Le sommet des Brics, cette semaine en Afrique du Sud, cherche une nouvelle voie non occidentale

Le 15e sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui se déroule jusqu’à ce jeudi 24 août à Johannesburg, trace les contours d’une voix différente et d’une autre voie, non dirigée par les Occidentaux. Nous reproduisons ici l’analyse d’Axelle Degans, enseignante-chercheuse en géopolitique à Lille.

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Les BRICS restent-ils des pays émergents ou sont-ils devenus des puissances ?

Bâtis en 2001 sur un concept financier(1), les BRICS ont mué vers un concept géopolitique. C’est le retour des invariants de la puissance, les matières premières, la géographie, la démographie. Avec les deux pays les plus peuplés du monde, l’Inde devant la Chine, et les autres à plus de cent millions d’habitants, ce sont des pays qui ne se sentent pas suffisamment représentés dans la gouvernance mondiale malgré la place de la Chine et de la Russie au Conseil de sécurité des Nations-Unies.

Ces pays constituent-ils un ensemble cohérent ?

Les intérêts des uns, ne sont pas forcément ceux des autres. L’Inde et la Chine sont des rivaux géopolitiques avec le Tibet en pomme de discorde et l’océan Indien comme cordon ombilical essentiel pour la Chine. Cet ensemble a pris vie en 2009 avec Vladimir Poutine lors d’une réunion à Ekaterinbourg, sonnant la réémergence de la Russie. Après un XXe siècle difficile, la Chine pouvait sortir de l’ombre sans effrayer les autres. Et l’Inde, qui a joué un grand rôle avec Nehru dans le mouvement des non-alignés (1956), aspire depuis longtemps à intégrer la cour des grands. Nous en sommes au 15esommet, ce n’est pas un feu de paille.

Quels rôles veulent tenir les BRICS ?

C’est l’émergence d’un monde non occidental qui réclame de réformer l’ONU car elle ne correspond plus aux réalités du XXIe siècle, qui dénonce une OMC (Organisation mondiale du commerce) en panne, qui veut changer les règles du jeu. Contre les Occidentaux qu’ils jugent trop intrusifs, ils proposent une alternative. Son premier acte de vie, c’est la création de la NBD, la BRICS Bank, avec 250 milliards de réserves, surtout des fonds chinois. Elle est attractive pour les pays du Sud et se veut comme une instance anti-FMI. C’est aussi une contestation de l’hégémonie du dollar comme monnaie d’échange alors que les États-Unis sont les plus endettés. La Chine commence à payer son pétrole en yuans en Arabie saoudite. »

Quelle est l’attitude des BRICS vis-à-vis de la Russie et de la guerre en Ukraine ?

C’est un point de fragilisation mais beaucoup de pays n’ont pas voté de sanctions contre la Russie après l’invasion du 24 février 2022. Ils se demandent pourquoi on se focalise sur l’Ukraine alors que le silence de la communauté internationale est assourdissant sur la guerre au Yémen, la crise humanitaire du siècle selon l’ONU, ou sur le conflit du Tigré en Éthiopie. C’est un camouflet qui place les Occidentaux devant leurs contradictions. Pour l’Ukraine, les quatre autres souhaiteraient que la guerre cesse, la Chine a émis un plan de paix.

Quel est l’objet de ce quinzième sommet ?

Les discussions vont porter sur les critères d’élargissement des BRICS. Une vingtaine de pays ont déposé officiellement une demande. Des pays comme l’Iran, l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Argentine, le Venezuela, Cuba, l’Éthiopie, le Kazakhstan… Les BRICS sont attractifs avec un positionnement différent. C’est l’illustration d’un Sud global qui émerge, la tribune d’une autre voix et d’une autre voie. Attention, ce ne sont pas des altermondialistes mais des pays favorables à une mondialisation moins américanisée.

D’après agences

(1) Le concept de BRIC a été créé en 2001 par Jim O’Neill, chef économiste de Goldman Sachs. Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine étaient les pays émergents dans lesquels il fallait investir. L’Afrique du Sud a rejoint le club en 2011 pour former les BRICS.