L’Amérique latine occupe une place importante dans l’histoire mondiale, quoique souvent située dans l’ombre de l’Occident conquérant. À travers toutes les époques de son histoire, depuis le temps de ses premiers habitants jusqu’à nos jours, cette région a contribué aux domaines des idées, de la création artistique et littéraire, de l’économie, du combat pour la protection de l’environnement, des sciences de la nature ou encore de la médecine. L’historien José Del Pozo a soigneusement sélectionné cinqaunte de ces moments qui ont, chacun à leur manière, influencé le reste du monde.
José del Pozo
Diplômé en histoire et en géographie en 1966 de l’Université du Chili, à Santiago, José Del Poso enseigne dans divers collèges et universités. Poussé par les effets du coup d’État chilien de septembre 1973, il s’établit au Québec où il obtient son doctorat à l’Université de Montréal. Il enseigne à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) pendant 40 ans et publie une trentaine d’articles de revues et de chapitres de livres, ainsi que 16 livres, en espagnol et en français, dont Histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes (Septentrion, 2009), Les Chiliens au Québec (Boréal, 2009) et Québec-Chili, 1973-2023 (avec Geneviève Dorais, VLB, 2023).
L’Amérique latine occupe une place importante dans l’histoire mondiale, quoique souvent située dans l’ombre de l’Occident conquérant. À travers toutes les époques de son histoire, depuis le temps de ses premiers habitants jusqu’à nos jours, cette région a contribué aux domaines des idées, de la création artistique et littéraire, de l’économie, du combat pour la protection de l’environnement, des sciences de la nature ou encore de la médecine. José Del Pozo a soigneusement sélectionné cinquante de ces moments qui ont, chacun à leur manière, influencé le reste du monde (Voir sommaire).
Introduction
Depuis longtemps, ceux et celles qui veulent s’initier à la compréhension de l’histoire l’ont fait par la connaissance de certains faits marquants, dont la signification dépasse largement la journée où l’événement a eu lieu. Il peut s’agir d’une découverte géographique qui a changé la compréhension du monde, d’une bataille qui a décidé du cours de l’histoire d’un continent ou de l’inspiration d’un écrivain dont l’œuvre va rester dans l’imaginaire des générations. Savoir ce qui s’est passé dans de telles journées donne l’envie d’aller plus loin, de connaître les répercussions que ces faits ont eues au fil du temps.
Adolescent, j’ai éprouvé ces sentiments en lisant le livre du prolifique écrivain autrichien Stefan Zweig, Très riches moments dans l’histoire de l’humanité, dans lequel l’auteur brossait, dans de brefs chapitres, certains événements historiques ayant eu lieu à diverses époques. De nos jours, ce type d’ouvrage est devenu assez fréquent, comme en témoigne la parution de Ces journées qui ont changé le monde, par Hywel Williams, ou Les 1001 jours qui ont changé le monde, de Peter Furtado. Invariablement, ces œuvres sont centrées sur des événements ou des personnages de l’histoire de l’Europe et des États-Unis, que ce soient les guerres mondiales, la guerre civile des États-Unis, la Révolution française ou la montée du fascisme. L’Amérique latine (tout comme l’Afrique, d’ailleurs) occupe une place assez marginale dans ces ouvrages. Ainsi, dans le livre de Williams, sur 50 événements décrits, seuls trois ont un rapport avec cette région : l’arrivée de Colomb en Amérique, en 1492, le voyage de Magellan et son passage par le détroit portant aujourd’hui son nom, en 1519, et la proclamation de Bolívar comme président de la Grande-Colombie en 1819.
Dans Les grands événements de l’histoire du monde (sous la direction de Jacques Marseille et Nadeije Laneyrie-Dagen, Larousse, 1992), sur 150 épisodes retenus, même situation, avec de nouveau les voyages de Colomb, Magellan, ainsi que la guerre hispano-américaine de Cuba en 1898. On pourrait penser que cette situation s’explique par le fait que l’Amérique latine est un acteur plutôt secondaire dans les relations internationales. Après tout, ce n’est pas cette région qui a été à l’origine des grands conflits mondiaux (heureusement, pourrait-on dire) et son rôle est, depuis près de deux siècles, dépendant de l’influence des États-Unis, qui, souvent, dictent la pluie et le beau temps dans la région.
Qu’on se souvienne de la phrase dédaigneuse d’Henry Kissinger : « Rien d’important ne peut venir du Sud. L’histoire n’a jamais été façonnée dans le Sud. L’axe de l’histoire commence à Moscou, continue à Bonn, traverse vers Washington et ensuite va à Tokyo. Ce qui arrive dans le Sud n’a aucune importance1. » Pourtant, malgré sa condition d’apparente marginalité, l’Amérique latine a grandement contribué à la culture et au développement des cinq continents, que ce soit dans le domaine de l’économie, de la connaissance de la planète (cartographie, biologie, écologie, etc.), de l’alimentation, des idéologies politiques, des arts, de la littérature et des mouvements migratoires. Elle a aussi participé à de grands événements de l’histoire du monde, que ce soit comme théâtre des affrontements entre les puissances internationales, comme expériences dans le développement de certains personnages devenus mondialement connus ou par l’élaboration de courants de pensée originaux, qui ont suscité un écho loin de ses frontières.
C’est pour illustrer cette relation de l’Amérique latine avec le reste du monde que j’ai choisi d’exposer divers épisodes, qui traversent toutes les époques de l’histoire, depuis la période des premiers habitants du Nouveau Monde, la phase de la conquête européenne, la domination coloniale et les époques plus récentes, depuis l’accession à l’indépendance des anciennes colonies. Dans le cas des épisodes portant sur la période antérieure à 1492, alors que le reste du monde n’avait pas encore de contacts avec le Nouveau Monde, il a fallu procéder d’une manière différente, expliquant comment et quand l’influence des événements relatés allait se produire.
Mon intention n’est pas d’offrir au public une version mise à jour ou écourtée de l’œuvre bien connue d’Eduardo Galeano, Mémoire de feu, parue en 1985. Bien que plusieurs des faits que je cite correspondent à l’esprit de cet auteur célèbre mondialement, mes objectifs sont plus modestes et différents : je ne cherche pas à récupérer la mémoire de la région ni à la présenter comme la victime des plus forts, bien que cette condition ait souvent existé et qu’elle soit présente dans certains des pages qui suivent. J’ai voulu plutôt permettre au grand public de connaître les apports de la région connue comme Amérique latine au patrimoine universel de l’humanité.
Bien que j’aie conçu l’ensemble des épisodes faisant partie de ce livre, je tiens à remercier celles et ceux qui m’ont donné leur avis sur certains chapitres, permettant d’améliorer leur contenu : María Fernanda Galindo, étudiante au doctorat en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), sur l’épisode de la nationalisation du pétrole au Mexique, mes amis Ovide Bastien, André Jacob et Pedro Riffo, le premier pour ses commentaires sur la théologie de la libération, le deuxième sur l’œuvre de Paulo Freire et le troisième sur Violeta Parra, mon ancien collègue de l’UQAM, le sociologue Dorval Brunelle, à propos du chapitre sur Chiapas et Porto Alegre, et Pierre Beaucage, professeur émérite de l’Université de Montréal, qui a commenté le chapitre sur Rigoberta Menchú. Enfin, je souligne le très bon travail d’édition de Marie-Michèle Rheault, qui a lu attentivement le texte, en faisant une correction linguistique minutieuse ainsi qu’un grand nombre de remarques sur le contenu, qui ont permis d’apporter des précisions à l’ouvrage.
José DEL POZO
Longueuil, le 7 décembre 2019,
le 20 mars 2023 et le 18 mars 2025
Table des matières
Quand l’Amérique latine fait date. 50 faits qui ont marqué l’histoire du monde | 1 |
Introduction | 9 |
9 000 ans avant l’ère commune : premières traces de l’utilisation des feuilles de coca au Pérou | 13 |
Vers 4 700 ans avant l’ère commune : aboutissement du processus de domestication du maïs | 19 |
600 ans avant l’ère commune : développement de la culture du cacao en Méso-Amérique | 23 |
1493 : Colomb est accueilli à Barcelona et annonce avoir atteint les Indes | 29 |
1514 : Las Casas renonce à son encomienda et prend la défense des Autochtones | 35 |
Août 1518 : Charles V octroie le premier contrat pour la traite d’esclaves noirs en Amérique espagnole | 39 |
Avril-août 1521 : Cortés achève la conquête de Tenochtitlan | 45 |
1532 : Pizarro capture l’Inca Atahualpa à Cajamarca | 51 |
1534 : début de la quête de l’El Dorado | 57 |
1545, Potosí : découverte de la plus grande mine d’argent dans les Amériques | 63 |
1er octobre 1565 : Urdaneta complète la découverte de la route Manille-Acapulco | 69 |
1610 : début de la fondation des missions jésuites au Paraguay | 73 |
1628 : le corsaire néerlandais Piet Heyn fait main basse sur le trésor de la Flota espagnole à Cuba | 79 |
1689 : les œuvres de sœur Juana sont publiées en Espagne | 83 |
1736 : La Condamine arrive à Quito et commence sa mission scientifique | 89 |
1786 : le jour où Antoine Parmentier offre la pomme de terre au roi Louis XVI | 95 |
Août 1791 : début de la grande insurrection des esclaves en Haïti, prélude de l’indépendance | 99 |
Juin 1802 : Humboldt fait l’ascension du Chimborazo | 105 |
1824 : Ayacucho, la bataille qui sonna le glas de l’Empire espagnol en Amérique du Sud | 109 |
1826 : le Congrès de Panama et le rêve de l’union de l’Amérique latine | 115 |
1837 : Flora Tristan publie les Pérégrinations d’une paria | 119 |
1841 : le livre de John Lloyd Stephens suscite de l’intérêt pour le monde maya | 125 |
8 février 1846 : Garibaldi remporte la bataille de Salto en défense de Montevideo | 129 |
1867 : exécution de l’archiduc Maximilien par le gouvernement mexicain | 135 |
1881 : le médecin cubain Carlos Finlay expose sa théorie sur la transmission de la fièvre jaune | 139 |
Avril 1898 : les États-Unis déclarent la guerre à l’Espagne et détournent la lutte des Cubains pour l’indépendance | 143 |
1911 : Bingham découvre les ruines de Machu Picchu | 149 |
Août 1914 : inauguration du canal de Panama | 153 |
1927 : Sandino lance la guerre de libération contre l’occupation militaire états-unienne au Nicaragua | 159 |
Juillet 1930 : l’Uruguay organise la première Coupe du monde de football | 163 |
24 juin 1935 : mort du chanteur de tango Carlos Gardel dans un accident d’avion | 169 |
Mars 1938 : le Mexique nationalise ses gisements de pétrole | 173 |
Avril 1938 : Lévi-Strauss fait une deuxième expédition ethnologique dans le Matto Grosso | 179 |
Janvier 1942 : l’Amérique latine décide de sa participation à la Deuxième Guerre mondiale | 183 |
1945 et 1950 : deux poètes chiliens s’illustrent sur la scène internationale | 189 |
1961 : Borges reçoit le prix Formentor et devient une vedette internationale | 195 |
Février 1962 : le gouvernement de Fidel Castro lance un appel à la révolution | 201 |
1964 (avril) : Violeta Parra expose à Paris | 207 |
1964 (septembre) : première publication de la bande dessinée Mafalda | 213 |
1967 : parution du roman Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez | 217 |
1968 : le père Gustavo Gutiérrez parle de la théologie de la libération | 221 |
1969 : Paulo Freire écrit son étude Pédagogie des opprimés | 229 |
1971-1972 : Eduardo Galeano et Salvador Allende dénoncent l’action du capital étranger en Amérique latine | 235 |
1973 : le coup d’État au Chili met un terme au projet socialiste et ouvre la voie au néolibéralisme | 241 |
Avril 1982 : début de la guerre des Malouines | 247 |
1983 : parution du livre-témoignage de Rigoberta Menchú sur le combat des Autochtones au Guatemala | 253 |
1996 et 2001 : Chiapas et Porto Alegre, deux réunions contre le néolibéralisme | 259 |
2003 : le Brésil de Lula prend le leadership des pays moins développés contre les pays riches dans les négociations sur le commerce mondial | 265 |
Juillet 2008 : libération d’Íngrid Betancourt en Colombie | 271 |
2016 : Berta Cáceres, assassinée pour sa défense de l’environnement en Amérique centrale | 277 |