Crise des transports publics à Bogotá : le débat autour du TransMilenio

La capitale colombienne, qui compte à ce jour plus de 8 millions d’habitants (presque 10 millions si l’on compte l’agglomération) est l’une des grandes capitales mondiales aujourd’hui encore dépourvue de métro. Les embouteillages font partie du quotidien de ses citoyens et le réseau d’autobus, baptisé Transmilenio et inauguré en 2000, n’a pas suffit à résoudre les problèmes de transports de la ville.

Le TransMilenio, ou Entreprise de Transport du Troisième Millénaire (Empresa de Transporte del Tercer Milenio), inauguré en décembre 2000 par Enrique Peñalosa, maire de Bogotá, est l’élément principal du SITP, le Système Intégré de Transports Public de Bogotá (Sistema Integrado de Transporte Público), qui traverse actuellement une crise sans précédent. On ne peut nier qu’à ses débuts, le TransMilenio fut considéré comme un modèle de stratégie urbaine véritablement révolutionnaire, d’un point de vue spatial, mais aussi social, reliant le Nord de la ville au Sud, brisant ainsi les barrières créées par les inégalités entre les deux parties de la ville. Fondé sur des partenariats publics-privés originaux, TransMilenio constitua un système reconnu et étudié dans le monde entier. Le maire de Bogotá à l’époque, Peñalosa (redevenu maire aujourd’hui), avait alors mené une politique urbaine innovante, incitant les gens à laisser leur voiture au garage, et contribuant au développement des transports en commun, mais aussi des pistes cyclables. Le TransMilenio était alors une fierté pour les Bogotanos, et un exemple à suivre pour de nombreuses villes du monde.

Mais, 17 ans après, il faut aujourd’hui se rendre à l’évidence : le TransMilenio n’est plus adapté à une ville comme Bogotá, qui ne cesse de s’étendre et de croître. Aujourd’hui, le maire de la ville propose une alternative aux problèmes de transports posés par l’extension continue de la ville : créer une nouvelle voie pour le TransMilenio sur la 7ème Avenue, la carrera Séptima, une rue emblématique de Bogotá.

Un crime de « lèse-urbanisme »

Le week-end dernier, des centaines de citoyens ont défilé sur la Séptima pour exprimer leur désaccord avec ce projet. Edmundo López, porte-voix du comité citoyen Defendamos la Séptima (Défendons la Séptima), a déclaré que le TransMilenio “n’était ni moins cher, ni aussi efficace qu’un métro” et a ajouté que la construction de cette ligne risquait de dévaloriser la zone. Les détracteurs du projet mettent en avant la nécessité de détruire de nombreux immeubles pour permettre sa réalisation, son désastreux impact environnemental (les autobus de TransMilenio fonctionnant principalement au diesel), ainsi que le prix des travaux.

Le camp de Enrique Peñalosa a répondu à ces inquiétudes point par point. La voie d’autobus sera créée de manière à garantir la cohabitation avec les autres usagers, les 140 bus qui circuleront sur la Séptima seront à la pointe de la technologie durable et leur transit réduira de 80 % le passage des autres autobus de la SITP. Il a également affirmé que la construction de la ligne concernait seulement la destruction de 300 propriétés, et que, selon des études internationales, cette infrastructure serait bien moins coûteuse qu’un métro.

Un métro à Bogotá ?

En 1942, on réalisait déjà les premières études concernant la construction d’un métro dans la capitale. Aujourd’hui, 76 ans ont passé et Bogotá n’a toujours pas de métro. Un nouveau projet de construction de métro aérien est actuellement en cours, avec la possibilité d’un co-financement (70 % de l’État et 30 % de la ville de Bogotá). L’actuel maire de Bogotá, Enrique Peñalosa, a affirmé à plusieurs reprises : « La principale différence entre notre métro et ceux qui ont été annoncés pendant tant d’années, c’est que celui-là, nous allons le faire ». Contre ces déclarations, de nombreuses voix s’élèvent, dont celle de Ernesto Samper, ex-président colombien qui a déclaré vouloir « inviter les citoyens à s’opposer à cette folie ». En 1998, un projet de métro avait déjà été lancé par Peñalosa, qui avait alors déjà bénéficié d’une aide similaire de la part de l’État Colombien, duquel Samper était commanditaire. Mais Peñalosa, après avoir reçu l’argent de l’État, l’avait utilisé pour lancer et inaugurer le TransMilenio ; aujourd’hui, les discordances et polémiques autour de ce projet sont bien loin de s’éteindre, et les habitants de Bogotá réclament, plus que jamais, des solutions efficaces pour l’amélioration de leur quotidien.

Léa JAILLARD