Erwin Sperisen, l’ancien directeur de la police du Guatemala, condamné à Genève

En 2005, alors qu’Erwin Sperisen est le chef de la police du Guatemala, plusieurs détenus sont tués par la police dans des prisons au Guatemala. La CICIG (Commission Internationale contre l’impunité au Guatemala, entité issue d’un accord signé entre l’ONU et le gouvernement pour enquêter sur des structures criminelles incrustées dans les institutions de l’État) et le Ministère public accusent Sperisen d’exécutions extra-judiciaires et demandent son arrestation. Grâce à sa double nationalité helvético-guatémaltèque, il s’enfuit en Suisse.

Cinq ONG à Genève et Maria Vasquez la mère d’une des victimes au Guatemala, déposent une plainte devant la justice (1). Sperisen est arrêté le 31 août 2012. Son procès s’est ouvert le 15 mai dernier à Genève.
Luis Alfredo Linares, garde du corps de Sperisen. “Je suis un militaire et je sais que rien ne se fait sans que quelqu’un donne des ordres. J’ai reçu l’ordre d’élaborer une liste avec les noms des membres du COD (Comité de l’ordre et de la discipline). On m’a fait ajouter sept noms. Cinq de ces sept personnes seront exécutées…”
Pour la médecin légiste Maria Morcillo : “Les personnes tuées dans la prison ne sont pas victimes d’un affrontement. Lors d’un affrontement, les blessures sont dispersées et les balles suivent diverses trajectoires…Ici, tous les prisonniers ont été atteints au thorax… »
Javier Figueroa, l’ancien directeur adjoint de la police, est à Genève en qualité de témoin : “Mon opinion est qu’une procédure policière légitime a été mise à profit par un groupe en marge de la police pour monter une action incorrecte. Qui a tué ? Je ne sais pas… Etre un assassin à solde est une profession au Guatemala, beaucoup de policiers en font partie…”
La défense fait remarquer que “les victimes étaient toutes des criminels, que les témoins sont des délinquants, que la CICIG ment et qu’il existe un complot contre son client.”
Pour les avocats Florian Baier et Giorgio Campa de la défense, “les témoins mentent comme des arracheurs de dents. Il n’y a pas de preuves que c’est Sperisen qui a donné l’ordre de tuer les prisonniers. Nous demandons l’absolution totale de notre client…”
Pour le procureur Yves Bertossa, “les victimes ont été tuées comme des bêtes à l’abattoir au nom d’un dogme appelé nettoyage social. Il s’agit de crimes d’État organisés par les plus hautes instances sécuritaires du pays. Je requiers la prison à vie…”

Le verdict

Le 6 juin 2014, les juges du tribunal genevois rendent leur verdict. Erwin Sperisen est acquitté pour l’accusation de responsabilité dans la mort de trois détenus rattrapés après leur évasion de la prison El Infiernito. Par contre, sa responsabilité est établie dans la mort de sept détenus lors de l’opération de reprise en main de la prison El Pavón. La Cour le condamne à la prison à vie…

Jac Forton

(1) Les ONG suisses qui ont provoqué la procédure contre Erwin Sperisen sont le CGAS (Centre genevois d’Action syndicale) ; l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), et le syndicat Uniterre, suivis très rapidement par TRIAL (Track Impunity Always) ; et l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture).

 Pour une description détaillée de ce procès et de son contexte, lire l’édition d’été (août 2014) de la revue de notre association (www.espaces-latinos.org).