Écrivain, journaliste, philosophe et militant écologique, Ailton Krenak lutte pour la reconnaissance de la culture, des langues, des terres et des droits des peuples autochtones. Il était ce lundi à Lyon au Musée des Beaux Art pour une conférence et le lancement de son troisième livre Futur ancestral aux éd. Dehors.
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Récemment élu à l’Académie des lettres brésilienne et nommé en 2025 Citoyen d’honneur de la Ville de Lyon pour son engagement pour les droits humains. Dans la lignée de son engagement depuis plusieurs décennies pour la reconnaissance des droits autochtones dans la constitution brésilienne, ses ouvrages Idées pour retarder la fin du monde, Futur ancestral, La vie n’est pas utile aux éditions Dehors explorent l’héritage de la pensée indigène et sa pertinence pour éclairer le monde contemporain, en particulier les mutations environnementales et la question de notre rapport au vivant.
Ailton Krenak est né en 1953, dans la vallée du rio Doce, dans l’État du Minas Gerais situé dans les hautes terres au Sud-Est du Brésil, territoire du peuple Krenak auquel il appartient et dont l’environnement a été profondément affecté par les activités d’extraction minière. Il fait partie des figures éminentes qui ont émergé, à la fin des années 1970, dans le contexte du grand réveil des peuples autochtones du Brésil. À la chute de la dictature militaire (1964-1985), sa contribution a été déterminante pour l’ouverture du « chapitre indien » dans l’élaboration de la Constitution brésilienne de 1988, qui obtiendra, au moins sur le papier, la reconnaissance des droits pour les cultures et les terres indigènes.
À cette même époque, il participe à la création de l’Union des nations indigènes qui devient une force politique à l’échelle nationale. Militant du mouvement environnemental, il organise dès 1989 l’Alliance des peuples de la forêt, qui rassemble des communautés d’habitants et d’indigènes d’Amazonie et défend auprès de l’Unesco le projet de création d’une réserve de biosphère sur la Serra do Espinhaço, qui verra le jour en 2005. À la fin des années 1980, il fonde l’organisation non gouvernementale Núcleo de Cultura Indígena de défense des cultures indigènes.
Depuis 2013, il dispense un cours à l’Université ouverte du Brésil sur le soin indigène. En 2016, l’université fédérale de Juiz de Fora lui décerne le titre de docteur honoris causa pour sa contribution aux luttes pour les droits des peuples indigènes et pour son engagement dans la cause environnementale. En octobre 2023, l’Académie brésilienne des lettres (équivalent de l’Académie française) s’ouvre pour la première fois à un auteur autochtone en l’élisant au siège laissé vacant par la mort de l’historien José Murilo de Carvalho. Figure centrale du mouvement autochtone du Brésil, « sa voix est fondamentale aujourd’hui, comme un lien entre le riche patrimoine culturel et historique des peuples autochtones et la littérature nationale », a déclaré l’Académie, la plus importante institution linguistique et littéraire du Brésil. En avril 2024, il est décoré de la Légion d’honneur qui lui a été décernée par l’ambassadeur de France à Brasilia.
La crise écologique a modifié les termes du dialogue entre Modernes et Peuples autochtones. À la promesse d’un futur débarrassé de la misère à grand renfort de prouesses technologiques, nous découvrons un monde diminué dans toutes ses formes de diversités, qui nous a rendu aveugles à ce qui nous entoure. Aujourd’hui des voix émergent qui font entendre des cosmovisions différentes, parmi lesquelles se trouve l’insistante et poétique parole d’Ailton Krenak. Dans ses ouvrages, il part en quête de la force des pensées et pratiques autochtones : Que devient l’expérience du monde lorsque l’on considère les fleuves et les montagnes comme des entités vivantes ? Que signifie reforester nos imaginaires et réinventer la séparation entre ville et forêt ? Comment réactiver la florestania, cette idée née de l’alliance des peuples de la forêt amazonienne pour combattre sa destruction ? Pour Ailton Krenak s’il y a un futur à imaginer, il est ancestral, car il est déjà présent dans tous les milieux de vie, qu’il appartient, à celles et ceux qui les partagent, de défendre.
Olga BARRY
Trois livres publiés aux éd. Dehors : Idées pour retarder la fin du monde, Futur Ancestral et Le réveil des peuples de la terre à paraître en mai 2025. Les trois livres ont été traduits du portugais par Julien Pallota.