Au croisement des sciences humaines et sociales, des études environnementales et des arts, La Manufacture d’idées interroge le monde contemporain et les problématiques de nos sociétés, en particulier les enjeux écologiques. Le vendredi 22 août un temps Brésil est programmé.
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Le festival invite chaque année des chercheurs (philosophes, historiens, sociologues, anthropologues, spécialistes de l’environnement) et des artistes de tous domaines (cinéastes, écrivains, plasticiens, chorégraphes, musiciens) sur un thème choisi. Débats, cinéma, spectacles, performances : la diversité des objets et des approches croise les questions et les réponses pour remettre le sens en circulation. Le château d’Hurigny et son parc de dix hectares est le lieu idéal pour ouvrir le temps de la réflexion, faire un léger écart avec celui de l’actualité. Le festival s’inscrit par ailleurs dans un esprit d’hospitalité et de convivialité : les échanges se prolongent lors des repas pris en commun et les intervenants sont logés chez les habitants.
« L’universel, c’est le local moins les murs. » Cette phrase de Miguel Torga, il ne s’agit pas de la lâcher comme un slogan mais, dans le partage, de tâcher de la rendre active. Comment lutter pour la justice socio-environnementale et les valeurs démocratiques quand l’ampleur de la catastrophe et le sentiment d’impuissance prévalent ? Comment nos affects et nos attachements aux autres peuvent-ils se transformer en résistance politique ? Quels contre-récits permettent la littérature et la fiction ? Comment faire entendre les voix des peuples autochtones qui ont été réduites au silence pendant des siècles ? Que signifie reforester nos imaginaires et nos corps ? Que recouvre le concept de « zone critique » ? Quels récits peut-on réveiller par la danse ? Voici quelques questions, parmi d’autres, que la 14e Manufacture d’idées vous invite à découvrir et à explorer.
Cinq jours de débats, d’approches nouvelles, de propositions artistiques, de discussions attentives et bienveillantes, de convergences fertiles, d’ouverture au monde, en prenant le temps de l’écoute et de la réflexion au milieu des arbres du parc d’Hurigny. De la vie d’un grain de sable concentrant tous les mécanismes cachés de l’extractivisme au Cambodge aux luttes indigènes en Amérique latine contre des projets miniers monstrueux, du rapport à la propriété foncière en Afrique subsaharienne aux pratiques agroécologiques et à la question des communs en Inde, les problématiques environnementales et les manières d’habiter le monde, à l’aune du dérèglement climatique, seront à nouveau largement déployées.
Cette édition s’ouvrira avec l’archéologue David Wengrow, qui a travaillé pendant dix ans avec le regretté David Graeber à une nouvelle histoire de l’humanité en s’appuyant notamment sur les plus récentes découvertes archéologiques. Nous reviendrons avec lui sur la façon dont les êtres humains ont expérimenté pendant des millions d’années différents modes d’organisation et nous nous demanderons « quelles conclusions en tirer quant aux possibilités actuelles de transformation sociale ». Nous verrons aussi avec la journaliste et militante brésilienne Eliane Brum comment les « peuples-forêt » ont uni leurs forces afin de lutter contre la destruction de la forêt amazonienne. Elle nous dira pourquoi il est si important d’écouter « ceux qu’on a appelés barbares, relégués à la condition de sous-humanités tout au long du processus de colonisation. Écouter, non par condescendance ou compassion, mais par ultime instinct de survie. Et peut-être que, si nous avons de la chance, ceux dont la vie a été tant de fois détruite par ceux qui se disent civilisés accepteront de nous apprendre à vivre après la fin du monde ».
Nous évoquerons également l’héritage du psychiatre et révolutionnaire martiniquais Frantz Fanon, aborderons l’histoire (dé)coloniale par l’expérience sensible avec la chorégraphe Betty Tchomanga et verrons avec Stéphane Bouquet comment la poésie peut converser avec le monde. Depuis ses débuts, La Manufacture d’idées propose de faire un léger écart avec l’actualité. Il était cependant impossible de fermer les yeux sur la situation à Gaza. Nous vous présenterons en avant-première le film hors du commun de Sepideh Farsi, né de sa correspondance en images avec la photographe palestinienne Fatem Hassona, tuée lors d’un bombardement israélien en avril dernier. Les rencontres avec Sepideh Farsi et l’anthropologue Chowra Makaremi, toutes les deux Iraniennes, seront forcément influencées par la suite des événements en Iran et à Gaza. Autant de sujets importants, graves, que nous étudierons avec l’exigence qu’ils réclament, mais aussi avec une joie rebelle, partant du constat que la joie contient une force subversive et qu’elle augmente la puissance d’agir.
Emmanuel FAVRE
Directeur du festival
Aller au festival : Château d’Hurigny – 87, rue des Verchères, 71870 Hurigny. Voir le programme complet sur : https://lamanufacturedidees.org/