La Triple Frontière, entre Brésil, Argentine et Paraguay, un carrefour criminel de plus en plus emprunté

A l’embouchure des fleuves Paraná et Iguazú, trois villes se font face :  Ciudad del Este côté paraguayen, Foz do Iguaçu côté brésilien et Puerto Iguazú côté argentin. Ciudad del Este est la deuxième ville la plus peuplée du Paraguay ; il s’agit de la zone franche la plus étendue d’Amérique du Sud. Celle-ci attire des milliers de consommateurs brésiliens en quête de divers produits sur un marché où les contrefaçons sont nombreuses. Chaque année, les échanges se chiffrent à plusieurs milliards de dollars, ce qui fait de Ciudad del Este la troisième zone franche la plus active au monde, derrière Hong Kong et Miami.

Ces échanges très intenses ne cessent de croître, favorisés par la dynamique d’intégration commerciale et institutionnelle liée à la création du Mercosur en 1991 (Traité d’Asunción), dont les trois pays sont membres. Avec ses innombrables vendeurs de rue, ses magasins et ses centres commerciaux, Ciudad del Este a ainsi l’allure d’un gigantesque marché régional.

Mais ces villes sont au cœur de nombreux trafics. Les principales sources illégales de revenus sont la cocaïne, le cannabis, les opiacés, le trafic d’êtres humains, le vol, le trafic d’armes, la délinquance environnementale et les mines illégales, selon une enquête du site Insight Crime (2021). Une multitude d’organisations criminelles opère dans cette région appelée les “Nations unies du crime”. Parmi celles-ci, on compte des cartels colombiens, brésiliens, mexicains, mais aussi des membres d’organisations criminelles italiennes, turques, ukrainiennes, japonaises et des triades chinoises.

Outre les ponts, les échanges entre les rives des fleuves se font aussi sur des barges avec pour destination finale les ports du Brésil ou de l’Argentine vers l’océan Atlantique. La cocaïne, elle, cultivée au Pérou ou en Bolivie arrive dans la région de la Triple frontière soit par la route, soit par les airs dans de petits avions qui atterrissent dans des aéroports clandestins, soit sur l’un des cours d’eau de la sous-région. 

La drogue a pour destination l’Europe essentiellement. Dans l’édition 2023 de son rapport mondial sur la cocaïne, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) présente cette voie d’eau comme le principal canal d’exportation des drogues vers le marché européen. Plusieurs réseaux opèrent dans la région avec en tête de lice le PCC brésilien, le Primer Comando da Capital qui serait à l’origine du « tsunami » de cocaïne qui a envahi l’Europe ces dernières années. 

Le manque de vigilance -contraint ou volontaire- des pouvoirs publics et des forces de sécurité (corruption à grande échelle) et leur manque de moyens permet au trafic de prospérer.  Ainsi, en 1996, les pays frontaliers ont mis en place une coordination douanière et policière chargée de lutter contre le crime organisé (accord de Puerto Iguazu). Mais cette coordination est rapidement apparue comme démunie face aux ressources des organisations criminelles.

En février 2025, l’Argentine et le Paraguay ont relancé leur coopération en matière de sécurité en signant la déclaration dite de Clorinda. L’implication des Etats-Unis dans le dossier – et la proximité entre les présidents Trump, Milei et Noboa – renforcent cette volonté de coopérer. 

Pour conclure, la Triple Frontière représente un défi pour les États riverains qui doivent coordonner leur action pour enrayer le trafic et ses causes sur le plan interne (pauvreté, corruption, manque d’accès à l’éducation et aux soins…).