Rupture diplomatique Chili – Israel : Entre raison d’État et mémoire diasporique

La relation entre le Chili et Israël a connu des phases très contrastées selon les contexte socio politique et leaders en place. Pendant la dictature d’Augusto Pinochet (1973–1990), les deux pays entretenaient une coopération militaire et diplomatique étroite, à une époque où Israël cherchait des alliés en Amérique latine. Mais depuis le retour à la démocratie et face à la radicalisation d’un conflit asymétrique, le Chili a progressivement opéré un rééquilibrage en faveur des droits des Palestiniens. En 2011, il reconnaît officiellement l’État de Palestine comme « libre et indépendant », devenant l’un des premiers pays d’Amérique du Sud à le faire.

Si ces dernières années, la critique chilienne envers Israël s’est intensifiée, c’est en raison de divers facteurs. Premièrement, un facteur démographique puisque que le Chili représente aujourd’hui le deuxième pays au monde avec la plus grande diaspora palestinienne en dehors de celle installée dans les pays arabes, avec 500 000 palestiniens vivant au Chili. Marquée par le maintien d’un fort lien avec son pays d’origine, elle s’est établie en trois grandes vagues migratoires.

La première, entre 1860 et 1925, est une conséquence directe des conflits entre l’Égypte et l’Empire ottoman. Face à la répression, de nombreux habitants du Levant émigrent vers le Chili, où ils sont appelés “los Turcos”. A partir de 1925, durant les mandats français et britannique a lieu la deuxième vague d’immigration. Les Palestiniens sont cette fois identifiés comme tels et s’intègrent dans l’économie chilienne, notamment dans les secteurs de l’agriculture, l’industrie et le commerce. Enfin, une troisième vague suit la création d’Israël et les conflits au Moyen-Orient. Ces Palestiniens privilégient des réseaux familiaux déjà installés, ce qui explique l’attractivité qu’exerce le Chili pour cette communauté. Certains programmes sont par ailleurs mis en place par les Nations Unies pour faciliter des migrations ponctuelles, comme en 2008 où des familles palestiniennes réfugiées en Irak sont accueillies au Chili grâce une la collaboration avec l’ONG Caritas.

En septembre 2024, Santiago a annoncé vouloir se joindre à la plainte de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ), accusant Israël de violer la Convention sur le génocide de 1948 dans le cadre de son offensive à Gaza. Un geste diplomatique fort, suivi le 29 mai 2025 du retrait des attachés militaires et de défense chiliens de leur mission en Israël, annonciateur de la rupture formelle survenue quelques jours plus tard. Pour autant, le Chili n’est pas une exception sud-américaine. La Bolivie, sous la présidence de Luis Arce, a elle aussi rompu ses relations diplomatiques avec Israël dès novembre 2023, dénonçant des « crimes contre l’humanité » à Gaza. En Colombie, le président Gustavo Petro a multiplié les déclarations hostiles à l’État hébreu et a suspendu l’achat d’armement israélien. Ces prises de position révèlent une tendance plus large en Amérique latine, où plusieurs gouvernements de gauche affichent une solidarité croissante envers la cause palestinienne, au nom des droits humain et de la cause internationale.

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