Appels d’Amnesty International sur les situations de violence au Venezuela et au Nicaragua

«Les autorités doivent cesser de réprimer pénalement et de tuer les jeunes vivant dans la pauvreté» au Venezuela, titre Amnesty International dans un communiqué de presse diffusé cette semaine, afin de dénoncer le recours à la force du gouvernement. L’ONG a également lancé une pétition appelant à libérer l’étudiante belgo-nicaraguayenne Amaya Eva Coppens accusée d’avoir été parmi les meneurs qui ont érigé des barricades et d’avoir incendié un bâtiment de l’université de León. Nous reproduisons ici ces appels.

Photo : Xinhua

L’État vénézuélien utilise la force meurtrière dans l’intention de tuer les personnes les plus vulnérables et les plus exclues socialement. Il viole ainsi leurs droits et les traite comme des criminels en raison des conditions dans lesquelles elles vivent, alors qu’il devrait mettre en œuvre des politiques de lutte contre la criminalité basées sur la prévention et conformes aux normes internationales relatives aux droits humains, a déclaré Amnesty International dans un rapport publié le 20 septembre.

«Le gouvernement du président Nicolas Maduro devrait garantir le droit à la vie, au lieu de prendre la vie de jeunes Vénézuéliens. Les jeunes qui vivent dans la pauvreté devraient tous avoir les mêmes possibilités que les autres en ce qui concerne leur avenir, et ils ne devraient pas vivre dans la crainte d’être considérés par la police et l’armée comme des ennemis à éradiquer», a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

Le rapport intitulé This is no way to live: Public security and the right to life in Venezuela souligne la responsabilité de l’État vénézuélien en ce qui concerne des violations du droit à la vie et à l’intégrité physique de milliers de personnes. L’État ne garantit pas la vie et la sécurité de la population alors que l’insécurité a atteint un niveau très inquiétant, et il applique en outre des mesures répressives en utilisant des méthodes militaires, prétendument pour combattre la criminalité. En conséquence, plus de 8 200 exécutions extrajudiciaires ont été recensées entre 2015 et juin 2017.

L’an dernier, au moins 95 % des victimes d’homicides – homicides commis par des criminels et par les forces de sécurité – ont été de jeunes hommes âgés de 12 à 44 ans qui vivaient dans les zones les plus pauvres du pays. Près de 90 % des homicides recensés ont été commis au moyen d’une arme à feu dans des zones urbaines ou rurales présentant un niveau élevé d’activités illicites, par exemple des activités minières illégales.

En 2016, le Venezuela a enregistré le taux d’homicides le plus élevé de son histoire, plus de 21 700 personnes ayant perdu la vie en raison de l’insécurité régnant dans le pays. Dans la mesure où pour chaque personne tuée dans le contexte de violences par armes à feu on dénombre en moyenne trois ou quatre survivants, Amnesty International estime qu’entre 65 000 et 87 000 personnes ont été victimes de violences cette année-là. Des chiffres non officiels indiquent que le Venezuela se plaçait en 2017 au quatrième rang des pays les plus violents au niveau mondial, avec un taux d’homicides de 89 pour 100 000 personnes.

Amnesty International note que malgré la mise en œuvre d’au moins 17 plans pour la sécurité au cours des 17 dernières années, l’État n’a pas respecté ses obligations concernant la prévention de la violence armée et de ses conséquences. L’État n’a en outre pas respecté son obligation d’enquêter sur les violations des droits humains, d’en sanctionner les responsables et de fournir une réparation aux victimes. Bien au contraire, les autorités ont publiquement déclaré que le fait de tuer des personnes dans le cadre d’opérations de sécurité est une pratique efficace, alors que cela constitue une évidente régression par rapport aux garanties relatives aux droits humains et va à l’encontre de la législation sur les méthodes policières.

Le Venezuela traverse depuis plusieurs années une grave crise des droits humains. Amnesty International a régulièrement attiré l’attention sur de graves violations des droits à la santé et à la nourriture, sur la pratique persistante d’arrestations motivées par des considérations politiques, de la torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, et sur le recours à des tribunaux militaires pour juger des civils, entre autres violations des droits civils et politiques.

L’augmentation considérable du nombre de personnes s’enfuyant dans d’autres pays, principalement des pays du continent américain, représente l’un des effets les plus notables de ces violations massives des droits humains et de l’absence de sécurité publique. Selon l’ONU, 2,3 millions de personnes ont fui le Venezuela depuis 2014.

«Le Venezuela traverse actuellement l’une des pires crises des droits humains de son histoire. La liste des crimes de droit international commis contre la population ne cesse de croître. Il est très inquiétant de constater qu’au lieu d’appliquer des politiques publiques efficaces de protection de la population et de lutte contre l’insécurité, les autorités vénézuéliennes utilisent un langage guerrier pour tenter de légitimer l’utilisation d’une force excessive de la part de la police et de l’armée et, dans de nombreux cas, l’utilisation de la force meurtrière avec l’intention de tuer», a déclaré Erika Guevara-Rosas.

«Le gouvernement doit de toute urgence lancer un programme national visant à réduire le nombre d’homicides, et mettre en œuvre une stratégie en matière de maintien de l’ordre incluant des lignes directrices sur la proportionnalité et le caractère différencié du recours à la force et aux armes à feu qui soient pleinement conformes aux normes internationales relatives aux droits humains.»

Amnesty International demande aux autorités vénézuéliennes de mettre en œuvre une politique de sécurité publique garantissant le respect du droit à un procès conforme aux normes d’équité, en supprimant notamment les lenteurs procédurales et les autres dysfonctionnements qui minent le système pénal vénézuélien. Les autorités doivent combattre l’impunité qui prévaut dans les affaires de violations des droits humains et d’homicides, et veiller à ce que les proches des victimes obtiennent une réparation équitable, notamment une indemnité appropriée, un soutien psychologique et des garanties de non-répétition.

Amnesty International
Service de presse

Amnesty réclame également la libération de l’étudiante belgo-nicaraguayenne Amaya Eva Coppens

L’ONG Amnesty International a réclamé mercredi la libération de l’étudiante belgo-nicaraguayenne Amaya Eva Coppens, incarcérée depuis le 10 septembre dernier à León (nord-ouest du Nicaragua) après des actions de protestation contre le régime de Daniel Ortega.

Photo : Amaya Eva Coppens/Amnesty International

«Il est évident que les autorités du Nicaragua font tout pour bâillonner les opinions divergentes. Les protestations contre le régime sont réprimées violemment, avec des centaines de morts depuis avril. Des personnes courageuses comme Amaya, qui élèvent leur voix contre cette répression démesurée, sont poursuivies et enfermées», souligne Wies De Graeve, directeur d’Amnesty International Vlaanderen. Amaya Coppens, 23 ans, est accusée d’avoir été parmi les meneurs qui ont érigé des barricades et d’avoir incendié un bâtiment de l’université de León, où elle est étudiante en 5e année de médecine. Une pétition a été ouverte sur le site d’Amnesty