À Nîmes, l’exposition « Chili 50 ans, images d’une transformation sociale » à la Galerie Negpos Fotoloft du 7 septembre au 24 novembre 2023  

Dans le cadre des expositions commémorant la disparition de Salvador Allende le 11 septembre 1973, l’Association Negpos, implantée à Nîmes depuis 1997, a organisé plusieurs manifestations à Nîmes, Arles et Avignon. L’exposition « Chili 50 ans, images d’une transformation sociale », en cours jusqu’au 24 novembre est visible dans les locaux de Negpos, situés dans le Némausus, bâtiment singulier conçu par l’architecte Jean Nouvel à Nîmes 

Photo : Negpos

C’est en compagnie de Patrice Loubon, commissaire de cette exposition -aux côtés d’Alexis Diaz Belmar– que nous avons eu la chance de découvrir cette exposition qui se concentre sur les mouvements sociaux nés à l’automne 2019 suite à l’augmentation du prix du ticket de métro, décision ayant suscité un immense tollé auprès notamment de la jeunesse chilienne. Elle a été le point de départ d’un mouvement social de grande ampleur au cours duquel la population a occupé la rue pour en faire le théâtre de ses revendications et y écrire son histoire contemporaine, à la vue et au su du monde entier. 

Ce sont ces images-là que les sept artistes chiliens exposés dans le Némausus nous transmettent ; des images de la rue, comme celles de la documentariste et photographe Nicole Kramm Caifal qui met en lumière les mouvements de foule tout en insistant sur les visages de ces anonymes, celles de Celeste Rojas Mugica qui se focalise sur la rue et notamment sur la place Baquedano et sa statue, place rebaptisée Plaza de la Dignidad. On découvre également les photos des performances mises en scène par Cheril Linett, où des femmes-juments s’alignent et s’exhibent de façon transgressive et provocante dans la rue. Des captures de messages postés sur les réseaux sociaux par l’artiste visuelle Rocío Hormazábal Vallecillo montrent la modernité de ce mouvement et la dimension internationale des revendications des jeunes chiliens.  

Dans cette exposition se déploient des images de rue donc, mais également des œuvres visuelles éphémères telles les projections dans des espaces publics comme celle réalisée par le studio Delight Lab qui projeta pendant la nuit du 20 octobre 2019 le mot ‘Dignidad’ sur la Torre de la Teléfonica de Santiago de Chile. Nous avons pu visionner et écouter la chanson chorégraphiée du collectif LasTesis El violador eres tú (Le violeur c’est toi), dont le texte est également proposé en version française, chanson qui est devenue un véritable hymne international se dressant contre une culture patriarcale. Cette chanson a en effet été traduite en plusieurs langues et cette performance a franchi les frontières nationales pour être reprise dans de nombreuses villes, telles que Paris, New York, Istanbul, Mexico, Madrid, Bogotá ou encore Bruxelles.  

Alexis Diaz Belmar, également commissaire de cette exposition, a réalisé des photos panoramiques des murs de Santiago mettant ainsi en lumière les traces et empreintes laissées par ces mouvements sociaux dans un espace public. Photos, illustrations graphiques, slogans, mots ou encore objets rendent hommage aux victimes de ces manifestations qui ont été durement réprimées par la police. Le visage de Camilo Catrillanca, jeune Mapuche tué par les « carabineros » apparaît sur plusieurs photos qui honorent sa mémoire et le préservent de l’oubli.  Ainsi, le spectateur observe combien les luttes et les combats s’entremêlent : les femmes manifestent contre le patriarcat en se bandant les yeux de noir, pour rappeler et dénoncer les violences policières qui ont accompagné ces manifestations, où l’on a pu recenser notamment plus de 500 victimes oculaires, dont l’étudiant Gustavo Gatica qui a perdu la vue suite à une manifestation devenant un cas emblématique des violations des droits de l’homme survenues au Chili pendant cette période de soulèvement social durement réprimé par l’armée et la police. 

Cette exposition est une invitation à connaître les Chiliens d’aujourd’hui, leurs préoccupations et les visages de cette nouvelle génération qui a osé se dresser contre un modèle en place. La réflexion autour de la Rue comme lieu d’expression sociale mais aussi comme support d’expression artistique fondamental revêt un intérêt tout particulier qui pourrait assurément donner lieu à une exposition de plus grande envergure. 

L’association va recevoir ces prochaines semaines des lycéens qui découvriront les clichés de cette transformation sociale toujours en cours au Chili, ce qui sera probablement une découverte étonnante notamment, car ils verront et se reconnaîtront peut-être dans cette jeunesse transgressive, engagée et militante, profondément moderne dont il est temps d’entendre la voix.  N’hésitez pas à monter à bord du Némausus pour découvrir les regards que ces artistes chiliens portent sur l’histoire de leur pays, une histoire qui est en train de s’écrire. Ces clichés sont forts, violents parfois, mais surtout authentiques et nous touchent en plein cœur.