Portrait de Serge Fohr, président du festival Biarritz Amérique latine

Je suis de la génération des utopies latino-américaines et de ses figures, le Che, Salvador Allende… Cette période de révolutions, que je qualifierais aujourd’hui d’utopiques, a profondément marqué toute une génération d’étudiants. J’ai aussi vécu le boom de la littérature latino-américaine en France, notamment dans les années 70. Plus généralement, ce continent complexe, fascinant, difficile, m’a toujours intéressé. » Aujourd’hui, Serge Fohr partage son temps entre Madrid – sa femme est espagnole, ses enfant et petits-enfants y vivent – et Estérençuby, au pied de la forêt d’Iraty.

Une vie quasi-« sédentaire » pour ce natif d’Alger, balloté entre la Corse, l’Asie et la France dans sa jeunesse – son père était diplomate – dont la carrière professionnelle a sillonné les plus grandes capitales hispaniques. Une carrière qui débute en 1983 au Mexique, à l’Institut français d’Amérique latine, à l’époque navire amiral de la présence française sur le continent. Il y passe quatre ans, avant de rentrer en France, où il intègre le ministère des Affaires étrangères. Direction alors l’Équateur, le Portugal, puis l’Argentine. « Je voulais pourtant rentrer en France, mais je n’ai pas pu refuser l’Argentine, c’était le rêve de tous les hispanophones ! ».

Après cinq années passées à Buenos Aires, il rentre à Biarritz, sa terre d’adoption en France… pour mieux repartir à Madrid, où il devient attaché culturel à l’Ambassade de France. Dans la capitale espagnole, il prendra ensuite la direction de l’Institut français de Madrid, avant d’occuper le poste de conseiller au Secrétariat Général Ibéro américain pour les Affaires francophones et européennes. Finalement, c’est à Cuba, à la direction de l’Alliance française, qu’il termine sa carrière professionnelle. « Une vraie aventure ! Émotionnellement, on ne sort pas indemne de ce pays extraordinaire, aux conditions de vie très dures pour les Cubains. C’est là que j’ai compris la notion de résilience… En trois ans sur place, j’ai connu la visite de Barack Obama, du Pape et des Rolling Stones, mais aussi la mort de Fidel Castro… »

Serge Fohr a côtoyé de près le Lider máximo. « En 1988, j’ai passé trois heures à faire le traducteur lors d’une conversation qu’il menait avec Danielle Mitterrand. C’était sportif ! Fidel Castro tentait par exemple de la convaincre que l’augmentation du prix du ciment à la bourse de New York allait plomber l’économie cubaine… Quand il partait dans sa logorrhée, on ne pouvait plus l’arrêter ! »

Des anecdotes, plus culturelles, Serge Fohr n’en manque pas. « Nous avons fait venir Francis Cabrel à Quito, la capitale équatorienne, pour un concert devant 2 000 étudiants de l’Alliance française. Au bout de 5 minutes, ils chantaient tous « Je l’aime à mourir » en espagnol ! » En 1989, c’est aussi lui qui fait venir Manu Chao et son groupe La Mano Negra pour la première fois en Amérique latine, toujours à Quito.

Aujourd’hui, ses compétences et son réseau culturels, l’ex-diplomate les met au service du Festival Biarritz Amérique latine, qui se déroule cette année du 20 au 26 septembre. « Chaque année, nous enregistrons à peu près 30 000 entrées dans nos salles de projections à la Gare du Midi et au Royal. Nous avons aussi accueilli des personnalités du cinéma hispanique parmi les plus connues au monde : Alfonso Cuarón, Gael García Bernal, Leonardo Sbaraglia, qui tourne actuellement avec Pedro Almodóvar… »

Outre des films présentés en avant-première nationale, la 34e édition du festival consacrera un hommage à l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, Prix Nobel de littérature en 2010, élu à l’Académie française en 2021, disparu en février dernier. Pour le plus grand plaisir de Serge Fohr. « En 1977, dans le cadre d’une thèse que je préparais, je suis parti au Pérou avec mon sac à dos. Sur place, à Lima, un professeur de français m’a hébergé. Un jour, il me propose de rencontrer un écrivain. Je lui demande : qui ? Il me répond : Mario Vargas Llosa. Il se trouve qu’il avait fait l’objet de mon mémoire de maîtrise ! Je l’ai donc rencontré chez lui, dans sa magnifique maison du quartier de Barranco. Et il m’a servi de guide à Arequipa, la deuxième ville du pays. On connaît ses talents d’écrivain, mais je n’ai jamais entendu quelqu’un parler aussi bien espagnol, pas même un Espagnol ! ».

https://www.biarritz.fr