Nous proposons ici une réflexion de la députée fédérale du Brésil Elisangela Dos Santos Araujo, élue en 2023 pour cinq ans. Elle est née à Valente au Brésil le 29 août 1973 et elle collabore, entre autres, avec la fondation Jean-Jaurès en France.
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L’utilisation de pesticides par l’agriculture brésilienne est l’une des questions actuelles, politique et sociale, des plus controversées. L’autorisation d’agrotoxiques plus particulièrement pendant la gestion de l’ex-président Jair Bolsonaro, a généré des préoccupations sur leur impact environnemental et sur la santé publique. Je suis agricultrice familiale et je défends la production d’aliments sains, que ce soit à grande ou à petite échelle. J’ai toujours plaidé pour un débat de fonds sur ce thème, affrontant de la même manière la nécessité de la productivité agricole comme celle des défis environnementaux.
Mais à partir de 2019 le gouvernement de Jair Bolsonaro a libéré de façon indiscriminée l’utilisation d’agrotoxiques, autorisant plusieurs dizaines d’entre eux pendant son mandat. Selon les données du système AGROFIT, (Banque d’information sur les produits toxiques phytosanitaire du ministère brésilien de l’agriculture), en 2024, 663 de ces produits, le nombre le plus élevé depuis 2000, ont été homologués, dépassant le record précédent de 652 en 2022. Parmi eux 541 sont des génériques, 15 présentent des principes actifs nouveaux, 106 sont des protecteurs biologiques, classés à bas risque.
En décembre 2023 a été adoptée la loi n°14 785, qui a créé le nouveau cadre légal pour l’utilisation d’agrotoxiques au Brésil. Cette législation a transféré la procédure d’enregistrement de ces produits du ministère de la Santé (Anvisa) au ministère de l’Agriculture (MAPA), laissant à l’Anvisa et à l’Ibama (Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables) la responsabilité de l’évaluation des risques pour la santé et l’environnement. Ce changement a généré des préoccupations : en effet il ouvre la possibilité de favoriser la libéralisation indiscriminée de produits chimiques au détriment de la santé publique et de la protection de l’environnement. La remarque est justifiée car l’utilisation croissante de pesticides est associée à des impacts négatifs significatifs sur la santé humaine comme sur le milieu environnemental. Diverses études ont montré que l’utilisation incontrôlée d’agrotoxiques augmente les risques sur la santé, la pollution des sols et des eaux, et attaque la biodiversité. En 2024, Ibama et Anvisa ont classé à « hauts risques environnementaux » 12 agrotoxiques et 278 comme « très dangereux ». Ont par exemple un caractère préoccupant les fongicides Orandis Opti et le Miravis Opti, condamnés pour leur haute toxicité.
La préoccupation principale est que cette libéralisation des agrotoxiques pose au Brésil de nouveaux défis qui doivent être affrontés. J’estime que seule la mise en place de politiques publiques favorisant la recherche et le développement d’alternatives moins toxiques et plus durables, couplées sur l’adoption de pratiques intégrées de lutte contre les parasites, la promotion de l’agroécologie, sont les voies viables susceptibles d’apporter des bénéfices économiques comme environnementaux. Pour garantir un usage sûr et responsable des pesticides, il est fondamental qu’il y ait une régulation efficace et transparente, tout comme on doit créer un système de contrôle en mesure d’avaliser en permanence l’impact des agrotoxiques sur la santé et sur l’environnement. Ce doit être une priorité. La société civile, les universités, les communautés d’agriculteurs doivent aussi être partie prenante de ce processus, afin d’être sûr que leurs voix soient entendues. Il est nécessaire d’avoir un débat équilibré prenant en compte les demandes de l’agro négoce, comme le droit à la santé et à un environnement sain.
La libéralisation accélérée des pesticides, en particulier depuis l’adoption de la dernière loi, exige vigilance et investissement dans les alternatives durables. Nul doute que le futur de l’agriculture brésilienne devra suivre des pratiques respectueuses de la santé humaine et des écosystèmes seuls à même de garantir un développement vraiment durable.
Elisângela ARAÚJO
Traduit par Jean Jacques Kourliandsky