Je tiens avant toute chose à remercier le Brésil qui nous accueille ici, à Belém, au cœur de l’Amazonie, dans cette forêt unique, poumon de l’humanité, que nous sommes fiers, avec la Guyane française, de partager avec tant d’autres pays amazoniens. Nous vivons en effet les dix ans de l’Accord de Paris, qui fut un des grands succès du multilatéralisme.
Cette date est devenue un cap. Il y a 10 ans, le monde se réunissait pour adopter cet accord qui est devenu une boussole pour notre action climatique. 10 ans après, l’heure est au bilan. En 2015, le monde se dirigeait vers un réchauffement climatique qui était de l’ordre de quatre à cinq degrés Celsius en plus d’ici la fin du siècle.
Grâce à l’Accord de Paris et la mobilisation permise, aux engagements de tous les États, mais aussi des entreprises, des collectivités locales, de la société civile, les comportements ont commencé à changer, les décisions ont commencé à être planifiées, les investissements ont commencé à se faire, une méthodologie nouvelle s’est déployée et ses estimations sont désormais de plus 2,8 degrés Celsius. Ce n’est évidemment pas rien comme changement, car chaque dixième de degré compte. Mais évidemment, cela n’est pas suffisant et nous ne sommes pas aujourd’hui, le secrétaire général l’a rappelé, au 1,5 degré Celsius que nous avions collectivement défini à Paris il y a dix ans.
L’Accord de Paris fut aussi un changement de paradigme, investir dans le climat pour stimuler la croissance et le développement. C’est l’un des acquis les plus puissants de la décennie écoulée. Les énergies décarbonées sont désormais les plus compétitives, les plus résilientes, plus sûres pour notre avenir, et l’Europe en est la preuve, en ayant démontré en 20 ans qu’on peut réduire massivement les émissions, de près de 40 % en l’espèce, tout en préservant la croissance économique. Cependant, comme je le disais, cela n’est pas assez, et les 2,8 degrés Celsius de réchauffement prévisionnel d’ici la fin du siècle ne sont pas un point d’aboutissement.
Alors que s’ouvre la COP 2030, nous devons donc convoquer à nouveau l’esprit qui a présidé à l’adoption de l’Accord de Paris : le choix du multilatéralisme face au repli sur soi, de la science face à l’idéologie et de l’action face au fatalisme. Ces principes éclairent les priorités qui doivent être les nôtres à Belém et je voudrais en retenir quatre pour cette COP30.
La première ici, à Belém, est de démultiplier notre énergie à combattre le changement climatique. Au-delà de l’obligation juridique, soulignée sans équivoque par la Cour internationale de justice en juillet, c’est une nécessité morale envers les plus vulnérables et les générations futures. L’Europe et la France sont à l’avant-garde de la décarbonation et continueront de l’être. Nos objectifs pour 2012 puis pour 2020 ont été atteints. L’Europe a toujours été au rendez-vous et continuera de l’être avec sa nouvelle contribution déterminée au niveau national, construite sur la base d’un avis scientifique et la fixation d’un objectif de 90 % de réduction des émissions nettes en 2040. C’est une des NDC les plus ambitieuses au monde. Nous l’avons confirmée il y a à peine 48 heures par un vote des Européens. Quand l’Europe prend un engagement, elle le tient. Nous avons besoin que tous les grands émetteurs s’engagent avec nous sur cette voie.
Cette voie est claire, elle passe par la sortie progressive des énergies fossiles, comme nous l’avons reprécisé, ancré lors de la COP28 à Dubaï. Toutes les solutions sont là : batteries, stockage, voitures électriques, énergie décarbonée, carburants alternatifs pour le transport aérien et maritime. Chaque pays doit désormais présenter sa feuille de route en matière d’investissement, élaborer sa stratégie permettant d’organiser la sortie des énergies fossiles, mais aussi attirer les capitaux, les investissements publics et privés dans les secteurs d’avenir. Il est indispensable de continuer nos efforts pour sortir du charbon, qui est la source la plus émettrice de gaz à effet de serre.
La France s’y emploie, d’abord en ayant fermé les deux dernières centrales thermiques, et ce sera pleinement parachevé d’ici 2027, plus aucune ne permet de produire le mix électrique français, en encourageant par notre stratégie européenne la sortie du charbon de nos partenaires européens qui en sont encore dépendants, mais également en accompagnant dans la sortie du charbon et de la décarbonation de nombreux pays à travers les partenariats pour une transition énergétique juste, les fameux JETP définis à la COP de Glasgow, et pour n’en citer que quelques-uns, ceux qui ont été signés avec l’Afrique du Sud, l’Indonésie, le Vietnam ou le Sénégal.
À court terme, le chemin passe également par la définition d’un cadre plus contraignant pour les émissions de méthane, et je veux insister sur ce point. Je sais que, entre autres, la Première ministre Mia Mottley y est revenue. Cet objectif est essentiel dans notre combat. Tant le méthane est contributeur de ces émissions, il est réalisable à moindre coût, en particulier dans le secteur énergétique, par des investissements qui permettent d’éviter les fuites de méthane. Ça doit être une priorité absolue, et nous ne sommes pas aujourd’hui à la hauteur de cet enjeu, et il est indispensable que tous nos acteurs fassent ces investissements nécessaires, que nous endossions une nouvelle coalition pour pouvoir le suivre. Il est évident que tous les pays en développement doivent accéder à une énergie décarbonée, abondante et fiable pour leur développement, et les efforts de décarbonation ne doivent pas se faire, au dépend du développement économique, cette philosophie, celle qui consiste à accompagner chaque pays dans sa stratégie propre, ne pas opposer lutte contre les inégalités et lutte contre le dérèglement climatique, et de mobiliser davantage de financements publics et privés par des mécanismes nouveaux, est au cœur du Pacte pour la Prospérité des Peuples et la Planète, lancé en 2023 et sur lequel je reviendrai.
La deuxième priorité pour cette COP, c’est de protéger, de restaurer nos deux grands puits de carbone naturel, nos forêts et notre océan. La France milite depuis des années pour les solutions fondées sur la nature qui permettent de créer un pacte pour le climat, les sols, la biodiversité et, in fine, la sécurité humaine. La nature est surtout notre assurance pour adapter nos sociétés, créer des écosystèmes résilients, soutenir aussi nos agriculteurs, nos peuples autochtones, nos sociétés. C’est pourquoi la France s’est engagée avec constance dans le combat pour les forêts, l’océan et la préservation de nos capacités hydriques partout sur la planète. Un évènement spécifique prévu par le Président Lula permettra d’y revenir cet après-midi. Mais je veux dire combien, à la fois ce que nous avons pu finaliser lors du sommet de l’UNOC à Nice, ce sur quoi nous nous sommes battus avec beaucoup de nos collègues amazoniens, africains ou d’Asie du Sud-Est pour nos forêts est essentiel dans ce combat. Je sais que le Prince Albert de Monaco
a à nouveau rappelé l’importance de ce combat qu’il mène depuis tant d’années avant beaucoup d’autres, et je veux ici l’en remercier.
À cet égard, les politiques d’adaptation sont incontournables. Soyons honnêtes, nous n’y avons pas consacré l’attention nécessaire jusqu’à présent. Il nous faut en particulier protéger les plus vulnérables, et je pense aux petits États insulaires qui, année après année, font face à des catastrophes toujours plus intenses.
La France consacre aujourd’hui un tiers de sa finance climat à l’adaptation, soit trois milliards d’euros en 2024. C’est 8 % de la contribution publique mondiale à l’adaptation sur une contribution totale de 7,2 milliards et nous continuerons d’être au rendez-vous.
Troisièmement, nous le savons, pour atteindre nos objectifs, il faudra de nouveaux financements. Regardons là aussi la réalité en face. L’effort public ne peut pas reposer sur un petit nombre de pays que l’on peut compter sur les doigts de la main. Tous ceux qui sont en position de le faire doivent assumer leur responsabilité à cet égard et la base des contributeurs publics doit être élargie à tous les pays qui, aujourd’hui, sont en position de contribuer. Nous devons aller plus loin dans l’alignement des flux financiers, dans la réforme de l’architecture financière internationale et dans l’identification de sources de financements innovantes. C’est d’ailleurs tout l’objet du Pacte pour la Prospérité des Peuples et de la Planète, le 4P, que j’évoquais, qui a réuni 73 États autour de ce principe clé de mobiliser davantage, en particulier le FMI, la Banque mondiale et les plus grands contributeurs publics possibles, mais de davantage mobiliser la finance privée grâce à des mécanismes de garantie sur les premières pertes et un effet de levier accru de la finance publique. Nous avons besoin de financements innovants et justes.
Les initiatives nées du 4P vont dans ce sens, avec le Kenya, l’Espagne, la Somalie, le Bénin, la Sierra Leone, Antigua-et-Barbuda, nous avons largement avancé le travail à une meilleure contribution du secteur de l’aviation à l’adaptation.
Avec le Royaume-Uni, nous avons travaillé à la mise en place d’un cadre pour les crédits biodiversité, et nous continuerons ainsi d’avancer pour bâtir des outils de financement de la transition, comme les SWAPS dette-climat. Tous ces mécanismes permettent d’améliorer la contribution du secteur privé à cet effort, ils sont indispensables. C’est pourquoi il nous faut aussi continuer le travail, d’abord pour améliorer le fonctionnement des crédits carbone, qui ont montré ces dernières années leurs limites, et pour bâtir ces crédits biodiversité qui sont indispensables à la mobilisation du financement international sur ce sujet.
Enfin, et c’est mon dernier point, à l’heure où les prophètes de désordre sèment le doute quant à l’urgence climatique et remettent en question les certitudes les mieux étayées, nous devons protéger la science et fonder nos politiques sur ces constats. Je veux insister sur ce point, nos COP reposent sur une mobilisation collective qui a été nourrie par les travaux d’une science internationale indépendante en l’espace, celle menée par le GIEC. De la même manière, nous avons bâti une action nouvelle pour la biodiversité grâce à l’IPBES. Nous avons construit nos engagements de la Conférence des Nations unies sur les Océans sur la base d’un compromis, d’un consensus scientifique. La désinformation climatique fait aujourd’hui peser une menace sur nos démocraties, sur l’agenda de Paris et donc sur notre sécurité collective.
C’est pourquoi, je le redis ici avec force, nous devons soutenir la science libre indépendante. Nous devons continuer l’engagement derrière nos scientifiques pour gagner ce combat climatique. C’est dans cet esprit que la France accueillera en décembre à Paris les scientifiques du GIEC et contribuera à rassembler tous les pays qui sont prêts à pérenniser un financement visible, solide pour ces travaux scientifiques.
Mesdames et Messieurs, face à l’urgence, j’ai l’intime conviction que les moments de crise accrue doivent aussi nous conduire à bâtir des avancées décisives. Nous avons l’opportunité de faire de la COP 30 un succès. Avec l’Union européenne, la France se tiendra aux côtés du Brésil pour relever ce défi. Nous venons de le faire sur l’engagement en matière de forêt. Nous allons le poursuivre pour nos forêts et nos océans, mais nous allons aussi le poursuivre au-delà des sommets, par la constance de nos engagements, par la robustesse des coalitions d’acteurs que nous avons bâties et par la force de la conviction que nous partageons. C’est à l’aune de cette mobilisation que cette COP sera jugée, et je le dis avec beaucoup de confiance et d’amitié. Je vous remercie.
D’après L’Elysée


