« Les amandiers en fleur » par l’écrivain chilien Mauricio Segura aux éditions Boréal (Canada)

L’écrivain revoit Laura, une amie d’enfance, l’une des organisatrices du colloque, qu’il appelle depuis toujours sa « petite sœur ». On la sent distante, elle n’a pas digéré un portrait qu’il a écrit sur Monica, sa mère, une révolutionnaire assassinée pendant les années de la dictature, devenue une figure mythique de la gauche. Après le colloque, au milieu des manifestations, ils se promènent dans les rues de Santiago, tentent de comprendre les bouleversements que traverse le pays, se rappellent leur passé commun, se disent leurs quatre vérités.

Ce roman présente deux récits qui alternent. Le premier met en scène la conversation entre le narrateur et Laura. Cette dernière y rappelle notamment l’enquête qu’elle a menée pour faire la lumière sur la disparition de sa mère pendant la dictature. Quand Monica, la mère de Laura est partie se joindre à la lutte armée à la suite du coup d’État de 1973, ce sont, entre autres, les parents du narrateur qui se sont occupés de la jeune Laura. Ce récit met en lumière les façons dont une dictature détermine cruellement des vies, même des décennies après s’être terminée.

Le deuxième récit est narré par la Chimenea, une amie de Monica, qui raconte les jours qu’elle a passé en compagnie d’Albert Camus : elle a été son interprète pendant son séjour au Chili. Cette rencontre a été déterminante pour elle. Ce récit met l’accent sur le rôle joué par les femmes dans les luttes sociales et sur les répétitions inattendues de l’Histoire, car, pendant le séjour de Camus à Santiago, une révolte sociale s’est produite, la « Revolución de la chaucha », déclenchée elle aussi par une hausse du prix du ticket de bus.


Ce roman – qui mêle récit autobiographique, méditation sur des faits historiques, récit fictif et spéculatif – se demande ce que peut la littérature face au rouleau compresseur de l’Histoire. Que dit la fiction sur ce qu’occulte le récit historique officiel ? Quel statut accorder à la fiction, quand on sait que la dictature chilienne a abondamment fabulé pour camoufler ses assassinats ?

Né à Temuco au Chili en 1969, Mauricio Segura est arrivé à l’âge de cinq ans à Montréal. Après des études en sciences économiques et en études françaises à l’Université de Montréal, il a reçu son doctorat en langue et littérature françaises de l’Université McGill en 2002. Mauricio Segura a enseigné à l’université et a animé des ateliers de création littéraire à la Médiathèque de Nantes. Depuis 2013, il fait partie du comité de rédaction de la revue L’Inconvénient. Romancier, enseignant et journaliste, il fait paraître, au Boréal, Côte-des-Nègres (1998), Bouche-à-bouche (2003) et Eucalyptus (2010). Depuis une dizaine d’années, il œuvre dans le milieu de la télévision à titre scénariste.