Le prix de la liberté de la presse de l’Unesco pour le journal nicaraguayen La Prensa

Ce samedi 3 mai, l’Unesco a décerné son prix annuel de la liberté de la presse au journal nicaraguayen La Prensa, fondé en 1926 et doyen de la presse du pays. Il s’était notamment illustré par son engagement dans la lutte contre le régime dictatorial d’Anastasio Somoza. Aujourd’hui, le média subit la répression du régime Ortega-Murillo, qui l’a poussé à cesser sa version papier en 2021, face aux persécutions et arrestations.

Ces dernières années, le journal n’a cessé de dénoncer l’autoritarisme de plus en plus flagrant de Daniel Ortega, président du Nicaragua, qui a récemment nommé son épouse, Rosario Murillo, coprésidente de ce petit pays d’Amérique latine — concentrant ainsi le pouvoir entre leurs mains. Cette opposition ouverte au pouvoir leur a valu des représailles : le directeur du journal, Juan Lorenzo Holmann, a été incarcéré en 2021 et condamné à neuf ans de prison pour des accusations controversées de blanchiment d’argent. Il a été libéré puis expulsé vers les États-Unis en février 2023, en même temps que 221 autres opposants politiques.

Cela n’a pourtant pas entamé la détermination de la rédaction qui, bien qu’exilée et contrainte de réduire ses activités, continue de dénoncer un régime qui gouverne contre son peuple et soumet les principaux médias du pays à son contrôle. Cela rend d’autant plus essentielle la survie de journaux indépendants comme La Prensa, qui demeure une voix précieuse dans une société nicaraguayenne où toute opposition est rapidement muselée. Le directeur du journal en exil, contacté par l’AFP, le souligne :

« C’est un grand honneur pour La Prensa de recevoir ce prix […] et nous le recevons avec une profonde gratitude en ces temps difficiles que nous traversons… Au Nicaragua, il n’y a pas de journalisme indépendant, la dictature le criminalise. L’exercice du journalisme n’est pas une vocation, ce n’est pas une profession, c’est devenu un sacerdoce », ajoute-t-il, précisant que « ce prix n’est pas seulement pour La Prensa, mais pour le Nicaragua et pour tous les journalistes indépendants qui continuent à faire des reportages depuis l’étranger. »

Le journal La Prensa s’est distingué par son courage à informer le peuple nicaraguayen avec rigueur et intégrité. Bien qu’en exil, il poursuit inlassablement son combat pour la liberté de la presse. C’est ce qu’a salué le président du jury, Yasuomi Sawa, en justifiant l’attribution de cette distinction.

Le Nicaragua figure aujourd’hui parmi les pays les plus répressifs au monde en matière de liberté de la presse, se classant à la 172e place sur 180 dans le dernier classement de Reporters sans frontières (RSF), publié le 2 mai. L’organisation note que les médias indépendants y vivent un « véritable cauchemar ».

Le Prix mondial de la liberté de la presse Unesco–Guillermo Cano — du nom d’un journaliste colombien assassiné en 1986 pour ses enquêtes courageuses — sera officiellement remis lors d’une cérémonie prévue le 7 mai à Bruxelles. Cette récompense distingue chaque année une personne, une organisation ou une institution ayant joué un rôle exceptionnel dans la défense ou la promotion de la liberté de la presse, notamment lorsqu’un tel engagement a été accompli au péril de la vie, précise l’Unesco.

Dans ce contexte, il apparaît pleinement justifié que ce prix soit décerné à un journal historique, pilier de l’information libre au Nicaragua. Un prix amplement mérité pour La Prensa, symbole d’intégrité journalistique, à l’inverse du couple Ortega-Murillo, qui continue, lui, à usurper le pouvoir sans jamais avoir été récompensé pour autre chose que sa brutalité.