Reporters sans frontières (RSF) condamne l’assassinat du journaliste péruvien Juan Fernando Núñez Guevara, directeur du média numérique Kamila TV et représentant local de l’Association nationale des journalistes du Pérou (ANP), survenu dans la nuit du 6 décembre 2025, dans la province de Pacasmayo, région de La Libertad, au nord du pays. Il s’agit du troisième journaliste assassiné au Pérou depuis le début de l’année 2025, un chiffre sans précédent dans l’histoire récente du pays.
Juan Fernando Núñez Guevara a été attaqué par des hommes armés circulant à moto alors qu’il se déplaçait avec son frère. Les agresseurs les ont interceptés dans un secteur connu sous le nom de la “Curva La Barranca”, sur la route panaméricaine Nord, avant d’ouvrir le feu à bout portant sur le journaliste, qui est mort sur place. Son frère a été grièvement blessé et transporté en urgence vers l’hôpital Tomás Laforaun, à Guadalupe, selon les informations recueillies par RSF. Le mode opératoire est identique à celui des deux autres assassinats de journalistes commis au Pérou cette année, également perpétrés par des tueurs circulant à moto.
Juan Fernando Núñez Guevara dirigeait Kamila TV / Kamila Noticias, un média numérique actif depuis au moins 2020, spécialisé dans la couverture de l’actualité locale, des dénonciations citoyennes et les critiques à l’encontre des autorités dans les localités de Chepén, Guadalupe et Pacasmayo, sur la bande côtière de la région de La Libertad. Cette zone est l’une des plus touchées par l’expansion de groupes criminels liés à l’extorsion, au narcotrafic et à l’exploitation minière illégale. Avec plus de 147 000 abonnés sur Facebook, Kamila TV s’était imposée comme l’une des principales sources d’information locale.
« L’exécution de Juan Fernando Núñez Guevara présente toutes les caractéristiques d’un crime ciblé. Il ne s’agit pas d’un fait isolé : trois journalistes ont été assassinés au Pérou en une seule année, une situation absolument sans précédent dans le pays. Nous exigeons du président José Jerí et de son gouvernement qu’ils envoient un signal clair et sans équivoque indiquant que la violence contre la presse ne sera pas tolérée. Nous appelons également le ministère public à garantir une enquête rapide, rigoureuse et transparente, qui privilégie le travail journalistique de la victime comme mobile possible et permette d’identifier aussi bien les auteurs matériels que les commanditaires.
Artur ROMEU
Directeur du bureau
Amérique latine de RSF
Dans des déclarations relayées par la presse péruvienne, l’épouse du journaliste, Catherine de la Cruz, a demandé que le crime ne reste pas impuni et a réclamé justice pour ses enfants. L’Association nationale des journalistes du Pérou (ANP) a exprimé sa profonde tristesse, a fermement condamné l’assassinat et exigé une enquête rapide permettant d’établir le mobile et de sanctionner les responsables. Par ailleurs, un autre de ses frères, Joel Núñez, a demandé que l’affaire soit confiée à un parquet disposant de ressources suffisantes pour l’enquêter en profondeur — citant celui de Trujillo plutôt que celui de Pacasmayo —, avertissant que, dans le cas contraire, le dossier risquait d’être classé sans suite.
Trois meurtres depuis janvier 2025
Avant cette nouvelle vague de violence – marquée par les assassinats des journalistes Gastón Medina Sotomayor, tué en janvier, et Raúl López, tuéen mai–, le dernier meurtre d’un journaliste au Pérou remontait à 2016, lorsque Hernán Choquepata Ordóñez, de la radio La Ribereña, avait été assassiné alors qu’il animait son émission « Habla el Pueblo » dans la ville de Tambogrande. Hormis ce cas, les assassinats de journalistes recensés par RSF se concentraient à la fin des années 1990 ; ce qui souligne le caractère de rupture historique de la situation actuelle.
Cette dégradation s’inscrit dans un contexte plus large de recul de la liberté de la presse au Pérou, qui a perdu 53 places dans le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF depuis 2022, l’une des chutes les plus brutales au niveau mondial sur cette période. Dans le nord du pays en particulier, la détérioration des conditions de sécurité, conjuguée à l’expansion du crime organisé, expose les journalistes couvrant la criminalité, la corruption et les abus de pouvoir à des menaces constantes, dans un contexte d’impunité persistante.
RSF – Paris


