Festival de films colombiens à Paris

L’association le Chien qui aboie / El Perro que ladra a présenté à Paris sa deuxième édition du « Panorama du film colombien » au cinéma La Clef. C’est une association fondée en 2009 dédiée à la promotion du cinéma d’Amérique latine et composée d’une équipe de jeunes cinéastes, cinéphiles et professionnels. Cette année le festival s’est déroulé aussi à Barcelone et Londres.

La sélection a regroupé les films de jeunes réalisateurs colombiens qui montrent et racontent à travers leur longs métrages de fiction ou documentaire et courts métrages, “la complexité d’un pays” comme le dit la réalisatrice Patricia Ayala. Ces films n’ont pour l’instant pas de distributeurs en France et ont permis ainsi de les faire connaître au public et d’échanger avec toute une nouvelle génération de réalisateurs.

Le long métrage primé par le public, Hecho en Villapaz de María Isabel Ospina a été tourné dans le Valle del Cauca. C’est le portrait d’un homme incroyable, un maçon et autodidacte qui en cinq ans a réalisé plus de 22 films, mélodrames et films d’horreur, en commençant avec un téléphone portable et en faisant participer les gens de sa communauté dans les rues de son  village. Tous se passionnent pour cette aventure “On sent qu’on existe dans le monde maintenant !” À travers les films de Victor, on voit  la pauvreté, le travail précaire, le travail de la canne à sucre, l’influence de l’église Pentecôtiste, certains mythes de la communauté, la violence.

Un autre portrait original avec le documentaire Don Ca, de Patricia Ayala. Camilo Arroyo, un blanc  est venu vivre à Guapi, sur la côte pacifique colombienne il y a plus de trente ans et est devenu une sorte d’éducateur de ces jeunes au milieu de la violence des groupes armés qui petit à petit s’infiltre dans le village (plusieurs prix dont le premio Macondo 2013). Portrait aussi mais de fiction d’un patriarche dur et violent du Boyacá (inspiré par le grand-père du réalisateur Rubén Mendoza) Tierra en la lengua  meilleur film du festival de Cartagena. Étrange rituel de mort d’un homme qui demande à deux de ses petits-enfants de le tuer, étant très malade, pour qu’ils puissent hériter de ses terres. Communautés indiennes dans La eterna noche de las doce lunas de Priscila Padilla sur la communauté Wayuu de la Guajira ou dans la Trocha de Lionel Rossini sur un voyage en mémoire de leurs ancêtres de l’ethnie Uitoto sur un génocide au début du XXe.

Certains de ces films sont en effet  un voyage dans la reconstruction de la mémoire comme le documentaire Tacacho de Felipe Monroy dans lequel des paysans réfugiés reconstituent les faits de la violence à partir de mises en scène de leur propre  histoire. Résistance face à la violence de ces femmes de cultures autochtones  Sabedoras de muchas lunas de Angela Rubiano, Paola Figueroa et Raquel González. Ou exorciser la violence dans le documentaire Requiem NN  de Juan Manuel Echavarría, rituels des habitants face aux corps repêchés dans le fleuve Magdalena.

Le Festival s’est terminé avec une fiction pleine d’espoir, Mateo de María Gamboa. Tourné à Barrancabermeja ce film, inspiré par des expériences réelles, raconté avec passion et sincérité, a déjà obtenu le Prix spécial du jury à Cartagena et le prix du meilleur premier film et meilleur scénario à Miami. Mateo travaille pour son oncle, un mafioso local qui lui demande d’intégrer un groupe de théâtre pour espionner  ses membres et en particulier le jeune prêtre qui les dirige. Mateo va obéir au début, dénoncer même l’un d’entre eux qui va devoir quitter la ville comme ces millions de déplacés dans le conflit colombien. Mais il va découvrir un monde nouveau pour lui, participer aux cours d’expression corporelle, sur la confiance collective du groupe. Il va comprendre qu’il lui faut quitter la voie du crime et de la  violence “j’ai voulu faire un film sur la dignité humaine et montrer comment l’art peut empêcher des jeunes d’entrer dans le conflit armé” a déclaré María Gamboa.

Chantal GUILLET