Réaction populaire et indignation face à l’assassinat de l’activiste brésilienne Marielle Franco

Le Brésil pleure la mort de Marielle Franco, 38 ans. Mercredi 14 mars, Marielle sort d’un événement à Rio de Janeiro. Vers 21 h 30, elle rentre en voiture, accompagnée de son attachée de presse et de son chauffeur. Une autre voiture s’approche et des inconnus ouvrent le feu, le chauffeur et l’activiste, assise à l’arrière de la voiture, reçoivent plusieurs balles qui mettent fin à leurs jours.

Photo : Carta Capital.com

Suite à cet assassinat, des manifestations spontanées ont eu lieu un peu partout au Brésil et à l’étranger. À Maré, la favela où elle est née, quelque 3 000 personnes se sont également réunies pour montrer leur mécontentement. Mais qui était Marielle Franco ? Certaines personnes deviennent populaires après leur mort. C’est le cas de Marielle. Une femme née dans une favela, Noire, lesbienne, mère célibataire… Il est facile d’imaginer que sa situation n’était pas vraiment évidente pour elle. Cependant, elle s’est largement battue contre toutes ces « circonstances adverses » sans jamais cacher ses origines. Diplômée en sociologie, elle développe en outre une belle carrière : d’abord comme activiste puis comme politique. Elle est militante pour les droits de l’homme, contre le racisme, pour les droits des LGBT et engagée contre les violences policières dans les favelas. En 2016, elle est élue conseillère municipale par le parti de gauche PSOL.

Même si l’enquête est encore loin d’être achevée, certains indices sont particulièrement troublants. Les balles retrouvées sur la scène du crime correspondent à celles utilisées par la police. Selon Globo Televisión, elles font partie des munitions volées quelques années plus tôt. Le motif de cet acte criminel reste officiellement inconnu. En revanche, il est évident pour certains que cet assassinat est clairement lié à son activité politique, par exemple à sa présence dans la commission sur les abus militaires dans les quartiers pauvres. Jose López Feijoó, de la chaîne télévision TVT, dénonce qu’il ne s’agit pas de la première victime parmi les activistes et que ceux qui ont été tués à cause de leur activité sont déjà trop nombreux . Il est persuadé que Marielle s’était fait des ennemis après avoir dénoncé les procédés de la police au sein des favelas de Rio de Janeiro. Pour lui, ces crimes sont la conséquence du « coup d’État » qu’a connu le Brésil depuis la destitution de Dilma Rousseff.

Depuis ce changement, le gouvernement a en effet fait appel à l’armée dans les rues du pays. Selon le gouvernement, c’est simplement pour lutter contre la criminalité. Pourtant, beaucoup sont persuadés que cette manœuvre ne sert qu’à affaiblir la démocratie. Selon le journaliste de TVT, il s’agit d’une situation où la politique du gouvernement a pris la place du Parlement. Cela a servi pour attaquer les droits sociaux et politiques au nom de la sécurité et du contrôle budgétaire, ainsi que pour attaquer également les réformes entamées par le dernier gouvernement.

Toute cette stratégie de recul des droits économiques et sociaux ainsi que de la liberté est liée au discours de la haine, de la peur — discours qui a gardé sa place pour un certain public au Brésil récemment. Selon ce récit, les actions du gouvernement, y compris la présence de l’armée dans les villes, ont bien valu la peine pour garantir la sécurité et la stabilité du pays. Ce discours puissant a favorisé l’apparition de personnages comme le candidat aux présidentielles pour le parti d’extrême droite, PSL, Jair Bolsonaro. Au cœur de son discours, des paroles montrant du doigt ceux qu’il accuse des malaises de la société : les Noirs, les membres du collectif LGBT (dont Jean Wyllys, membre du PSOL, le parti de l’activiste assassinée). Il semble que l’assassinat de Marielle ait modéré temporairement ce discours. Les élections présidentielles auront lieu cette année et l’assassinat de l’activiste Marielle Franco a pris sa juste place pendant ces derniers jours. La réaction populaire contre ce crime paraît alors être à l’origine du silence de Bolsonaro. Selon Glauco Peres, dans le journal CartaCapital.com, cela serait dû au fait qu’il refuse de contrarier les partisans les plus modérés, et ainsi éviter qu’ils abandonnent leur soutien pour le PSL.

Avant l’assassinat de Marielle, l’agenda de l’actualité politique était occupé par la condamnation de Lula. Déjà condamné pour corruption, le candidat aux élections présidentielles d’octobre attend la décision de la justice (concernant la peine de douze ans de prison). Cette décision du tribunal de deuxième instance sur sa demande d’appel doit être rendue à partir du 26 mars. Même si nombreux sont ceux qui doutent de la justice brésilienne, une décision défavorable pourrait donner vie à un autre martyr politique très prochainement. Entre-temps, le candidat fait campagne dans le sud du pays pendant dix jours. Une caravane de campagne s’est trouvée menacée par des milices fascistes selon la présidente du Parti des travailleurs (PT), Greisi Hoffmann. C’est toujours dans ce contexte de violence et d’instabilité que se développe cette course pour la présidence. Une course qui, ces derniers jours, a connu une nouvelle étape avec l’assassinat de Marielle, et qui va connaître bientôt la décision de la justice par rapport à Lula. La suite des événements sera déterminante pour la vie politique du pays.

Mario PÉREZ MORALES