L’amant de Janis Joplin Élmer Mendoza, ou l’union détonante du narco et de la littérature

Qu’est-ce qui relie le Sinaloa, Los Angeles et Janis Joplin et qui fait l’actualité de cette rentrée littéraire ? Réponse : L’amant de Janis Joplin, dernier livre d’Élmer Mendoza à paraître en français dans la traduction de François Gaudry.

Photo : Editions Métailié

Vis-à-vis de la « narco littérature », l’écrivain colombien Élmer Mendoza est un parrain. Il y a pris sa place à travers L’épreuve de l’acide, traduit et publié en français en 2014 aux éditions Métailié, mais dès 1999, il publiait Un asesino solitario, roman par lequel il s’est fait connaître au Mexique et ailleurs. On pourrait rapprocher la narco littérature du roman noir et du genre policier où excellent nombre d’auteurs des deux côtés de la frontière étatsunienne. Seulement, il manquerait cette saveur propre à l’argot des narcos, que Mendoza transcrit si bien, lui qui est issu du Triangle d’or de la marijuana, le Sinaloa.  En voici un exemple dans une traduction de l’espagnol exprimant crûment les choses : « Écoute, cousin, je pense que tu ne peux pas liquider les assassins de mon oncle, ils sont tous armés jusqu’aux dents et le plus sûr c’est qu’ils vont te trouer la peau. » (page 105).

Revenons en arrière : le cousin à qui s’adresse ici le Chato, c’est David Valenzuela, au cœur de cette histoire. Le Chato est le cousin chez qui David va se réfugier après avoir descendu Rogelio Castro, le narco à qui était « réservée » Carlota Amalia, avec qui il a eu le malheur de danser au bal de Chacala. C’est le point de départ de règlements de compte à n’en plus finir. Chacala est un village montagnard difficile d’accès, sauf en avionnette, moyennant une poignée suffisante de pesos. Mais c’est à Culiacán que le roman se déroule en majorité, là où réside l’auteur lui-même. C’est le fief de la culture narco, du culte à Jesús Malverde et des narcorridos. Toutefois, la petite musique du roman est celle de Janis Joplin, qui va faire perdre la tête de David, au propre comme au figuré. Le lecteur se trouve ainsi entre deux feux, à la frontière entre la sierra et Culiacán, les corridos et Janis Joplin, les narcos et les guerrilleros…

Los Angeles et son Sunset Boulevard font rêver tout le monde, mais sur le passage de David et de son cousin se trouve le terrible inspecteur Mascareño ainsi que les frères Castro qui veulent se venger de la mort de Rogelio. Mascareño est l’incarnation même du policier « ripou » qui ne recule devant aucune forme de corruption, tandis que le Chato et sa sœur María Fernanda militent pour la justice. Mais c’est peine perdue : le roman ne leur laisse aucune issue, pas plus qu’à David et à sa voix intérieure qui semble bien malicieuse et mauvaise conseillère. La voix intérieure est une belle trouvaille romanesque, mais le scénario semble prémédité : seuls les plus pourris s’en tirent dans la narco littérature. En conclusion, le roman met le doigt sur un climat de défiance généralisée qui traduit avec justesse la situation réelle. 

Victorien ATTENOT

L’amant de Janis Joplin par Elmer Mendoza, traduit de l’espagnol (Colombie) livre tel par François Gaudry aux éd. Métailié, 240 p., 19,80 euros.

Élmer Mendoza est né à Culiacán en 1949. Il est professeur à l’Université de Sinaloa. Auteur de pièces de théâtre et de nombreux romans, il est le premier écrivain à utiliser avec succès l’effet de la culture du narcotrafic au Mexique.