La sixième édition de l’Atlas de l’Amérique latine édité par Autrement vient de paraître

L’Amérique latine est le continent des contrastes. Riche d’une histoire mouvementée et composée d’une multitude d’identités, l’Amérique latine fait face aujourd’hui à des nombreux défis. L’Atlas que vient de publier Autrement brosse le portrait social, économique et politique actuel de la région. Nous vous en proposons ici l’introduction. 

La naissance hasardeuse de l’Amérique latine 

Le continent américain doit son nom à une série de hasards et d’approximations. La déformation du prénom d’un modeste navigateur florentin est à l’origine de la « grande comédie des méprises » du début du XVIe siècle, selon l’élégante expression de Stefan Zweig (Amerigo, 1941), qui aboutit à dépouiller Christophe Colomb des mérites d’avoir accosté le premier un monde qu’il confondit avec les Indes. Évoquant en 1503 dans ses de voyages vers un Nouveau Monde (mundus novus) et les Indes, Americus Vespucius (Amerigo Vespucci) apparaît rapidement aux yeux de ses contemporains comme un découvreur. Et lorsqu’un éditeur de Saint-Dié publie en 1507 une Introduction à la cosmographie, où est suggéré que le nouveau monde s’appelle « America puisque c’est America qui a découvert », les cartographes, astronomes et érudits, puis le grand public, contribuent au baptême collectif du continent. 

L’expression « Amérique latine », pour sa part, a été inventée en 1856 par un Chilien et un Colombien vivant à Paris et fréquentant les milieux politiques attachés à la dimension « latine » (français, espagnol et italien) de leur combat pour la république. L’expression est reprise à peine quelques années plus tard sous le Second Empire, et sert l’ambition stratégique de Napoléon Ill qui souhaite aider les nations latines d’Amérique et positionner la France contre l’Espagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Sa conquête du Mexique avec l’empire de Maximilien (1863-1867) est l’éphémère concrétisation de ce rêve.  

Les errements des voyageurs du XVIe siècle et les stratégies concurrentes des puissances européennes trois siècles plus tard ne relèvent pas de la simple anecdote. Elles illustrent le mode de formation historique du continent. À partir de la « rencontre entre deux mondes », empreinte de violence destructive et spoliatrice, le destin de l’Amérique latine s’est souvent joué depuis l’extérieur. 

Cet atlas donne à voir les contrastes à travers l’histoire, la géographie, les ressources, la démographie, le développement, la dimension culturelle et politique, ainsi que les rapports de l’Amérique latine avec le monde. Le XXIe siècle s’est ouvert en Amérique latine dans un climat d’optimisme. Le continent se caractérisait par une communauté de valeurs et de pratiques démocratiques. La croissance économique accompagnée de politiques redistributives a engendré des progrès sociaux sans précédent. Après une décennie euphorique, l’Amérique latine a pourtant de nouveau basculé dans une période de crise et de polarisation politique qui assombrit son avenir. 

L’Atlas de l’Amérique latine revient aux origines historiques et géographiques d’un mode de développement inégal et excluant qui a engendré de profondes disparités sociales. Il s’attache aussi à mettre en lumière les expressions culturelles et religieuses qui ont accompagné les trajectoires historiques des pays et modèlent aujourd’hui leur identité. L’Amérique latine est depuis ses origines le continent des contrastes. Aux degrés élevés de frustration sociale ne répondent que peu de mouvements sociaux d’envergure ; aux taux de violence élevés, peu de guerres. Le modernisme architectural reconnu côtoie un habitat précaire, la compétitivité de l’agrobusiness est aux antipodes de la détresse des paysans sans terre, le métissage culturel et le racisme sont présents. Des styles politiques traditionnels (clientélisme, populisme, enclaves autoritaires) et des pratiques de démocratie participative innovantes cohabitent. Au premier abord, les rencontres entre archaïsme et modernité peuvent surprendre, voire déstabiliser. Comprendre l’Amérique latine contemporaine, c’est pourtant accepter de l’appréhender dans sa pluralité, son dynamisme, sa complexité.  

Les auteurs 

Olivier Dabène est professeur de sciences politiques à l’Institut d’Études Politiques de Paris (Sciences Po) et chercheur au Centre de recherches internationales (CERI, FNSP). Ses travaux portent sur l’état de la démocratie et l’intégration régionale en Amérique latine. Il a publié de nombreux ouvrages sur l’Amérique latine, parmi lesquels récemment : La gauche en Amérique latine, 1998-2012 (Presses de Sciences, 2012), Atlas de l’Amérique latine (3e édition, 2019), L’Amérique latine à l’époque contemporaine (9e édition, 2020), et Los efectos de los procesos participativos en la acción pública (Teseo 2019). Son dernier ouvrage, intitulé Street art and democracy in Latin America  paraîtra en octobre 2019 chez Palgrave.

Fréderic Louault est professeur de science politique à l’université libre de Bruxelles, directeur du Centre d’Étude de la vie politique (Cevipol, ULB) et codirecteur du Centre d’étude des Amériques (AmericaS, ULB). Titulaire d’un doctorat en science politique de l’IEP de Paris, il est vice-président de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Cara.bes (Opalc, Sciences Po).

Aurélie Boissière. Cartographe – Géographe-indépendante, elle collabore régulièrement à Courrier international et à la collection Atlas des éditions Autrement. www.boiteacartes.fr

L’édition

Autrement est une maison d’édition généraliste qui publie des essais et documents, des romans français et étrangers et des atlas. La maison appartient au groupe Madrigall. Le nom d’Autrement n’a pas été choisi par hasard : il signe tout à la fois une ambition intellectuelle, une volonté de regarder le monde sous un angle neuf et une tradition de créativité éditoriale et visuelle qui ont fait la renommée de la maison. Autrement a été fondée en 1975 par Henry Dougier, qui a lancé sous ce nom une revue d’anthropologie sociale particulièrement audacieuse et novatrice. Plusieurs collections ont été développées par la suite, d’abord en sciences humaines, puis en littérature et en ouvrages pour la jeunesse, et la structure est devenue une maison d’édition à part entière, nourrie par cette ambition jamais démentie : être un laboratoire d’idées, un lieu de rencontres entre les disciplines, un éditeur attentif aux tendances et ouvert sur le monde contemporain. Autrement se singularise aujourd’hui par la coexistence de trois types d’ouvrages dont les approches se conjuguent pour éclairer notre rapport au monde. 

Autrement éditions

Atlas de l’Amérique latine – Polarisation politique et crises (Sixième édition) par Olivier Dabène et Frédéric Louault au éditions Autrement, 96 pages. 24 euros