes meurtrières, en fait quatre cas qui traversent le XXe siècle de 1916 aux années soixante : dans l’ordre chronologique, la première Corina Rojas fait abattre son mari par un « tueur à gages ». Elle avait 27 ans, son mari 62 et il y a aussi un amant innocent dans l’affaire ! La deuxième, Rosa Faúndez, en 1923, tue, découpe et disperse elle-même un peu partout dans Santiago le corps de son mari infidèle. La troisième, María Carolina Geel, en 1955, tire à bout portant sur son amant en plein salon de thé de l’hôtel Crillon. Et enfin la quatrième, María Teresa Alfarojeune employée à plein temps de la famille España- Ramírez empoisonne successivement les trois bébés du couple et la mère de sa patronne. (Elle servira de modèle à la protagoniste de Propre).
Voilà les faits racontés en détail qui défrayèrent la chronique, secouèrent le monde judiciaire chilien et toute la société. L’autrice plonge dans les archives, épluche ce qui reste encore dans les comptes-rendus des procès, dans les journaux de chaque époque : elle reconstitue et analyse minutieusement le comportement de chaque meurtrière ainsi que le traitement que leur ont réservé médias, théâtre et littérature, elle tente de comprendre.
Or à travers ces quatre femmes qui seront jugées, condamnées puis oubliées ou graciées, elle démontre comment elles dérangent en cassant le schéma traditionnel de la femme vouée à être bonne épouse, bonne mère, serviable, docile et incapable de se rebeller. Dans les avis des juges et des psychiatres apparaissent souvent les termes d’hystérie, de passion, de jalousie et de folie, il n’est pas question pour ces messieurs d’aller plus loin !
Remarquable travail que cet ouvrage qui renvoie l’humanité, tout sexe confondu, tout continent, toute époque à une vérité dérangeante, la place de la femme dans une société bâtie par les hommes et pour les hommes. A lire de toute urgence !
Louise LAURENT
Assassines de Alia Trabucco Zerán, traduit de l’espagnol (Chili) par Anne Plantagenet, éd. Robert Laffont, 285 p., 20,90 €.


