Avec près de 20 % des suffrages au premier tour, Franco Parisi a créé la surprise. Son Parti des gens, « ni facho ni coco » selon son slogan, a choisi de ne pas se prononcer entre la candidate de la gauche, Jeannette Jara, et celui de l’extrême droite, José Antonio Kast lors du deuxième tour le 14 décembre prochain.
Avec plus de 2,5 millions de voix, soit près de 20 % des suffrages, et une troisième position, l’économiste Franco Parisi a constitué la surprise du premier tour de la présidentielle chilienne, le 16 novembre dernier. Celles et ceux qui l’ont choisi au premier tour sont en effet l’objet de toutes les attentions de la part du candidat et de la candidate en lice Jeannette Jara représentante de la coalition de gauche au pouvoir, et José Antonio Kast, qui incarne une extrême droite nostalgique de la dictature de Pinochet. À l’issue d’une consultation numérique fin novembre, les membres de la formation de Parisi, le Parti des gens (Partido de la Gente, PDG), ont décidé de ne pas choisir, optant pour le vote blanc ou nul.
Franco Parisi a montré, une nouvelle fois, l’échec des instituts de sondage. Alors que cet économiste, qui a fait campagne sur un discours dégagiste et antisystème avec un slogan simple, Ni facho, ni communacho, affirmait durant la campagne qu’il allait atteindre les 20 %, les sondeurs le plaçaient loin derrière d’autres candidats de droite et d’extrême droite, comme Evelyn Matthei et Johannes Kaiser, qu’il a finalement devancés.
Franco Parisi, 58 ans, a retrouvé la même position que lors de la présidentielle précédente, en 2021, durant laquelle il avait déjà créé la surprise en obtenant plus de 12 % des voix, peu après la création de son parti. Poursuivi pour non-versement de pensions alimentaires à ses enfants, il avait fait campagne depuis les États-Unis. Cette fois, il était bien présent au Chili pour la campagne. Il s’est d’abord fait connaître à la télévision comme l’économiste, se proposant d’expliquer l’économie aux « gens » et prodiguant ses conseils de placement. Puis il s’est imposé progressivement dans le paysage politique, depuis sa première candidature à l’élection présidentielle, en 2013, comme indépendant. Il s’était alors placé quatrième, avec 10 % des suffrages.
Un discours antisystème
Cette année, Franco Parisi est arrivé en première position dans les régions minières du nord du pays. Il s’adresse aux classes moyennes et pourfend les élites économiques et politiques qui gouvernent, les rendant responsables des terribles inégalités qui ravagent ce pays d’Amérique du Sud pourtant riche en ressources naturelles. Il affirme également n’avoir pas d’idéologie, d’où la diversité des candidats de son parti, et s’appuie fortement sur les réseaux sociaux pour diffuser son message. La droite traditionnelle est en pleine déroute (12,46 % pour Evelyn Matthei) et a été dépassée par l’extrême droite (près de 38 % en tenant compte des votes pour le libertarien Johannes Kayser et pour José Antonio Kast).
Une présence forte dans le nord du Chili
C’est dans cette zone qu’arrivent les migrants du Venezuela, qui sont aujourd’hui au cœur de la campagne. José Antonio Kast a ainsi appelé celles et ceux qui se trouvent sans papiers – quelque 337 000 personnes, selon les chiffres officiels – à quitter le Chili d’ici le 11 mars, date de sa prise de fonction s’il remporte la présidentielle. « S’ils ne le font pas, une fois identifiés […], ils seront expulsés », a indiqué Kast lors d’un débat mercredi 3 décembre. Jeannette Jara, de son côté, dénonce l’instrumentalisation de l’immigration par son rival. Elle s’oppose pour autant à toute régularisation et souhaite mieux contrôler les entrées irrégulières dans le pays et recenser les personnes sans papiers, pour identifier celles ayant des antécédents criminels.
Kast et Jara ont tous les deux prévus des déplacements dans les régions du Nord, où Parisi s’est imposé. Ils ont également indiqué vouloir reprendre certaines des propositions de Franco Parisi. La candidate de gauche, dont les réserves de voix sont moins importantes que celles de Kast, s’est par exemple prononcée pour limiter le salaire des fonctionnaires de la présidence de la République et supprimer la TVA sur les médicaments.« Comme le propose Parisi, nous allons supprimer la TVA sur les médicaments. Parce que quand les idées sont bonnes, elles doivent être appliquées », a-t-elle proposé où elle compare le prix d’un médicament au Chili et en France, où il est six fois moins cher.
Un électorat « dispersé »
Depuis l’Italie, où il réside désormais, le frère de Franco, Antonino Parisi, a fait sensation en expliquant qu’il allait voter pour Jara, dénonçant l’« avarice » et la « corruption » de la droite et de l’extrême droite. Et il est allé à contre-courant de la plupart des analyses en prédisant une victoire de la gauche le 14 décembre. Selon lui, un pays aussi inégalitaire que le Chili ne pourrait pas voter pour la droite et l’extrême droite. En tout cas, si le Partido de la gente arrive à maintenir son unité – ce qui n’avait pas été le cas lors de la précédente législature, où le parti avait fini par disparaître complètement du Congrès après les départs de ses six élus en raison des conflits –, il aura un rôle important avec ses quatorze députés dans un Parlement extrêmement fragmenté.
Rossana Carrasco, politologue à l’université pontificale catholique, relativise cependant son influence. Elle juge que Parisi est un « phénomène numérique et épisodique : il est présent aux élections, mais ne prend pas en charge la gestion quotidienne de la politique, ni l’élaboration d’un projet ». Quant à son électorat, souligne-t-elle, il « est profondément hétérogène, dépolitisé et, surtout, non structuré ». « Il ne répond ni à un projet ni à un leadership : c’est un groupe dispersé de personnes qui ont voté par frustration plutôt que par soutien, poursuit-elle. Il est difficile de “transférer” un vote qui n’a jamais été véritablement fédérateur. » Avec l’idée aussi de préparer la prochaine présidentielle, en 2029, et de voir Franco Parisi entrer au palais de La Moneda, siège de la présidence à Santiago, dans les présidentielles suivantes, en 2030.
D’après les médias du Chili


