« Les morts et le journaliste » : les questionnements d’un journaliste d’investigation au Salvador

À paraitre le 7 avril aux éditions Métailié, Les morts et le journaliste nous plonge dans les pensées, les doutes et les peurs de Óscar Martinez, un journaliste d’investigation salvadorien qui enquête depuis plus de treize ans sur la violence dans son pays.

Photo : Ed. Métailié

Óscar Martinez est un journaliste d’investigation salvadorien né en 1983. Actuellement rédacteur en chef d’El faro, premier journal latinoaméricain entièrement en ligne, il s’intéresse principalement aux thèmes de la violence, du crime organisé et de l’immigration. Il co-écrit son premier livre, El niño de Hollywood, avec son frère Juan José. Paru en 2018, ce récit retraçait la vie d’un des membres les plus dangereux de la Mara Salvatrucha, qu’ils ont pu rencontrer, et a obtenu le Prix du réel 2020 décerné par la librairie Mollat aux ouvrages mêlant enquête et création. Son nouvel ouvrage est paradoxalement à la fois plus personnel et plus universel car cette fois-ci, avec Les morts et le journaliste, plus qu’une enquête, Óscar Martinez nous livre une introspection sur son métier.

Le récit s’articule autour d’une enquête : un « affrontement » entre la police et des membres d’une pandilla, dans une église. Óscar Martinez s’attache à démentir le récit officiel : ce qui est décrit fréquemment à la télévision comme des « affrontements », sont souvent des massacres perpétrés par la police salvadorienne, sans véritable distinctions entre des adolescents non armés et pandilleros prêts à tuer. Dès les premières lignes, le ton est donné : lorsque l’auteur a rencontré Rudi, le seul survivant de ce massacre, un adolescent d’une quinzaine d’années, il savait qu’il allait mourir. Lui, son frère Wito et sa sœur Jessica. 

Si cette enquête est la trame de fond, elle sert surtout de support à l’auteur pour exprimer les pérégrinations de son esprit et parler de son métier : journaliste. Óscar Martinez effectue des va-et-vient, évoquant d’autres enquête, d’autres témoins, pour illustrer ses propos et démontrer sa vision du métier. Il explique ce que, selon lui, un journaliste doit et ne doit pas faire, ou être, mais surtout, il pose des questions, parfois complexes, laissées avec peu d’explications. Pourquoi les sources parlent ? Notamment ses sources à lui, celles qui, depuis les recoins les plus marginaux du Salvador ne liront probablement jamais ses enquêtes et n’obtiendront jamais justice, ou encore les pandilleros qui n’ont rien à espérer de sa part. Jusqu’où le journaliste peut-il aller : doit-il les aider ? Les faire parler les met-elles en danger ?

Óscar Martinez n’a pas peur de s’adresser directement au lecteur, parfois à l’impératif, « lisez ».  Le ton est très direct, brutal même, comme les vérités qu’il souhaite mettre en lumière. Ce livre permet une nécessaire mise en contexte sur la situation d’un des pays les plus violents du monde, et offre, si ce n’est des réponses, au moins quelques clés de compréhension de l’engrenage de la violence au Salvador au-delà des titres sensationnalistes. Óscar Martinez y a été honnête, après tout, c’est d’après-lui la meilleure qualité qu’un journaliste puisse avoir.

D’après le New-Yorker « Óscar Martinez mérite tous les éloges, non seulement pour son courage et les sujets qu’il aborde, mais aussi parce qu’il écrit merveilleusement bien ». Au long de sa carrière de journaliste, Óscar Martinez a remporté de nombreux prix, notamment le prix Fernando Benítez de journalisme, le Prix des droits de l’homme et le Prix international de la liberté de presse.

Marie BESSENAY

Los morts et le journaliste de Oscar Martínez traduit de l’espagnol (El Salvador) par René Solis, éd. Métailié, 240 p., 20 euros 50