La tournée latinoaméricaine du président iranien : le Venezuela, le Nicaragua et Cuba en alliés face « aux ennemis communs »

Le président iranien Ebrahim Raïssi est arrivé ce lundi 12 juin 2023 à Caracas pour s’entretenir avec le président Vénézuélien Nicolás Maduro. Il se rendra également au Nicaragua et à Cuba, pour renforcer la collaboration entre ces pays et l’Iran.

Photo : Agences 

D’après l’agence de presse iranienne INRA, c’est à l’initiative de ces trois pays « maudits des États-Unis » que le président iranien effectue ce déplacement latino-américain. Le Venezuela détenant les plus grandes réserves de pétrole au monde, l’enjeu de la résolution de la crise politique à laquelle le pays fait face depuis des années est grandissant depuis le début de la guerre en Ukraine. Les États-Unis ont envoyé l’année dernière des délégués à Caracas pour rencontrer Nicolás Maduro. Bien que les négociations aient mené à une reprise de dialogue entre le gouvernement de Maduro et l’opposition et une licence de six mois au géant américain de l’énergie Chevron pour opérer au Venezuela, l’Iran et le Venezuela, eux, s’aiment sur le long terme. Lors de la rencontre de ce mardi, le président iranien a non seulement reçu l’ordre du Libérateur, la plus haute décoration vénézuélienne, mais il a également annoncé la signature d’un accord de vingt-cinq ans de coopération. Ebrahim Raïssi a assuré vouloir faire passer les échanges entre les deux pays de trois milliards de dollars actuellement à dix milliards, puis à terme à vingt milliards de dollars par an.  Une vision sur le long terme dont les pourparlers avaient déjà commencé en amont. En juin 2022, Nicolás Maduro s’était rendu à Téhéran pour signe un pacte de vingt ans visant à ouvrir des « fronts majeurs » de coopération dans les secteurs du pétrole, de la pétrochimie et de la défense. En février cette année, Caracas avait déjà reçu la visite du ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, pour discuter de la « défense de leurs intérêts nationaux face aux pressions extérieures ». Si le président iranien souligne cette amitié « en temps difficiles » face aux ennemis commun, le président vénézuélien Nicolás Maduro déclare quant à lui «Nous sommes du bon côté de l’histoire. Ensemble, nous serons invincibles. »

Arrivé au Nicaragua mardi dernier, le 13 juin 2023, le président iranien a ensuite rencontré le chef d’État nicaraguayen Daniel Ortega. Un président iranien n’avait pas visité le pays d’Amérique centrale depuis 2007 mais cet hiver, Ortega lançait des appels du pied vers le géant chiite, défendant son droit à posséder l’arme nucléaire. Ironiquement, celui qui mène une politique grandement anticléricale depuis quelques mois, affirme à son homologue iranien que leurs deux pays partagent des « signes de dieu », la révolution sandiniste et la révolution islamique ayant eu lieu la même année, en 1979. « Nous sommes des révolutions jumelles » ajoute-t-il. Si pour l’instant aucun accord n’a été annoncé, il semblerait que le président iranien ait eu un agenda de réunions très chargé et, en février dernier, le chef de la diplomatie iranienne, Hosein Amir-Abdollahian, a déclaré à Managua que l’Iran et le Nicaragua avaient « de nombreuses similitudes » et que les deux pays mettaient au point des mécanismes visant à promouvoir des accords bilatéraux dans les domaines de la santé, de la culture, de la science et de la politique. Cette rencontre a fait grand bruit et a été grandement médiatisée au Nicaragua, notamment par la vice-présidente et épouse du président Rosario Murillo, omniprésente dans les médias. Le Nicaragua reçoit peu de visite de délégations étrangères, étant en situation d’isolement international depuis les importantes violations des droits de l’Homme commises par le gouvernement Ortega ces dernières années. L’opposition s’agace de ce rapprochement, qui ne serait que de la poudre aux yeux, une stratégie de l’Iran pour déstabiliser les États-Unis, ou une stratégie d’Ortega pour pouvoir négocier les sanctions avec Washington.

Pour la dernière étape de sa tournée des Amériques, Ebrahim Raïssi se déplace finalement ce mercredi à Cuba. L’île de Fidel Castro et la République islamique d’Iran entretiennent des relations diplomatiques ininterrompues depuis le 8 août 1979. En février dernier, le président cubain Miguel Díaz-Canel Bermúdez a lui aussi reçu Hossein Amir Abdollahian, ministre des Affaires étrangères de l’Iran, à qui il a fait part de sa volonté de renforcer les relations bilatérales entre les deux pays « sur la base de l’amitié et de la coopération. »

Ce voyage en Amérique latine du président iranien dérange les États-Unis, inquiets de la volonté déstabilisatrice de l’Iran. Le porte-parole du Conseil de sécurité des États-Unis, John Kirby, a critiqué la tournée de la délégation iranienne dans la région : « Je ne peux pas parler de leur programme ni des personnes qu’ils rencontrent. Sommes-nous préoccupés par le comportement déstabilisateur de l’Iran ? Bien sûr que nous le sommes ! Et nous avons pris et continuerons à prendre des mesures pour atténuer ce comportement, qui s’étend à de nombreux domaines. » Selon M. Kirby, les Iraniens auraient renforcé leurs capacités en matière de missiles balistiques, leurs relations avec la Russie et la surveillance et les intimidations navales. « Nous n’allons pas demander aux pays de cet hémisphère ou de tout autre hémisphère avec qui ils doivent s’associer ou qui ils vont autoriser à les visiter.. Nous nous concentrons sur nos propres intérêts de sécurité nationale dans la région », a conclu le responsable américain.

Marie BESSENAY