Discours de M. Grégory Doucet, Maire de Lyon lors de la cérémonie du dixième anniversaire des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Quelques membres de notre équipe direction nous avons assisté à la cérémonie qui s’est tenu à l’Hôtel de Ville de Lyon. Nous rappelons que nos activités de médiation culturelle sont basées à Lyon où les Lyonnais nous ont accueilli et ils nous accompagnent toujours fidèlement.
Mesdames et Messieurs,
Dix ans… Dix ans ont passé depuis cette nuit où Paris et Saint-Denis ont été frappées au cœur. Dix ans depuis que cent trente vies ont été fauchées… Cent trente destins… Cent trente visages… Cent trente familles à jamais bouleversées. Dix ans depuis que notre pays a connu, dans la stupeur et la douleur, l’un des drames les plus terribles de son histoire contemporaine. Ce soir-là, la France entière a vacillé… Mais elle ne s’est pas effondrée.
Fluctuat nec mergitur — Il est battu par les flots, mais ne sombre pas. La devise de Paris est devenue ce soir-là celle de toute la Nation. Dix ans après, nous nous souvenons. Des terrasses où la jeunesse riait, trinquait, aimait. Du Stade de France, temple du sport et symbole du rassemblement populaire. Du Bataclan, lieu de musique, de fête, de liberté. Nous nous souvenons de cette nuit d’effroi, où le bruit des balles et des explosions tenta d’étouffer les voix de la joie et de la liberté.
Ce jour-là, le terrorisme islamiste a voulu tuer la joie de vivre. Il a voulu frapper la France pour ce qu’elle est : une Nation libre, plurielle, ouverte. Il a voulu s’en prendre à ce que nous avons de plus précieux : la culture, la liberté, la convivialité, la fraternité. Mais la France s’est redressée. Paris s’est couverte de bougies, de fleurs, de messages. Et face à la peur… les citoyens et les amis de la France ont opposé la lumière. Bien sûr, ces attentats n’ont pas commencé en 2015, et n’ont pas cessé ensuite. Depuis 2012, notre pays a été frappé à de trop nombreuses reprises : à Toulouse et Montauban, à Nice, à Saint-Étienne-du-Rouvray, à Magnanville, à Conflans-Sainte-Honorine, à Arras…
Jusque dans nos écoles, nos salles de rédaction, nos commissariats, nos églises, nos synagogues, nos rues commerçantes, nos marchés de Noël. Ce terrorisme islamiste a voulu semer la terreur et la division. Il n’a trouvé, face à lui, que la détermination sans cesse renouvelée de la République. Les victimes du 13 novembre incarnaient une France ouverte, diverse, universelle. Elles avaient en commun l’amour de la vie, la joie d’un soir, la simple envie d’être ensemble. Aujourd’hui, nous pensons à elles. Nous pensons aussi aux rescapés, aux blessures visibles ou invisibles. À toutes celles et tous ceux que la violence a marqués pour toujours et dont la reconstruction n’a jamais cessé depuis.
Nous pensons aussi à celles et ceux qui, depuis dix ans, veillent sur notre sécurité. Policiers nationaux et municipaux, gendarmes, militaires, sapeurs-pompiers, agents publics. Grâce à leur vigilance, près de quatre-vingts attentats ont été déjoués depuis 2015. Ils sont la force tranquille de l’État, celle qui protège pour que la vie puisse suivre son cours.
Dix ans après, la menace n’a pas disparu. Elle a pris d’autres visages, d’autres formes. Elle cherche à diviser, à instiller la haine, à opposer les uns aux autres. Mais notre réponse reste la même : l’attachement aux valeurs de la République, à l’état de droit et à la liberté de conscience ; la dignité et l’humanité face à l’obscurantisme. Et cela se traduit chaque instant par ce qui fait notre fierté : nos services publics de la culture et de l’éducation qui doivent être défendus, inlassablement.
Ces attentats ont voulu détruire notre modèle de société… Ils ont renforcé notre détermination à le défendre. Car chaque fois qu’un concert résonne, chaque fois qu’une terrasse s’anime, chaque fois qu’un enseignant transmet, chaque fois qu’un citoyen croit encore à l’autre… c’est la République qui se relève. À Lyon, nous savons ce que signifie la résistance. Notre ville s’est construite sur la mémoire des combats pour la liberté. Nous célébrons cette liberté au présent en organisant et en accompagnant les événements sportifs, culturels, cultuels. Et lorsqu’en 2019, la rue Victor-Hugo a été frappée, notre ville a su, elle aussi, se tenir debout. Plus récemment encore, en septembre, notre ville a connu de nouveau l’horreur lorsqu’un homme, Ashur Sarnaya, chrétien irakien, réfugié et handicapé, a été assassiné
Face à ces épreuves, notre ville, comme la France, reste vigilante, solidaire, unie. C’est cela, la vraie victoire sur le terrorisme : non pas la vengeance, mais la persistance du lien. Non pas la peur, mais la fidélité à la vie. Et parce que la République est forte, elle sait aussi rendre justice. Pour les attentats du 13 novembre, la justice est passée. Le procès a permis de mettre des mots sur l’horreur, de rappeler les responsabilités, et de donner à la Nation un moment de vérité et de dignité. C’est aussi cela, la victoire de l’État de droit sur la barbarie.
Je voudrais, pour finir, évoquer deux hommes, deux pères : Georges Salines, le père de Lola, assassinée au Bataclan, et Azdyne Amimour, le père de Samy, l’un des terroristes. Ils se sont rencontrés. Ils ont dialogué. Ils ont écrit ensemble un livre : Il nous reste les mots. Cet acte de courage, presque inconcevable, nous enseigne qu’il est possible, même dans l’abîme, de choisir l’humanité. Que la mémoire peut être un lieu de réconciliation. Et que notre devoir, dix ans après, n’est pas seulement de pleurer les morts, mais de continuer à faire vivre ce pour quoi ils sont tombés : la liberté, l’amour, l’amitié, la convivialité, la dignité, la solidarité.
Mesdames, Messieurs, aujourd’hui, à Lyon, nous nous recueillons. Mais ce recueillement n’est pas un repli. C’est un acte de résistance. Un acte de fidélité à celles et ceux qui, ce soir-là, ont été tués parce qu’ils vivaient pleinement. Dix ans après, Lyon se souvient. La France se souvient. Mais surtout, elle continue de vivre. Parce qu’aucune haine ne sera jamais plus forte que notre désir de paix. Parce qu’aucune nuit ne pourra jamais éteindre la lumière de nos villes, ni la fraternité de nos cœurs.
Vive la République, et vive la France.
Grégory DOUCET
Maire de Lyon


