Sous prétexte de lutte contre le « narcoterrorisme », Donald Trump cible le Venezuela de Maduro et multiplie les frappes dans les Caraïbes, jusqu’à déployer la plus vaste flotte américaine depuis la crise de Cuba. Offensive contre la drogue ou nouvelle expression de l’impérialisme américain ?
La COP 30 commence ses travaux à Belém au Brésil. Donald Trump, climato-sceptique farouche déjà sorti de l’Accord de Paris, n’y délègue aucun représentant de poids, mais son ombre pèse déjà lourdement sur l’ensemble du sous-continent latino-américain. Depuis des mois, son administration républicaine pourchasse et expulse avec férocité ces immigrés légalisés ou non qui, par millions, avaient fui la misère de leur pays d’origine pour tenter leur chance aux États-Unis. Et voilà des semaines que le Pentagone a déployé au large de l’Amérique Centrale et de l’Amérique du Sud le dispositif naval le plus spectaculaire depuis la crise de Cuba en 1962.
Sans commune mesure avec les moyens affichés, des frappes aériennes ont coulé à plusieurs reprises des bateaux rapides soupçonnés d’être opérés par des trafiquants de drogue. Vaincre enfin le narcotrafic qui fait tant de victimes parmi ses concitoyens : tel est l’objectif martelé par le président américain, qui reprend à la fois le vocabulaire et le cadre légal de la lutte anti-terroriste forgés à l’époque de W Bush pour justifier ces opérations. Pas besoin de s’embarrasser du Congrès et encore moins du droit international : comme Donald Trump le dit et l’écrit lui-même, avec ce langage qui n’appartient qu’à lui, « on tue simplement des gens qui font entrer de la drogue dans notre pays, ok ? ».
Un recentrage des priorités stratégiques en direction de l’Amérique du Sud
Il y a les drogues, cocaïne et fentanyl en tête, dont les États-Unis restent le premier marché, il y a aussi le recentrage des priorités stratégiques de Washington en direction du sous-continent, la réaffirmation de sa suprématie régionale face aux intérêts chinois et russes, la préoccupation de se réserver l’accès aux ressources pétrolières et minières convoitées par ses rivaux. En ligne de mire, le Venezuela de Nicolas Maduro, qui prétend toujours incarner, selon sa formule, la conscience révolutionnaire, bolivarienne et chaviste qui a mené à la ruine ce pays riche en pétrole, acculé la population à la misère et volé les dernières élections aux vrais vainqueurs, dont Maria Machado, la dernière prix Nobel de la paix.
La drogue ou le régime : quelle est la véritable cible de l’offensive américaine ? Le Venezuela ne compte pas parmi les gros fournisseurs de drogue, à la différence de la Colombie voisine, première productrice de cocaïne, elle aussi sous le feu des menaces de Donald Trump qui traite son président, Gustavo Petro, de baron de la drogue. Le Mexique, le grand voisin, le pays des cartels les plus puissants qui transforment et exportent le fentanyl, fait l’objet d’un traitement différent grâce à son poids économique et à l’habileté de sa présidente Claudia Sheinbaum. Existe-t-il entre ces pays une forme de solidarité face à l’offensive américaine ?
Donald Trump a autorisé la CIA à lancer des opérations de terrain à l’intérieur du Venezuela, ce qui rappelle les scandales et les échecs américains de la fin du siècle dernier. Préparerait-il son opinion publique à une offensive militaire, lui qui a promis à son mouvement MAGA de ne plus entrer dans de telles aventures et qui aime s’afficher comme le président de la paix ? En tout cas, pour éviter de le contrarier, certains dirigeants européens, à commencer par la présidente de la Commission et le chancelier allemand, annulent leur participation demain en Colombie au sommet UE-Amérique latine. Jusqu’où Donald Trump peut-il aller, quelles sont ses motivations, qui peut les contraindre ou les contrecarrer ?
Les invités : Maud Quessard, maître de conférences des universités, directrice du domaine Euratlantique à l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM) ; Kevin Parhenay professeur des universités à Tours et membre de l’Institut Universitaire de France et Jean-Louis Martin, economiste Chercheur associé sur l’Amérique latine à l’Institut français des relations internationales (Ifri)


