Après de longues années de lutte menées par plusieurs milliers de personnes, le 26 mai, le premier mariage entre deux femmes s’est tenu, en toute discrétion, compte tenu de la situation due à la crise sanitaire actuelle, et a fait l’objet de trois heures de diffusion ininterrompue sur la télévision publique. La cérémonie unissant Alexandra Quirós et Daritza Araya a également été diffusée en ligne par l’organisation « Sí, acepto » (« Oui, j’accepte »).
Photo : deja Amar
Sur près de deux-cents pays dans le monde, le Costa Rica devient ainsi le vingt-neuvième à autoriser le mariage entre deux personnes du même sexe, et le premier en Amérique centrale, nous rappelant par là-même que l’appartenance à la communauté LGBTQI+ reste punie par la loi dans soixante-dix pays et même passible de la peine de mort dans onze autres. Concernant l’Amérique latine, le Costa Rica rejoint ainsi l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, la Colombie ainsi que quatorze États du Mexique (sur trente-deux). Le délai de dix-huit mois accordés au Congrès par la Chambre constitutionnelle pour légiférer sur le mariage civil entre deux personnes du même sexe était écoulé le 25 mai ; comme aucun texte de loi n’avait été traité à cette date, les articles interdisant ces unions ont été automatiquement abrogés. Ce processus ne s’est pas fait sans quelques accrochages dans ce petit pays d’un peu plus de cinq millions d’habitants, dont les trois-quarts sont catholiques mais sans être forcément pratiquants (moins de 50 %). On sait les costariciens peu belliqueux, le pays étant neutre sur la scène internationale et sans armée depuis 1949. C’est surtout au Congrès costaricien que la tension sur le sujet est apparue, une semaine avant la date butoir, des insultes dégénérant en bagarre lorsqu’un groupe de vingt-quatre députés de l’opposition a tenté de retarder le processus avec une motion demandant le report de dix-huit mois de l’entrée en vigueur de la loi.
Cela n’a pas empêché le président de la République, Carlos Alvarado, dans un message sur les réseaux sociaux, de déclarer être pour « un Costa Rica diversifié, pluriel et uni, où l’empathie et l’amour soient les boussoles pour nous permettre d’aller de l’avant. Notre devoir consiste à combattre tout type de discrimination, qu’elle soit due à un handicap, une origine ethnique, culturelle, religieuse, sexuelle, identitaire, à l’expression de genre, à l’orientation sexuelle ou à toute autre. C’est dans cette perspective qui vise à la défense de tous les droits de l’homme que cette étape doit être comprise. » Carlos Alvarado avait remporté l’élection présidentielle de 2018 en axant sa campagne sur la légalisation du mariage homosexuel et la lutte contre la stigmatisation des communautés LGBTQI+, au contraire de son adversaire de droite, Fabricio Alvarado. Mercredi 27 mai, l’Organisation des Nations unies a félicité l’État costaricien pour le « grand pas » que cette entrée en vigueur signifie et a plaidé pour plus de soutien aux populations vulnérables telles que les LGBTQI+.
Au même moment, le Sénat chilien a approuvé l’initiative du début des débats à la Chambre haute afin de légiférer sur la légalisation du mariage gay. Le Chili respecte ainsi l’accord conclu avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme, faisant dire au sénateur pro-gouvernemental Felipe Kast : « Aujourd’hui, une étape historique a été franchie au Sénat, laissant derrière elle des années de discrimination contre ceux qui veulent s’aimer et être fidèles et ne veulent pas être écartés simplement parce qu’ils veulent fonder une famille. […] Lorsque dans vingt ans nous regarderons en arrière et que nous constaterons que jusqu’en 2020 nous n’avons cessé de stigmatiser des gens à cause de leur orientation sexuelle, nous nous taperons le front. […] Le Chili a besoin de plus d’affection, plus de respect et plus d’amour. »
Fabrice BONNEFOY