Au Nicaragua, le régime de Daniel Ortega poursuit sa trajectoire dictatoriale

Deux Franco-nicaraguayennes ont récemment été condamnées à 8 ans de prison pour « trahison » et « conspiration ».  Cette décision de la justice nicaraguayenne réveille peu à peu l’intérêt international pour ce pays d’Amérique centrale qui est en proie à une forte répression de la part d’un régime de plus en plus autoritaire.

Photo : La Prensa

Leader de la révolution sandiniste en 1979, qui a renversé le dictateur en place Anastasio SomozaDaniel Ortega est revenu au pouvoir démocratiquement en 2006, après les élections perdues de 1990. Bien que, dans un premier temps, des politiques sociales aient réduit la pauvreté dans le pays, un tournant autoritaire a été pris à partir de 2018 avec la répression d’une manifestation contre une réforme des retraites qui a viré au bain de sang, faisant plus de 345 morts. Depuis, la situation s’enlise et s’empire. Il y aurait près de 245 prisonniers politiques. L’opposition est muselée et écartée des élections. Les ONG alertent sur les crimes contre l’humanité commis par le régime.[1]  De nombreux Nicaraguayens quittent le pays. Il s’agit d’une des nationalités les plus présentes parmi ceux qui demandent l’asile aux États-Unis, avec Cuba, le Vénézuela et Haïti.

Le 27 janvier, pour Le Figaro, l’ancien premier ministre français Manuel Valls alerte sur la situation et définit le régime Ortega comme totalitaire. Il porte un discours sans concession : « Aujourd’hui, le Nicaragua se meurt, exsangue, vidé de sa population, dont un cinquième a quitté le pays. Pour la seule année 2022, selon le Washington Post, au moins 328.443 personnes ont fui, affamées par la pauvreté et opprimées par un régime à l’origine d’une escroquerie politique et morale qui relève de la caricature : le pays, hypercapitaliste, n’a rien de socialiste. Il n’a même pas l’excuse d’un embargo américain pour justifier l’ineptie de son gouvernement. Il se proclame «chrétien» mais persécute l’Église catholique. […] Il est essentiel que la communauté internationale se mobilise pour le Nicaragua et ses 6,6 millions d’habitants, en exigeant la libération des prisonniers politiques, la fin des persécutions religieuses et en appuyant une transition démocratique. Et aucun État latino-américain ne peut cautionner un tel régime. Les gouvernements européens – notamment la France et l’Espagne – et le Haut représentant de l’UE doivent soutenir activement l’opposition en exil pour qu’une alternative crédible au pouvoir en place se présente et que le Nicaragua sorte enfin de son interminable cauchemar. »

Peu importent les raisons qui peuvent pousser Manuel Valls à s’exprimer sur le sujet, force est de constater que la situation est effectivement très grave, et fait – et doit faire – réagir. La France s’inquiète d’abord de la condamnation de ses ressortissantes, Jeannine Horvilleur Cuadra et sa fille Ana Álvarez Horvilleur, respectivement la femme et la fille de l’économiste nicaraguayen Javier Álvarez, leader de l’opposition à Daniel Ortega. [2] Le ministère des affaires étrangères, par le biais de sa porte-parole déplore « l’opacité » du procès et le fait que l’ambassadeur de France au Nicaragua n’ai pas eu le droit d’y assister.

Le Nicaragua est très isolé internationalement, mais a récemment conclu des accords sur le développement du nucléaire civil avec l’Iran et la Russie et publiquement soutenu les programmes de nucléaire militaire de Téhéran et la Corée du Nord. Un rapprochement peut-être non surprenant. mais néanmoins inquiétant, qui démontre sans doute que le Nicaragua continue sa route vers un autoritarisme de plus en plus fort.

Marie BESSENAY


[1] https://www.espaces-latinos.org/archives/97259

[2] https://www.espaces-latinos.org/archives/108338