Down to earth, ou du café au Costa Rica – Rencontre avec Matias Zeledon

C’est Matías Zeledon, costaricien d’un certain âge assis à la terrasse de sa boutique, qui nous accueille en souriant. Il est le gérant et propriétaire d’une petite exploitation de café à Tarrazu, dans la montagne, et s’apprête à nous partager les secrets de sa production. Petit tour d’horizon d’une initiative locale. 

Photo : Down to Earth

On ne se trompera pas beaucoup en affirmant que Matías Zeledon est un passionné. Ayant passé son enfance dans la finca familiale (les fermes latino-américaines, héritées du modèle colonial), il se tourne pourtant d’abord vers les métiers de la publicité et part étudier aux États-Unis. Ce n’est que vers la quarantaine que Matías se reconvertit dans la production de café, un rêve d’enfance, en réalité. Plus qu’un sentiment de patrimoine atavique à faire vivre, c’est celui d’un retour à sa place qui guide Matías. La boutique de Down to earth se situe au détour d’une petite route en marge de La Fortuna, au Nord du pays. La visite coûte 25$ et consiste en une explication pédagogique plutôt que logistique de la production de café, du choix des boutures à la dégustation.

Matías Zeledon cultive le Catuai rouge dans la montagne, à 2000 m d’altitude au Sud de San José. En effet, plus le caféier croît en altitude, de meilleure qualité il est. «Tarrazu», le nom du lieu, figure parmi les appellations contrôlées les plus prestigieuses. La zone bénéficie d’un microclimat qui favorise la lenteur du métabolisme de la plante. La germination du Robusta prend 6 à 8 semaines, après un an en bacs individuels puis 3 à 4 ans en pleine terre. Les fruits sont ensuite triés puis les fèves sèchent une bonne semaine sous effet de serre. L’entreprise produit environ 23 000 kilos de café par récolte, une quantité restreinte mais qui assure la qualité de la marchandise, d’après son propriétaire. Une production relativement faible donc pour une exploitation de petite ampleur. Un pari face aux industriels ?

Down to earth fait pourtant travailler 14 ouvriers, dont des émigrés panaméens qui, selon Matías, «travaillent très bien» et «sont payés environ 30 % de plus que le salaire moyen au Costa Rica et 40% de plus que dans la région de Tarrazu. Ils bénéficient aussi de congés payés et de primes, chose rare pour des ouvriers agricoles costariciens, malheureusement» soutient Matías. De plus, l’entreprise est ouverte au volontariat international. La totalité de la production est exportée et vendue directement aux clients de Down to earth, qui ne s’encombre pas de l’intermédiaire des grandes chaînes de distribution, même si, à ses débuts, Down to earth a vendu pendant 5 ans pas moins de 30% de ses récoltes à des torréfacteurs nord-américains qui recherchaient un café labellisé. À partir de 2019, l’entreprise de Matías Zeledon a fait le choix de distribuer elle-même sa production de café vert aux États-Unis. L’exportation se fera pour des sacs de 5, 10 ou 25 kg de café, et la base sera implantée à Miami pour pouvoir de là fournir de petits torréfacteurs par e-commerce s’ils le sollicitent.

Mais, outre la qualité du café, ce qui fait la force de la finca c’est aussi et surtout son état d’esprit. Bien que le café produit par Down to earth soit trop cher pour les Costariciens, l’initiative s’inscrit dans un projet durable. L’enveloppe de la graine de café est ainsi vendue pour être séchée puis brûlée comme combustible naturel. Cela représente certes un faible revenu, mais c’est une plus-value honorable quand il s’agit de recycler un produit considéré à l’origine comme un déchet. Tout est bon dans le café : l’enveloppe du fruit ainsi que la cerise permettent de produire du thé et de l’édulcorant pour café.

La réimplantation d’un savoir-faire et d’un soin à la plante, la minimisation des déchets permettent à Down to earth de bénéficier d’une image positive, dans le cadre d’un retour à la terre tout en assurant la traçabilité du produit. Déjà repéré par la télévision belge, Matías Zeledon profite d’une certaine notoriété alors qu’il n’exporte pas (ou du moins pas encore) son café en Europe. Un contrepoids idéologique à l’industrie donc, qui ajoute au moins 10% affichés de sucre dans chacun de ses paquets de café moulu, à un prix dérisoire.

Contrepoids réel ou pendant nécessaire ? S’il tient à cœur à Down to earth de tirer un maximum de profit du caféier en exploitant toutes les parties de la plante (de l’enveloppe à la graine), l’entreprise fournit aussi 3% de ses plus mauvais grains aux industriels locaux qui produisent de la poudre noire à bas prix et plus que médiocre, «pour améliorer la qualité du café industriel» d’après Matías Zeledon. Une bien maigre proportion pour offrir aux locaux des saveurs exceptionnelles. Leur assurer quelques grains parfumés, c’est en même temps les priver du reste. C’est à ce prix que vous buvez du café en Europe, dirait un Voltaire. À quand le café du Costa Rica aux Costariciens ?

Lou BOUHAMIDI
Depuis le Costa Rica