Au Venezuela, l’Amazonie livrée aux appétits pour l’or 

Pris au piège. Mi-octobre cette année, au sud du Venezuela, quatorze ouvriers qui se trouvaient dans une mine d’or de Callao ont péri dans l’inondation de leur galerie, alors que de fortes pluies s’abattaient depuis des heures sur la terre meuble. Ce genre d’accident n’est pas rare dans “l’Arc minier de l’Orénoque“, dénomination officielle qu’a donnée le pouvoir de Nicolás Maduro en 2016 à une zone d’extraction d’or et de minerais précieux sur onze millions d’hectares dans le sud du pays. 

Cette région aux paysages spectaculaires de montagnes, de rivières et de forêt au sud du grand fleuve Orénoque a vu disparaître quarante mineurs rien que cette année, dénonce Cristina Vollmer de Burelli, la présidente de SOS Orinoco, une ONG qui documente le désastre humain et écologique causé par l’extraction d’or, principalement “informelle ou illégale“, souligne Mme Burelli, dans cette partie amazonienne du Venezuela, sur un territoire plus vaste que le Portugal et dans une opacité totale. À l’heure de la COP30 qui se déroule à Belém, au Brésil, l’ONG, dont le siège est en Norvège, lance à nouveau l’alerte sur la réalité de l’extraction d’or au Venezuela et promeut une campagne pour revendiquer une mesure forte contre l’exploitation minière illégale à grande échelle dans le pays. 

Sur le papier, affirme l’ONG, les procédures contractuelles entre le gouvernement et des sociétés d’exploitation minières sont respectées, mais la réalité est tout autre : ce sont des “opérateurs illicites sous protection du gouvernement“ qui officient sur place. À savoir l’armée et les paramilitaires, des groupes du crime organisé, des membres de guérillas colombiennes, des investisseurs locaux…Et depuis qu’au Brésil voisin, le président Lula a commencé à chasser les orpailleurs illégaux de l’Amazonie brésilienne, ceux-ci ont passé la frontière et se sont, eux aussi, installés dans la zone d’extraction du Venezuela. 

Déjà en 2018, une enquête du média armando.info: “L’État vénézuélien achète de l’or à des orpailleurs illégaux. “ Deux autres médias vénézuéliens d’investigation ont pu constater que la plupart des entreprises exploitantes ne sont pas identifiées par un contrat officiel et qu’un sixième d’entre elles ont été poursuivies pour corruption. “Il n’y a pas d’information claire, complète et précise sur la production dans l’Arc minier de l’Orénoque, écrivent les auteurs. “Pas davantage de comptes rendus de la part des entreprises d’État, du ministère ou de la banque centrale sur le stock d’or. Et aucune demande d’information présentée par des journalistes ou des collectifs citoyens n’obtient de réponse.

Le résultat est documenté depuis des années par des médias d’investigation indépendants et des ONG écologistes et de défense des droits humains. Un saccage en règle de l’environnement, qui dépasse même les limites de “l’Arc minier“ et atteint des parcs nationaux célèbres pour leurs beautés naturelles et très touristiques, comme celui de Canaima. L’utilisation massive de mercure, pourtant interdit au Venezuela, et de cyanure, hautement toxiques pour les humains comme pour les sols et les cours d’eau. Des pistes d’atterrissage clandestines aux quatre coins de la région, pour embarquer l’or en toute “confidentialité“. L’envahissement des territoires indiens, sous la contrainte de protagonistes armés de l’extraction, et l’assassinat de leaders de ces communautés, sans qu’aucun dépôt de plainte n’ait une suite judiciaire. Une explosion démographique mue par l’appât de l’or, qui attire des candidats à l’extraction de tous les coins du pays. Et toutes les conséquences que l’on connaît face à un fonctionnement sans foi ni loi. 

Nous avons perdu notre rivière“, explique ainsi le maire de El Callao, où il n’y a plus d’eau potable depuis quatre ans en raison de la contamination du cours d’eau. Dans un rapport, SOS Orinoco documente une situation sanitaire critique, où les mesures de sécurité et de protection des employés sont inexistantes, tout comme les soins à la population ou l’accès à l’eau. À la COP30, les huit pays membres de l’Organisation du Traité de coopération amazonienne (OTCA), dont le Venezuela est membre, seront représentés. À cette occasion, SOS Orinoco lance un appel aux membres de l’organisation pour que le Venezuela, “directement responsable de la destruction accélérée de l’Amazonie vénézuélienne“ en soit suspendu et ne puisse plus bénéficier de financements internationaux par l’intermédiaire de l’OTCA. “Depuis 2023, notre plateforme a alerté l’opinion sur le fait que le Venezuela utilise son appartenance à l’OTCA comme un levier stratégique, en s’appuyant sur l’influence du Brésil en matière d’environnement pour faciliter l’accès du Venezuela à des financements internationaux que le pays ne pourrait pas obtenir seul“, écrit SOS Orinoco dans un manifeste. Depuis des années, loin des regards, l’Amazonie du Venezuela paie très cher le prix de la cupidité.