Alors que le Brésil s’apprête à accueillir la COP30 à Belém en 2025, le pays affiche un double visage. D’un côté, il veut incarner le leadership climatique du Sud global. De l’autre, il accélère des projets pétroliers et routiers controversés en Amazonie. Le président Luiz Inácio Lula da Silva, en quête de légitimité internationale, bascule entre pressions diplomatiques, intérêts économiques et attentes écologistes.
Photo: Brazil Selection
Prévue pour novembre 2025 à Belém, au cœur de l’Amazonie, la COP30 incarne un tournant stratégique pour le Brésil. Le président brésilien veut faire de cet événement un symbole de la lutte contre la déforestation de l’Amazonie et un levier de relance de la diplomatie climatique, en panne depuis l’Accord de Paris de 2015. En effet, la COP30 pourrait marquer une nouvelle ère de négociation entre pays du Nord et du Sud, notamment sur les questions de financement et de justice climatique. Lula, qui s’est présenté en 2022 comme le grand défenseur de l’Amazonie face au mandat destructeur de Jair Bolsonaro, tente aujourd’hui de convaincre la communauté internationale qu’il tient ses engagements. Depuis le début de son mandat, Lula affiche une volonté claire de faire du Brésil un acteur central des enjeux climatiques. Il a même déclaré qu’il appellerait personnellement Donald Trump si ce dernier refusait de participer au sommet. Cette déclaration intervient alors que les États-Unis ont récemment fermé leur bureau de diplomatie climatique, suscitant des doutes sur leur implication à Belém. Une absence américaine enverrait un signal inquiétant pour un sommet censé relancer la coopération mondiale. Ce geste symbolique de Lula vise à renforcer la visibilité internationale de l’événement, mais aussi à mobiliser les grandes puissances autour de la table des négociations, dans un contexte géopolitique instable. Emmanuel Macron a d’ailleurs confirmé sa venue, affirmant : « Nous devons non seulement poursuivre nos efforts, mais les renforcer. »
Pourtant, à l’approche de la COP30, le gouvernement brésilien multiplie les signaux contradictoires. L’agence fédérale IBAMA ( Instituto Brasileiro do Meio Ambiente e dos Recursos Naturais Renováveis) sous pression croissante du gouvernement, a récemment autorisé des forages pétroliers à seulement 160 km de l’embouchure de l’Amazone. Elle a également validé un projet de dynamitage sur 40 km du fleuve Tocantins, destiné à faciliter le transport du soja par barges, principalement à destination de la Chine. Parallèlement, le Congrès brésilien a voté fin mai une réforme controversée réduisant drastiquement les pouvoirs des agences environnementales. Elle permet notamment l’asphaltage de la route BR-319, un axe de 900 km traversant une région jusque-là peu touchée par la déforestation. Pour les ONG, cette réforme constitue une « bombe carbone » qui pourrait faire basculer l’Amazonie. Sans oublier que des tensions apparaissent au sein même du gouvernement. La ministre de l’Environnement, Marina Silva, semble de plus en plus mise de côté, alors que des ministres favorables au développement économique, comme celui des Transports Renan Filho, prennent le dessus. Face à ces contradictions, certains s’inquiètent. « Que va présenter le Brésil à la COP30 ? Encore une liste d’engagements en contradiction avec les actes posés sur le terrain ? », s’interroge Cleberson Zavaski, président de l’Association nationale des agents publics de l’environnement.
Alors que Lula espérait présenter une Amazonie en voie de régénération, les derniers chiffres font tache : la déforestation en Amazonie a augmenté de 9,1 % entre août 2024 et mai 2025, selon l’INPE. En mai dernier, 960 km² de forêt ont été détruits, soit presque l’équivalent de la superficie de Belém elle-même. Il s’agit du deuxième pire mois de mai depuis le début des relevés en 2016. Les incendies, souvent d’origine criminelle et favorisés par une sécheresse « sans précédent historique », ont lourdement contribué à ce recul. Plus inquiétant encore, 23,7 % des foyers de chaleur se trouvent désormais dans des zones de végétation indigène, mettant directement en danger les terres des peuples autochtones. Si d’autres biomes brésiliens, comme le Pantanal et le Cerrado, montrent des signes de mieux, c’est bien l’Amazonie qui concentrera tous les regards à Belém. Et les projections sont alarmantes : selon le réseau de l’Observatoire du climat, si la tendance actuelle se poursuit, le Brésil pourrait arriver à la COP30 avec un bilan annuel de déforestation en hausse, réduisant à néant les progrès proclamés.
Outre les questions environnementales, l’organisation même de la COP30 suscite des inquiétudes. Des documents diplomatiques révèlent que plusieurs pays, dont la Norvège et la Chine, se sont plaints des coûts logistiques élevés, du manque d’hébergement à Belém, et de retards dans la coordination locale. Certains évoquent même la possibilité d’envoyer des délégations réduites. Face à ces critiques, Lula mise sur le soutien de ses alliés, comme la France, pour redorer son image et garantir le succès diplomatique de la conférence. Mais la pression est forte. La COP30 ne sera pas seulement une scène pour les annonces mais également un test de crédibilité.
Alice BOUC