Claudia Sheinbaum : retour sur un an de présidence historique

Le bilan de Claudia Sheinbaum n’est ni unanimement salué ni massivement critiqué : il peut apparaître positif ou négatif selon le regard que l’on porte et les enjeux auxquels on accorde de l’importance. Il est donc essentiel d’examiner les faits et la manière dont ils sont perçus par l’opinion publique mexicaine. Avec son élection à la présidence, la gauche se maintient au pouvoir au Mexique. Si elle n’a été investie qu’en octobre 2024, la présidente a pourtant déjà mis en place cents engagements en matière écologique et sociale notamment à travers son programme la “cuarta transformación”, initié par Andrés Manuel López Obrador (AMLO). D’abord forte d’une popularité et légitimité grandissante, la nouvelle présidente a été rapidement confrontée à certaines polémiques et difficultés en termes de sécurité. 

Certaines voix saluent les progrès accomplis sous son mandat. Claudia Sheinbaum aurait su impulser une dynamique de transformation dans plusieurs secteurs clés. Parmi les avancées les plus significatives figurent notamment les progrès économiques et sociaux, largement reconnus par une partie de la population mexicaine. En effet, dès les premiers mois de son mandat, Claudia Sheinbaum a affiché sa volonté de transformer en profondeur le pays, dans la continuité de la « Quatrième Transformation » initiée par le président sortant. Et les résultats sont visibles : selon ses propres bilans, le Mexique connaît actuellement le niveau de salaire le plus élevé des 40 dernières années. Parallèlement, la pauvreté au travail a atteint son plus bas niveau depuis deux décennies, malgré les turbulences économiques mondiales. Autre indicateur fort: le pays a enregistré un niveau record d’investissement direct étrangers (IDE) au premier trimestre 2025, preuve de la confiance d’une partie des acteurs économiques dans la stabilité et la direction du gouvernement.

Sur le plan social, la présidente bénéficie d’un large soutien populaire. Les programmes sociaux mis en place par son administration sont cités comme l’un de ses principaux succès : 44 % des Mexicains les considèrent comme l’aspect le plus positif de sa gestion, selon une enquête nationale menée en mai 2025. L’aide aux groupes vulnérables (17 %), aux personnes âgées (13 %) et aux étudiants (9 %) figurent également en tête des mesures les plus appréciées.

Autre volet fort du programme Sheinbaum : la souveraineté alimentaire et le soutien aux petits producteurs. Le Mexique, riche d’une biodiversité exceptionnelle, est aussi marqué par de fortes inégalités d’accès à la terre et à une alimentation saine. Dans cette optique, deux réformes majeures ont été lancées : la Ley General de la Alimentación Adecuada y Sostenible (avril 2024), qui établit les bases d’un changement structurel du système alimentaire, et le Programa Nacional de Soberanía Alimentaria (novembre 2024), qui vise à renforcer la production agricole locale. Ces mesures s’inscrivent dans une volonté de garantir une alimentation durable, accessible et de qualité à l’ensemble de la population.

Sur le plan international, la présidente a su faire preuve d’une habileté diplomatique saluée, notamment face à la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Dès les premières tensions commerciales, lorsqu’il a annoncé une hausse des droits de douane de 25 % sur les produits mexicain, Sheinbaum a adopté un ton ferme mais conciliant, en maintenant un dialogue constant avec la maison blanche. Résultat : Donald Trump a finalement renoncé à appliquer ces nouvelles taxes, évitant un choc économique majeur.

Son attitude a tranché avec celle de plusieurs de ses homologues latino-américains. Certains experts estiment que sa formation académique a contribué à ce positionnement : elle a su écouter, argumenter et répondre avec sang-froid. Un exemple révélateur : face à la proposition fantasque de Trump de rebaptiser le golfe du Mexique en “golfe d’Amérique”, la dirigeante méthodique a répondu en brandissant des cartes du XVIIe siècle…en suggérant ironiquement de renommer les Etats-Unis “Amérique Mexicaine”.

Malgré l’approbation massive des citoyens mexicains, le bilan de Sheinbaum reste contrasté et entaché par des polémiques et une mauvaise gestion de la question sécuritaire. De fait, l’insécurité reste une des préoccupations les plus persistante pour la population mexicaine, à laquelle l’héritière d’AMLO n’a pas su faire face. Une enquête nationale de sécurité publique de l’Encuesta Nacional de Seguridad Pública urbana révèle que la perception de l’insécurité au Mexique a grimpé à 61.9 % au premier semestre de 2025. Un niveau en hausse par rapport au trimestre précédent, enregistré sous la présidence de López Obrador. Une brèche entre les sexes persiste et l’insécurité est plus ressentie chez les femmes : 67,5 % des femmes se disent préoccupées par l’insécurité, contre 55 % des hommes. 

Le mois de mars 2025 a été rude pour la cheffe d’État avec l’explosion de la polémique du ranch Izaguirre. L’affaire a été révélée le 5 mars 2025, par le collectif « Guerreros Buscadores », composé de proches de personnes disparues. Le ranch situé à Teuchitlán dans l’État de Jalisco a servi de centre d’entraînement et d’exécution par le cartel « Jalisco Nueva Generación« . Le site avait fait l’objet d’une intervention des autorités publiques en 2024, cependant l’ampleur des massacres a été découverte seulement par le collectif qui dénonce une omission de la part des autorités locales. Ce cas a entaché la présidence après une propagation à l’international, donnant lieu à des critiques de la part de la société civile et de groupes de défenseurs des droits humains. 

La récente élection de l’ensemble des juges jusqu’à la cour suprême le dimanche 1er juin 2025 témoigne la baisse de popularité de Sheinbaum. Cette première mondiale voulue par la gauche afin de lutter contre la corruption du pouvoir judiciaire et une justice plus transparente est qualifiée de « succès total » par la présidente. Cependant, seuls 13 % des mexicains se sont rendus aux urnes, soit à peine plus d’un mexicain sur dix. Cette élection est donc un revers pour le parti Morena dont l’initiative n’a pas été largement soutenue par la participation populaire. 

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