Janette Habel en faveur de l’ouverture économique et des changements sociaux

Le samedi 2 juin dernier, le gouvernement cubain s’est lancé dans un processus de réforme constitutionnelle dirigé par l’ex-chef de l’État cubain, Raúl Castro ; réforme qui vise à intégrer à la Constitution actuelle les changements sociaux et l’ouverture économique récente de l’île socialiste.

Photo : Janette Habel/Archives Espaces Latinos

Cette réforme a pour but de légaliser et d’adapter l’actuelle Constitution cubaine ― qui date de 1976 ― aux changements économiques et sociaux vécus par le pays au cours des dix dernières années. La commission, composée de 33 représentants de divers secteurs sociaux, sera chargée de rédiger la nouvelle version de la Carta Magna, une version censée prendre en compte «l’évolution progressive des conditions économiques et sociales», comme l’a expliqué Miguel Díaz-Canel, l’actuel chef de l’État cubain, qui a succédé à Raúl Castro au mois d’avril dernier.

Janette Habel, politologue spécialiste de Cuba, analyse les changements pris en compte par la réforme constitutionnelle, en insistant notamment sur la nécessité pour Cuba de modifier sa définition de propriété, et les enjeux que suppose une telle mesure : «On reconnaît la propriété de l’État. Mais là, maintenant, il faut reconnaître des formes de propriété privée coopérative, et surtout les PME. Ce qu’on appelle à Cuba les « cuenta propia » des travailleurs indépendants, qui sont parfois de véritables PME. Ces formes de propriétés doivent être reconnues dans la Constitution.» Mais la question de la propriété privée et la reconnaissance de celle-ci suscite le débat au sein de la société cubaine ; aux détenteurs de petites et moyennes propriétés, qui se prononcent bien évidemment en faveur de ce projet, s’opposent les travailleurs du secteur public, secteur de l’État, dont le niveau de vie est en général bien plus modeste. Janette Habel estime que «la société cubaine est actuellement très divisée entre les secteurs qui prospèrent, et les autres». Elle rappelle qu’il y a notamment «une série de cadres, de dirigeants, qui, pour des raisons plus idéologiques sont également contre».

D’autre part, il est temps pour le pays de s’ouvrir au reste du monde et d’instaurer, dans un système jusque-là largement étatisé, une part d’économie de marché, en attirant davantage d’investissements étrangers : «La Constitution ne correspond plus tout à fait aux modifications, aux changements qui sont intervenus dans la société», analyse la spécialiste de Cuba, Janette Habel. «D’une part, les changements économiques, puis les réformes sociétales, que ce soit la citoyenneté, le mariage homosexuel et quelques réformes qui concernent la limitation à deux mandats de cinq ans des dirigeants, et d’autre part la limite d’âge maintenant pour l’exercice de ces mandats qui en principe devraient être de 60 ans, peut-être 65, et qui devrait être aussi inscrite dans l’actualisation du texte. […] Des questions sensibles, intéressantes», insiste la politologue, qui pense que «Miguel Díaz-Canel a pour objectif de consolider sa propre légitimité grâce à un tel débat politique et social à Cuba».

Cependant, si l’évolution économique et sociale semble lancée, le système politique établi par les protagonistes de la Révolution de 1959 restera quant à lui, stable, comme l’a expliqué Miguel Díaz-Canel, qui a souligné que la future Constitution aura «comme piliers inébranlables l’irrévocabilité du système socialiste adopté souverainement par [le] peuple [cubain]». La nouvelle Constitution prévoira cependant la limitation des mandats du président et du vice-président à deux quinquennats, une limite d’âge pour exercer certaines charges ou encore la professionnalisation du travail du Parlement cubain.

Léa JAILLARD
D’après RFI Les voies du monde