Le grand maestro de la salsa, le Dominicain Johnny Pacheco, s’est éteint à 85 ans

Johnny Pacheco s’est éteint à l’âge de 85 ans la semaine dernière à New York. Multi-instrumentiste et grand compositeur, il était surtout connu en tant que cofondateur du label Fania Records et chef d’orchestre du majestueux big band Fania All Stars. Autant de casquettes qui feront de lui l’un des pères de la salsa.

Photo : Dakar Echos

Johnny Pacheco nous a quittés la semaine dernière, après avoir été hospitalisé d’urgence pour une pneumonie. Son épouse Cuqui Pacheco et leurs enfants Norma, Joan, Philip et Ellis Pacheco ont publié un communiqué sur le compte Facebook officiel de l’artiste pour annoncer la nouvelle : « Avec une grande douleur dans l’âme et un vide dans mon cœur, je vous annonce que le maestro Johnny Pacheco est mort cet après-midi dans la paix. Mille mercis pour vos prières et tout l’amour que vous lui avez toujours apporté. »

Cette attirance pour la musique, Johnny Pacheco la doit à son père, Rafael Azarias Pacheco, clarinettiste renommé et chef d’orchestre. Né en 1935 à Santiago de los Caballeros, en République dominicaine, Johnny Pacheco – de son vrai nom Juan Azarias Pacheco – arrive à New York à l’âge de 11 ans, après que sa famille décide d’abandonner l’île pendant la dictature de Rafael Trujillo. Pacheco va alors suivre les pas de son père en étudiant la musique à la prestigieuse Juilliard School de New York.  Il prend des cours de percussion et apprend également de manière autodidacte à jouer de la clarinette, du violon, de l’accordéon ou encore du saxophone, avant de découvrir la flûte, qui deviendra son instrument de prédilection.

Dans les années 1960, il crée son propre orchestre, Pacheco y su Charanga, dont le premier album s’est vendu à plus de 100 000 exemplaires et est devenu l’un des albums latinos les plus vendus de son époque. À travers sa musique, l’orchestre fait connaître la pachanga, un style cubain mélangeant le merengue et le conga, devenu très à la mode dans les orchestres latinos de New York. Le génie musical de Johnny Pacheco était de réussir à combiner les rythmes caribéens de Cuba, de Puerto Rico ou de son île avec le jazz et le funk des États-Unis. Pacheco explique d’ailleurs que ses « influences vont de la musique afro-cubaine au swing de Benny Goodman ».

En 1964, Johnny Pacheco s’associe avec son avocat Jerry Massuci, amoureux du rythme latin, et crée Fania Records afin de dénicher les perles rares de la musique latine. Le label commence à se faire connaître progressivement, d’abord à Harlem et dans le Bronx, en donnant un souffle plus urbain à la musique latine. C’est d’ailleurs l’un des grands paradoxes de la salsa moderne : elle n’est pas née dans un pays latino-américain, mais bien dans les rues de New York. Les artistes du label, guidés par Pacheco, vont moderniser les rythmes traditionnels du son cubain en l’accélérant et en remplaçant les textes romantiques et ruraux des chansons traditionnelles par des textes plus engagés sur le racisme, la fierté culturelle ou encore la situation politique de l’époque. De grands noms vont alors entrer sur le devant de la scène tels que le tromboniste Willie Colón, le pianiste Larry Harlow ou encore l’époustouflante chanteuse cubaine Celia Cruz. Tous ces artistes ont marqué l’histoire de la salsa, et notamment lors de son apogée pendant les années 1970. La musique était alors un moyen d’exprimer avec fierté l’identité culturelle de la communauté latino-américaine new-yorkaise.

À partir de 1968, Johnny Pacheco et Jerry Massuci ont l’idée de créer un orchestre géant réunissant les artistes clefs de la musique latine dans le but de promouvoir leur label : Héctor Lavoe, Ray Barretto, Celia Cruz sont quelques-uns des talents ayant fait partie du groupe. L’orchestre, dirigé par Johnny Pacheco lui-même, atteindra l’apogée de son succès lors de l’incroyable concert live de la Fania All Stars du 23 août 1973, au Yankee Stadium de New York, rassemblant plus de 40 000 personnes autour de la salsa. L’orchestre va ensuite tourner dans le monde entier pendant 30 ans et enregistrer de nombreux disques. Sa musique ira même jusqu’aux frontières du cinéma lorsqu’il contribuera aux bandes sonores de plusieurs films dont Los reyes del Mambo, basé sur le roman de Oscar Hijuelo, ou Algo salvaje de Jonathan Demme.

Johnny Pacheco nous lègue un immense héritage musical et sa disparition est l’occasion de nous replonger dans l’une de ses créations : Vámonos pal monte avec Eddie Palmieri, Quítate Tú (Pá Ponerme Yo) interprété par Celia Cruz, ou encore Mi Gente, composé pour le chanteur Héctor Lavoe.

Fanny DORNIER