Au Chili, la semaine de travail passe de 45 à 40 heures, une première en Amérique latine

Le parlement chilien a approuvé la loi de réduction du temps de travail mardi dernier, le 11 avril 2023. En passant de 45 à 40 heures hebdomadaires, le Chili devient un des pays d’Amérique latine avec le temps de travail légal le plus bas. Une victoire pour le gouvernement de Gabriel Boric. 

Photo : La Tercera

Déjà approuvée par le Sénat, le Parlement chilien a définitivement adopté une loi de réduction du temps de travail historique, réduisant les 45 heures hebdomadaires à 40, sans baisse de salaire. En plus d’une réduction du temps de travail, la loi ouvre la porte à la semaine de 4 jours, qui n’était pas possible jusqu’alors, et prévoit une limite maximale de 5 heures supplémentaires (aujourd’hui 12). Cette loi, qui a été approuvée à une large majorité, 127 votes pour et 14 contre, sera mise en œuvre progressivement, avec un plan d’action sur cinq ans.  D’ici un an, la semaine de travail sera abaissée à 44 heures, puis 42 heures au cours de la troisième année de mise en œuvre, et enfin 40 heures au bout de cinq ans.

Cette loi avait été proposée en 2017 par la députée communiste Camila Vallejo, connue pour avoir tenue tête en 2011 au président alors qu’elle était encore étudiante et militait aux Jeunesses communistes chiliennes. Aujourd’hui ministre secrétaire générale du gouvernement, elle se félicite, tout comme Gabriel Boric, de l’approbation de cette loi. Visiblement émue, elle déclare devant le parlement que « La politique a montré qu’elle peut être à la hauteur des défis chiliens ». Le président lui écrit sur son compte Twitter « Approbation des 40 heures ! Après de nombreuses années de recherche de soutien et de dialogue, nous pouvons enfin célébrer aujourd’hui l’approbation de ce projet qui réduit la journée de travail, un projet pro-famille qui vise une vie meilleure pour tous et toutes. »

Les 40 heures hebdomadaires sont en fait une recommandation de l’Organisation Internationale du Travail, issue d’une convention sur le temps de travail datant de 1935. Par cette loi, le Chili s’aligne également sur la plupart des pays de l’OCDE. Toutefois, c’est une position assez rare en Amérique latine. En effet, seul l’Équateur et le Venezuela ont adopté la semaine de travail de 40 heures. Elle est de 48 heures en Argentine, Bolivie, Colombie, Costa Rica, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay ou encore au Pérou, et de 44 heures au Brésil.

En fait, la moyenne des heures travaillées est souvent bien inférieure à ce qu’établissent les lois. Au Chili, elle est de 36,8, pour une moyenne de 39,9 sur toute la région Amérique latine et Caraïbes. Mais comme l’explique Najati Ghosheh à BBC Mundo, qui travaille au siège de l’OIT à Genève, en Suisse : « Ce qui se passe, c’est que dans certains pays on ne mesure que le temps travaillé dans le secteur formel et pas dans le secteur informel, où il y a plus de travailleurs qui n’ont que des emplois à l’heure, ce qui fait baisser la moyenne ». D’après les données de l’OCDE, l’Amérique latine est la région du monde où le secteur informel est le plus fort, en faisant par conséquent une des régions ou le nombre d’heures travaillées réelles est aussi le plus élevé.  Au Chili, environs 27 % de la main-d’œuvre est non déclarée.

Quoi qu’il en soit, cette loi reste une avancée sociale, et une bonne nouvelle pour le gouvernement de Boric, qui traversait des difficultés : le lourd processus constitutionnel, la crise sécuritaire, les réformes budgétaires[1]… Sur ce chemin semé d’embuches, le jeune président célèbre l’approbation de cette loi, qui a mis six ans à se concrétiser, comme une victoire, et insiste à plusieurs reprises sur l’importance du dialogue. Il déclare, le 15 avril, lors de la promulgation officielle de la loi : « C’est un jour historique ! Après des années d’attente et de travail, nous avons enfin promulgué les 40 heures et concrétisé cette étape importante dans la construction d’un Chili où règne un plus grand bien-être. À force de travail, de dialogue et de dévouement, nous avons montré qu’il est possible de repousser les limites du possible. »

Marie BESSENAY


[1] https://www.espaces-latinos.org/archives/111279