Photo : Colombian Navy
C’est une saisie de drogue inédite qui pourrait bien marquer un tournant dans la lutte contre le narcotrafic : pour la première fois, la marine colombienne a intercepté un semi-submersible sans pilote, capable de transporter jusqu’à 1,5 tonne de cocaïne. Une embarcation discrète, partiellement immergée, repérée au large de Santa Marta, sur la côte caraïbe, et dotée d’une antenne Starlink, le système d’accès à Internet par satellite développé par Elon Musk.
L’annonce a été faite mercredi 2 juillet au soir. Si aucune drogue n’était présente à bord, les autorités colombiennes estiment qu’il s’agissait probablement d’un essai mené par le Clan del Golfo, le cartel le plus puissant du pays. Ce test grandeur nature illustre la manière dont les narcotrafiquants innovent pour échapper à la surveillance des États.
Depuis des années, les cartels utilisent des semi-submersibles artisanaux pour acheminer la cocaïne vers l’Amérique du Nord ou l’Europe. Mais l’apparition d’un engin autonome, télécommandé à distance, représente une rupture. Ces nouvelles machines, construites dans des chantiers clandestins en pleine jungle, sont conçues pour éviter les radars, expliquent les militaires colombiens, qui s’inquiètent d’une sophistication croissante dans les méthodes des groupes criminels.
Les images diffusées par la marine montrent une coque grisâtre, à la silhouette profilée, avec une antenne satellite bien visible à l’avant. Une porte-parole a confirmé qu’il s’agissait d’un équipement Starlink. Ce dispositif permet aux trafiquants de suivre et contrôler l’embarcation à distance, réduisant les risques humains et juridiques liés à la présence d’un équipage.
Pour certains chercheurs, cette saisie n’est que la partie émergée d’un vaste chantier d’innovation criminelle. Juana Cabezas, analyste à l’Institut des études pour le développement et la paix (Indepaz), rappelle que les cartels mexicains, présents en Colombie, ont engagé des ingénieurs dès 2017 pour concevoir des sous-marins sans pilote capables de traverser l’océan Pacifique, décharger automatiquement leur cargaison, et être relayés par d’autres engins autonomes.
Ces nouvelles technologies compliquent considérablement le travail des autorités. Les semi-submersibles, qui ne plongent que partiellement, sont déjà difficiles à repérer. Sans équipage ni cargaison, il devient presque impossible d’identifier les commanditaires ou d’établir des liens directs avec une organisation criminelle.
Selon le centre d’analyse InSight Crime, basé aux États-Unis, l’année 2024 a vu un nombre quasi record d’interceptions de narco-submersibles dans l’Atlantique et le Pacifique. En novembre dernier, cinq tonnes de cocaïne colombienne avaient été retrouvées à bord d’un engin en route vers l’Australie. Pour Henry Shuldiner, chercheur au sein du groupe, l’affaire révélée cette semaine démontre à quel point les trafiquants investissent dans la « recherche et développement » pour faire évoluer leurs méthodes de contrebande.
Derrière cette saisie, un constat s’impose : face à des cartels qui expérimentent des solutions technologiques avancées, la lutte antidrogue entre dans une nouvelle phase. Plus discrète, plus connectée, plus difficile à suivre.
Andréa ELIA