Au terme d’une compétition d’un très bon niveau sans qu’aucun favori ne se dégage et d’un samedi épique avec un black-out ayant paralysé toute la ville sans électricité, sans téléphone, sans magasin pendant cinq heures, le jury présidé par Juliette Binoche du 78e festival de Cannes a décerné un palmarès relativement attendu et marqué l’Histoire en décernant la Palme d’Or à Jafar Panahi.
Photo : Cannes 2025
Un simple accident, la palme d’Or 2025, le réalisateur raconte l’enlèvement d’un homme que des victimes de la dictature iranienne soupçonnent d’être leur ancien geôlier. Un récit frontal et engagé, qui oscille entre comédie, thriller et drame, que Jafar Panahi a de nouveau tourné clandestinement. Le film a reçu aussi le Prix de la citoyenneté pour sa capacité à nous interroger sur les notions de liberté, de justice et de libre arbitre. Nous avons été particulièrement sensible à la façon dont le réalisateur a utilisé le cinéma pour faire le film Un simple accident une réflexion sur la responsabilité individuelle, le courage et la nécessité d’arrêter le cycle de la violence.
L’attribution du grand prix a été attribué à Valeur sentimentale beau film de Joachim Trier. Un cinéaste septuagénaire Stellan Skarsgård tente maladroitement de renouer, à travers un film qu’il s’apprête à tourner et pour lequel il engage une jeune actrice américaine Elle Fanning, avec ses deux filles adultes, sublimes Renate Reinsve et Inga Ibsdotter Lilleaas. Le troisième grand vainqueur de cette édition est L’Agent secretdu Brésilien Kleber Mendonça Filho qui s’adjuge deux récompenses : le prix de la mise en scène pour le cinéaste et le prix d’interprétation masculine pour son compatriote Wagner Moura.
Brésil, 1977. Marcelo, un homme d’une quarantaine d’années fuyant un passé trouble, arrive dans la ville de Recife où le carnaval bat son plein. Il vient retrouver son jeune fils et espère y construire une nouvelle vie. C’est sans compter sur les menaces de mort qui rôdent et planent au-dessus de sa tête… Gravitent autour de lui un trio de policiers locaux corrompus et occupés par une affaire de jambe coupée (dont ils connaissant très bien la provenance) retrouvée dans le ventre d’un requin, et deux tueurs à gages (qui en embaucheront un troisième sur place) venus d’ailleurs et pourchassant Marcelo/Armando pour le compte d’un industriel affairiste. Et, pour terminer, deux jeunes femmes écoutent à notre époque des K7 de témoignages enregistrés par le réseau de protection et d’exfiltration. On se laisse complètement prendre par ce film de 2 h 38 qui se révèle un chef d’œuvre.
Le prix du jury a été attribué à deux films audacieux : Sound of Falling second film de l’allemande Mascha Schilinskisur la vie de quatre femmes. Film exæquo avec le film espagnol galicien de Olivier Laxe. Sirat est l’histoire d’un père, Sergi Lopez très bien, traverse le Sahara avec son fils à la recherche de sa fille, en compagnie de marginaux. Une aventure digne de Mad Max dans un désert sans espoir. La caméra d’or, premier film toutes compétitions confondues a été attribué à The President Cake de Hasan Hasi, premier film irakien sur des élèves très pauvres chargés de confectionner un gâteau en l’honneur de Saddam Hussein. Le prix du scénario a récompensé une nouvelle fois les frères Dardenne pour Jeunes mères sur cinq jeunes femmes (le film est en salle).
Le prix d’interprétation féminine est attribué à Nadia Metilli la révélation de La petite dernière de Hafsia Herzi, tandis que le prix masculin a été décerné à Walter Moura. Le prix un certain regard a récompensé le film chilien La misteriosa mirada del flamenco premier film de Diego Céspedes. Début des années 1980, dans le désert chilien. Lidia, onze ans, grandit au sein d’une famille queer flamboyante et aimante, qui a trouvé refuge dans un cabaret, aux abords d’une ville minière rude et poussiéreuse. Quand une mystérieuse maladie mortelle commence à se propager – une rumeur affirme qu’elle se transmet par un simple regard, lorsqu’un homme tombe amoureux d’un autre – la communauté devient rapidement la cible des peurs et fantasmes collectifs. Le réalisateur a voulu monter comment survivre et aussi aider les autres à survivre grâce à l’amour et à la création de famille choisies.
Le prix du jury à Un poeta de Simon Mesa Soto. L’obsession d’Oscar pour la poésie ne lui a pas apporté la gloire. Vieillissant, il a succombé au cliché du poète de l’ombre. La rencontre avec une adolescente d’origine modeste, qu’il aide à cultiver son talent apportent un peu de lumière à ses journées. Le réalisateur s’est projeté dans une vingtaine d’année se demandant s’il abandonnait le cinéma, il deviendrait un épouvantable professeur. Il l’a fait par le biais de la comédie. Et l’acteur non professionnel qui joue Oscar est attachant.
À la Semaine de la Critique le jury a remarqué le film espagnol de Guillermo Galoe Cuidad. Sin sueno sur les roms vivants dans un bidonville en banlieue de Madrid.
Il manque au palmarès le film de Carla Simón, Romeria sur une famille galicienne de Vigo, très apprécié par de nombreux journalistes. Les films ibériques et latinos n’étaient pas très nombreux cette année, mais ils ont été particulièrement appréciés et récompensés. Une bonne année !
Alain LIATARD
Depuis Cannes