Au mois de février, l’Institut culturel du Mexique propose diverses explorations, dont la peinture onirique de Hugo Toro, ou encore le premier film horrifique de Guillermo Del Toro.
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Tout d’abord, du 4 février au 15 mars, sont exposées les créations de Hugo Toro, tout un monde fait de peintures oniriques explorant le motif de l’eau « Aguas que murmuran – Les rumeurs de l’eau ». L’eau, ici un concept pictural, qui guide sa création visuelle et lui permet d’explorer l’univers complexe qu’est le Mexique ; faune, flore, lieux, légendes, ses peintures dépeignent avec poésie une mémoire humide, floue, toujours en mouvement. À travers des œuvres brumeuses, dont l’imprécision questionne le rapport à la mémoire de l’observateur, ce souvenir vague est-il un moment du passé, ou un phantasme de l’esprit ? Entre héritage, identité et mémoire, l’artiste s’explore pour permettre au public d’explorer ses problématiques, aussi personnelles qu’artistiques, à travers un filtre aquatique.
Ensuite, la présentation par ses auteurs, Rosario Acosta Nieva et Éric Taladoire, le 11 février, d’un ouvrage historique liant les destinées française et mexicaine, durant une période méconnue du public : « L’EXPÉDITION Quand la France envahissait le Mexique 1861-1867 ». En plein Guerre de Sécession américaine, Napoléon III, alors « empereur des français », s’élance dans une curieuse affaire. En effet, prétextant l’incapacité du Mexique à payer ses dettes internationales, plusieurs États européens menés par la France se coalisent pour forcer le payement. L’affaire faite, les autres pays se retirent, mais pas les forces françaises. Occupant México et les grandes villes du pays, Napoléon III décide alors de tenter le diable : introniser un prince européen… en l’obligeant d’une couronne mexicaine, inféodée à la France. La tentative s’acheva par un désastre : la mort du prince, immortalisée par une célèbre peinture d’Édouard Manet « L’Exécution de Maximilien ». Entre perspective française et mexicaine, entre résistance populaire et lutte de la légion étrangère, cet ouvrage permet au public de découvrir une période qui, pourtant méconnue, est passionnante.
Parmi les autres moments de découvertes proposées en février, plusieurs expéditions pour le spectateur, plusieurs expositions pour l’artiste : les oeuvres récentes de Carlos Torres, du 15 février au 26 avril, une exploration sur les couleurs, entre rupture et continuité, les couleurs s’y mêlent et s’y défont, dans une danse visuelle qui ne s’achève que lorsque le spectateur détourne le regard.
Puis, se tient toujours jusqu’au 23 février, l’exposition de Fabienne Guilbert Burgoa et Elise Courcol-Rozès : Casino. Cette découverte interactive permet au visiteur de, littéralement, rentrer en contact avec les oeuvres exposées : d’une part, des meubles modulables et plus largement des espaces de vie commune inspirés par la culture populaire mexicaine. Mais aussi, des vêtements qui, par le moyen d’un détournement des codes du vestimentaire, en révèlent la codification et les héritages économiques, sociaux et culturels.
Puis, toujours en cours jusqu’au 6 avril, se tient Pixels : une exposition interactive sur l’IA dédiée à Miguel Chevalier. Mélange futuriste d’IA et de créations visuelles, cette mise en avant de l’art numérique, sur rien de moins qu’un espace de 1200 m², est accompagnée par les compositions musicales de Thomas Roussel, ce qui crée un ensemble mêlant son, image et variations par intelligence artificielle.
Au-delà des expositions, le jeudi 6 février à 18 h 30, se tiendra une conférence bariolée : « Lucha Libre une singularité mexicaine ». La « lutte libre », c’est-à-dire ce phénomène culturel éminemment mexicain qu’est le catch. Ce lieu entre théâtre et sport, où des personnages pleins de couleurs s’affrontent au nom des grands enjeux qui irriguent le théâtre : la justice, la vengeance, ou bien entendu, l’amour, sont mis en scène par des hommes et des femmes. Qui deviennent, le temps d’une lutte sur le ring, des paragons super-héroïques, inspirant leur public à se dépasser comme ils se dépassent. Présidée par le photographe Théo Saffroy, se fera à distance par visioconférence. Une inscription préalable est requise pour qu’un lien d’invitation soit envoyé un jour avant celle-ci.
Lien pour s’inscrire (avant le 5 février) :
Encore en ligne, par le moyen d’un podcast, Azéret Robles nous permet de découvrir l’histoire des couleurs végétales au Mexique. Ainsi, à travers histoire et textile, couleur et forme, avec une emphase sur la culture Maya, ce podcast permet d’en savoir plus sur l’art et l’artisanat que représente la teinture traditionnelle. À l’heure de la transition écologique et d’une subséquente revalorisation des sociétés préindustrielles et de leurs techniques, redécouvrir ce savoir-faire permet autant, d’explorer des questions artistiques, qu’environnementales.
Lien pour écouter le podcast :
https://podcast.ausha.co/art-eco-vert/e99-azaret-robles
Au-delà de l’Institut culturelle, En France, deux événements culturels prennent une teinte mexicaine : le 31 janvier, le groupe Matute a fait son concert à Paris ; plein de l’énergie des années 1980, mêlant musicalement nostalgie et technologie, le groupe n’a cessé de gagner en notoriété ces dernières années. Une réussite qui affirme que 40 ans plus tard, les grands thématiques et thèmes musicaux des années 80 sont toujours d’actualité, désormais portés par une génération nouvelle de mélomanes mexicains, qui en exprime la nostalgie par delà les cultures et les frontières.
Dernière actualité, mais non des moindres, sortira dans les salles françaises le 26 février : Cronos, le premier film du célèbre réalisateur, maître de l’horreur et du mystère, Guillermo Del Toro. Trente ans après sa parution, restauré avec la supervision du réalisateur, cet hommage autant qu’une subversion du Nosferatu expressionniste met en scène un homme qui, bien que transformé en vampire, en un monstre apparent, n’en demeure pas moins un être sensible et compassionné. Aidé de sa petite-fille, il affronte un antagoniste aussi pauvre moralement qu’il est riche matériellement, désirant s’emparer de ce qui a transformé le protagoniste en monstre, tout en le rendant immortel.. Ainsi, celui qui est devenu un monstre par accident n’est pas aussi monstrueux que celui qui veut le devenir consciemment. Des thèmes et un propos qui contiennent en prototype le classique de ce qui fait le cinéma onirique de Del Toro jusqu’à nos jours. Une expression artistique, où, toujours, ce qui a une apparence monstrueuse se révèle souvent plus complexe, et même meilleur, que l’homme qui n’a pas été effleuré par le fantastique.
Jean-François DELOY