Bande dessinée : le dessinateur et illustrateur argentin Juan Giménez est mort le 3 avril dernier, victime du coronavirus

Bien connu des amateurs de science-fiction, Juan Giménez l’est surtout pour la série La caste des Méta-Barons (8 tomes et un hors-série parus entre 1992 et 2004, aux éditions Glénat) réalisée avec l’artiste franco-chilien Alejandro Jodorowsky. Arrivé en Europe en 1970, alors que la bande dessinée connait de grands changements avec des magazines comme Pilote ou Métal Hurlant, il se fait vite une place aux yeux des lecteurs auprès de grands noms du genre tels Bilal, Caza, Druillet, Mézières ou encore Mœbius. Après des années passées sur la Costa Brava, travaillant dans le neuvième art, l’illustration, l’animation et même le jeu vidéo, il s’est éteint dans sa ville natale à l’âge de soixante-seize ans, emporté par l’épidémie planétaire du Covid-19.

Photo : El Comercio

Né le 26 novembre 1943 à Mendoza, Juan Antonio Giménez López a commencé à dessiner très jeune, en autodidacte, influencé par les dessins animés de super-héros puis par les lectures d’Arturo Del Castillo, Alberto Breccia, Alex Toth ou Milton Caniff. Après une formation technique en mécanique de précision et dessin industriel en Argentine, puis artistique aux Beaux-Arts de Barcelone, il décide rapidement de faire de la bande dessinée son métier, touché par une nouvelle vague de magazines comme Pilote ou Métal Hurlant et admiratif du travail de Mœbius. Assistant du dessinateur Victor Hugo Arias pour des histoires en petits formats, puis une collaboration plus suivie avec les éditeurs argentins Colomba et Record, il décide en 1970, comme beaucoup d’Argentins désireux de fuir le régime militaire, d’aller tenter sa chance en Europe, accompagné de son compatriote et scénariste Ricardo Barreiro. C’est avec ce dernier qu’il publie L’Étoile noire, en 1980, aux éditions Humanoïdes Associés ; premier succès en français, où il montre tous ses talents de dessinateur hyperréaliste et de grand coloriste, lui qui avait cette particularité de faire ses mises en couleur directement sur les planches, à même le papier.

L’année suivante, il collabore avec Mœbius au film d’animation Heavy Metal, en y réalisant une séquence complète (du story-board à la mise en scène). Déjà plébiscité, d’abord en Espagne, pour son travail dans les revues 1984 et Comix (Gaudi du meilleur dessinateur à la Feria internacional del Comics de Barcelone en 1990), ainsi qu’en Italie (Prix Yellow-Kid du meilleur dessinateur étranger) la consécration n’arrive qu’après sa rencontre avec Alejandro Jodorowsky qui fait appel à lui pour une nouvelle série. Avec La caste des Méta-Barons, Juan Giménez s’engage alors sur un grand projet, avec un scénariste, pour une seule maison d’édition (Glénat). Huit tomes paraissent entre 1992 et 2004 et une exposition y est consacrée en 1997 au Centre Pompidou à Paris. Après ce travail de longue haleine avec « le grand shaman du neuvième Art », il reprend la suite du Quatrième Pouvoir, série commencée en 1989 et laissée de côté. Très demandé, il travaille en parallèle sur des couvertures de romans, des affiches, des pochettes de disques ainsi qu’à la réalisation de story-boards pour des jeux vidéo. L’intégrale de sa dernière série, Segments, débutée en 2011, est parue l’année dernière. Considéré comme le maître du space-opéra en bande dessinée, il a fait l’objet d’une rétrospective à la Galerie Maghen de Paris, l’année dernière. 

Fabrice BONNEFOY