Soirée spécial Arte TV : mardi 12 septembre 50e anniversaire du coup d’État de Pinochet

Un demi-siècle après le coup d’État, le pays porte toujours la trace du rêve inachevé de Salvador Allende et de la dictature féroce qui a suivi. ARTE propose deux documentaires, Chili, par la raison ou par la force et Chili – Le peuple contre les économistes, ainsi que la série documentaire La bataille du Chili de Patricio Guzmán, témoin des événements devenu grand réalisateur. Soirée à partir de 22 h 30 .Et sur arte.tv : les trois parties de La Bataille du Chili dans leur intégralité pendant 6 mois.

Photo : ARTE TV

Le 11 septembre 1973, le général Pinochet mettait un terme dans un bain de sang à la révolution socialiste initiée par le président Salvador Allende trois ans plus tôt. Ce coup d’État militaire a conduit à la mise en place d’un régime dictatorial d’une grande violence, soutenu par une économie néolibérale importée par ceux qu’on a appelés les « Chicago Boys », des jeunes technocrates formés aux États-Unis. Un demi-siècle plus tard, le peuple chilien porte toujours en lui la trace de cette décennie tragique, où le rêve d’une démocratie sociale porté par le gouvernement du « peuple uni » a été réprimé par une dictature féroce, adoubée par une grande partie des citoyens. Dernière preuve de ce clivage : le rejet à près de 62 %, en septembre 2022, du projet ambitieux d’une nouvelle Constitution pour le pays. Aujourd’hui, la Constitution rédigée en 1980 par la junte militaire pour faire taire les critiques que la violence du régime avait fait naître à l’étranger est toujours en vigueur.

Double héritage

L’élection de Gabriel Boric à la présidence du Chili, le 19 décembre 2021, dans la continuité du mouvement social débuté à l’automne 2019, présageait un retour à l’expérience progressiste des années Allende. Mais l’échec de l’Assemblée constituante quelques mois plus tard, malgré un projet redistributeur, féministe et décolonial audacieux, a mis en lumière le paradoxe d’une société chilienne fracturée. Ce film propose un retour chronologique sur les origines de cette fracture. Si le 4 septembre 1970 l’élection de Salvador Allende a posé les fondements d’une démocratie sociale, la violence de la riposte qui l’a suivie est venue mettre au jour des tensions qui n’ont pas disparu. Les forces conservatrices du pays ont accueilli avec soulagement le putsch militaire du général Pinochet, permettant l’instauration d’une dictature pensée comme une expérimentation grandeur nature du néolibéralisme. Images d’archives et récits de Chiliens issus de différentes générations retracent ce double héritage qui n’en finit pas d’alimenter les clivages, mettant à nu les imperfections d’une jeune démocratie.

Documentaire de Lucie Pastor et Paul Le Grouyer (France, 2023, 1 h 30 min) – Coproduction : ARTE France, Zed

L’implication de la CIA

En l’an 2000, la CIA remet un rapport de 22 pages au Congrès américain, où elle admet enfin avoir « activement » soutenu la junte de Pinochet. L’agence américaine reconnaît comme contacts et agents certains des officiers de Pinochet impliqués dans des violations des droits de l’homme « systématiques« , dont Manuel Contreras, le chef de la police politique du dictateur. Avant le coup d’État, l’agence avait également, à la demande de Nixon, financé et armé trois groupes différents pour empêcher Salvador Allende de prendre le pouvoir, puis noyauté le parti d’opposition démocrate-chrétien et, en 1973, rempli les caisses de grève des transporteurs appuyés par l’opposition. Pire, l’agence américaine a soutenu financièrement les milices fascistes chiliennes et infiltré en leur sein des agents instructeurs chargés de les former au terrorisme. Au total, l’on estime que l’administration Nixon aurait dépensé plus de 8 millions de dollars pour obtenir la tête du projet socialiste de Salvador Allende. Un sanglant succès.

Chili – Le peuple contre les économistes – 58 min

Le Chili, laboratoire du néolibéralisme, fut, en 2019-2020, le théâtre d’un grand mouvement populaire. Retour, via le portrait croisé de deux protagonistes que tout oppose, sur cette lutte acharnée d’un peuple en marche vers une nouvelle Constitution. Première diffusion : 12 septembre 2023

En 1973, un groupe d’économistes chiliens, les « Chicago Boys », inspirés par les travaux de l’apôtre du libéralisme Milton Friedman, jettent les bases d’un nouveau modèle économique. Fondé sur le désengagement de l’État au profit des entreprises privées, il sera expérimenté dès l’accession au pouvoir du général Pinochet après son coup d’État. En octobre 2019, alors que le pays reste en proie à d’importantes inégalités, un million de personnes manifestent dans les rues de Santiago à la suite d’une augmentation du prix du ticket de métro. Ce soulèvement débouche sur l’abrogation par référendum de la Constitution, héritage de la dictature. Le 25 octobre 2020, le pays se prononce à 78 % pour la rédaction d’un nouveau texte. Mais deux ans plus tard, le projet proposé par l’Assemblée constituante est rejeté par 62 % de voix contre.

« Le Chili s’est réveillé« 

De son poste de télévision, Ramiro, économiste néolibéral et conservateur, accueille le grondement populaire avec anxiété et perplexité. Alors qu’elle tracte dans les rues de Santiago, Mariana, figure de proue du mouvement social qui traverse le Chili en cette fin d’année 2019, est transcendée par une espérance inédite. Tout au long de ce documentaire, ces deux protagonistes que tout oppose nous entraînent dans les profondeurs d’une société chilienne déchirée, en quête de justice sociale. D’origine modeste, Mariana représente cette frange de la population particulièrement maltraitée par la politique néolibérale, qui souffre du manque d’accès à l’eau potable, à l’hygiène et même à l’alimentation. Quant à Ramiro, le réel lui revient brutalement en plein visage : alors que l’entrepreneuriat, la flexibilité et l’innovation devaient garantir croissance et prospérité, l’utopie libérale en laquelle il croit semble surtout avoir brutalisé les personnes les plus fragiles socialement. Par le prisme de ces trajectoires, Carola Fuentes et Rafael Valdeavellano ont su capter la lueur d’espoir du peuple chilien en marche vers plus de justice sociale en mettant aussi au jour les tensions qui le traversent. 

La Bataille du Chili (1re partie)Documentaire de Patricio Guzmán 

Salvador Allende initie un programme de transformations sociales et politiques visant à moderniser l’État et à enrayer la pauvreté. Les classes les plus conservatrices organisent aussitôt une série de grèves sauvages à l’encontre d’Allende et la Maison-Blanche l’asphyxie économiquement. Malgré le boycott économique et le blocus parlementaire (l’opposition rejette quasiment tous les projets de loi), les partis qui soutiennent Allende obtiennent un résultat surprenant en remportant 43,4 % des suffrages en mars 1973. La droite dans son ensemble comprend qu’elle ne peut plus avoir recours à des mécanismes légaux. Sa stratégie sera désormais le coup d’État. La Bataille du Chili est une fresque qui montre, pas à pas, ces événements qui ont ému le monde entier.

Suites sur ARTE TV ICI : https://www.arte.tv/fr/videos/RC-024360/chili-50-ans-apres-le-putsch