La candidate de gauche Jeannette Jara et le candidat d’extrême droite José Antonio Kast ont participé mardi 9 décembre à un débat présidentiel intense qui a mis en évidence la distance qui existe entre leurs modèles de pays et leurs approches différentes pour résoudre les principales préoccupations de la population, telles que la sécurité, le contrôle de l’immigration et la croissance économique, à cinq jours du second tour au Chili.
Modérés par un groupe de cinq journalistes, les candidats ont tenu leur dernier débat, qui a laissé les esprits échauffés, avec une Jeannette Jara qui s’est montrée assurée et précise dans ses arguments, et un José Antonio Kast nerveux, qui a commis de graves erreurs dans les chiffres et les concepts, et qui a opté pour une mise en scène présidentielle dans laquelle il se sent gagnant sans avoir besoin de se lancer dans l’arène.
Lors de cette rencontre, organisée par l’Association nationale de télévision, les deux candidats ont comparé leurs visions sur neuf thèmes, l’un des premiers étant la capacité de gouvernance que chacun propose au pays sud-américain qui, selon les experts, traverse depuis des décennies une crise politique profonde et pour laquelle les deux candidats ont souligné la nécessité de « compromis ».
Un premier bloc difficile
L’ancienne ministre du Travail a plusieurs fois acculé son adversaire sur des questions telles que la déclaration d’un parlementaire républicain suggérant d’accorder des grâces aux personnes condamnées pour pédophilie, sa position contre la loi réduisant la semaine de travail à 40 heures et ses contradictions sur le contrôle de l’immigration. Au cours du débat sur la sécurité, Jara a assuré qu’elle ne signerait pas de grâces pendant son mandat et a de nouveau interrogé le candidat d’extrême droite sur son soutien au criminel contre l’humanité Miguel Krassnoff, qu’elle a ironiquement qualifié d’« ami », considéré comme l’un des tortionnaires les plus sanguinaires de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1989).
Kast, qui se présente pour la troisième fois à la présidence, a rejeté les prétendues intentions de gracier les pédophiles et a assuré que « tous ceux qui commettent des crimes graves resteront en prison », mais il n’a pas exclu de libérer les criminels de la dictature pour des « raisons humanitaires ». Le pire qui puisse nous arriver, c’est de ne pas savoir qui se trouve au Chili. « Ceux qui ne s’enregistrent pas seront expulsés », a déclaré Mme Jara à propos de la situation migratoire irrégulière, après avoir été interrogée sur le processus de régularisation limité qu’elle avait évoqué au début de sa campagne. « Votre président n’a même pas été capable d’ouvrir un couloir humanitaire », a rétorqué Kast, ce à quoi Jara a répondu : « Quand vous voudrez parler au président Boric, parlez-lui (…) Calmez-vous un peu ».
« Manque d’expérience » et « oreilles bouchées »
L’un des moments les plus intenses du débat a été lorsque Mme Jara, qui représente la coalition progressiste la plus large de l’histoire, du Parti communiste (PC) à la Démocratie chrétienne (DC), a reproché à M. Kast son « manque d’expérience » dans l’administration publique. Après que Kast l’ait interpellée sur son rôle au sein du comité politique à des moments critiques pour le gouvernement actuel, Jara a répondu : « J’ai accompli des choses importantes pour le pays, contrairement à vous qui êtes resté 16 ans et n’avez pas fait grand-chose ».
Interrogé sur les droits des diversités sexuelles au Chili, Kast a déclaré que son camp avait « respecté la dignité humaine » et qu’il « n’avait jamais utilisé de slogan pour gagner quelques voix supplémentaires », accusant la gauche d’avoir « les oreilles bouchées par l’idéologie » lorsqu’il s’agit d’aborder des problèmes sur lesquels des « préjugés » se sont installés. Bien qu’il ait remporté le premier tour le 16 novembre dernier avec 26,9 % des voix, Jara a peu de chances de remporter le second tour, selon tous les sondages. Kast, en revanche, est arrivé deuxième avec 23,9 % des voix, mais il a déjà reçu le soutien de l’ultra-libéral Johannes Kaiser et de l’ancienne maire de Providencia Evelyn Matthei, représentante de la droite traditionnelle : à eux trois, ils totalisaient alors plus de 50 % des voix.
Cependant, les experts soulignent que Matthei ne représente pas l’ensemble de la droite traditionnelle, qui est divisée, et indiquent que 20 % des électeurs, ceux qui ont soutenu au premier tour le populiste de droite Franco Parisi, arrivé troisième, sont indécis dans un processus électoral où le vote est obligatoire pour la première fois. Le président qui sortira des urnes devra composer à partir du 11 mars avec un parlement sans majorité, où le bloc de droite et d’extrême droite est à deux députés de 50 % au Congrès et où les voix du PDG populiste de Franco Parisi, également divisé, seront déterminantes.
D’après Agence Espagnole
Traduit par nos soins


