David, trentenaire maladroit, en surpoids et en plein chagrin d’amour, doit retourner dans son Argentine natale pour assister aux funérailles de son oncle. L’occasion de renouer avec sa mère et sa famille juive, tout en se lançant dans une quête à travers Buenos Aires pour apaiser son anxiété par le biais de leçons de conduite, de soins de santé bon marché et la tentative de coucher avec tout homme qui lui accorde un peu d’attention.
À l’image de son corps attendrissant et encombrant, David, faux alter ego du cinéaste qui est ici à la fois scénariste, interprète principal et metteur en scène, traîne son inquiétude mélancolique dans un monde (une famille juive) dont il est issu mais auquel il a le sentiment de ne plus appartenir complètement. Taraudé par le doute, redoutant de ne jamais être aimé, en quête de fantômes (le père alité, l’homme idéal pas encore trouvé), il stagne, hésite et tergiverse avec son spleen pour seul compagnon, se méprenant sur le moindre regard masculin croisé.
Le réalisateur joue lui-même le rôle de David. «Ça me dérange toujours un peu quand les gens disent que David est mon alter ego, car je ne m’identifie pas à lui. En fait, ils disent cela parce qu’ils ne me connaissent pas. Certes, le film dépeint un moment de deuil dans une famille qui pourrait être la mienne, mais elle pourrait tout aussi bien être la vôtre ou celle de n’importe qui. J’insiste : ma véritable histoire ne ressemble pas à celle du personnage. Nous avons en commun d’avoir l’un et l’autre traversé une longue période de deuil, mais nous l’avons vécue de façon différente…
… Ce que je voulais faire avec ce film, c’était d’abord et avant tout parler de ce dont personne ne m’avait jamais parlé, à savoir la bureaucratie qui entoure la mort et le coût du deuil. Un coût à la fois littéral et métaphorique… Je pense que le deuil ressemble à ça. On passe constamment d’un état émotionnel à un autre, alors que l’on essaie d’avancer. On avance et puis l’on recule, c’est ça le mouvement du balancier. D’une certaine façon, je crois que les états émotionnels se complètent – la tragédie et la comédie, le drame et le rire -, et cela sans arrêt. Oui, je pense que la vie est pleine de ces moments d’inconfort et de grâce, de façon égale... Être homosexuel n’est pas facile…
Mais être juif ne l’est pas non plus. J’ai choisi de raconter une histoire où l’accent n’est pas mis sur la confrontation. David a sûrement enfoui quelque chose tout au fond de lui, une chose liée au fait que sa vie n’a pas été la même que les autres parce qu’il est homosexuel et parce qu’il est juif. Mais pour lui, du moins aujourd’hui, cela ne semble pas être un souci. Cela étant, d’une manière générale, je crois que les familles juives sont plus dérangées quand elles n’ont pas de petit-enfant que lorsque l’un des leurs est homosexuel.»
Une scène importante du film est le repas de «Pessa’h, la Pâque juive, c’est la libération. Quelque chose dans ce moment permet à la famille de se libérer de la douleur, des pensées, du chagrin. Même si c’est un moment bref, comme une parenthèse.» Cette histoire qui pourrait être très triste propose de nombreux moments d’humour. David est gauche et n’a rien de séduisant. Mais il est entouré de femmes merveilleuses. Seule la couleur bleue omniprésente dans le film exprime la douleur.
Alain LIATARD
Drame par Iair Said, avec Iair Said, Rita Cortese (Argentine, 1 h 17). En salle le 7 mai