Visite d’État du président Mauricio Macri à Paris. Discours du président Emmanuel Macron à l’Élysée le 26 janvier dernier

Après Moscou et Davos, le président argentin Mauricio Macri s’est rendu en France vendredi dernier pour tenter d’attirer des investisseurs. À cette occasion, il a rencontré Emmanuel Macron. Nous reproduisons ici la déclaration du président de la République française prononcée lors de la conférence de presse commune avec le président Mauricio Macri.

Photo : Palais de l’Élysée

« Mesdames et Messieurs, Messieurs les Ministres, Messieurs,

Je voudrais tout d’abord remercier le Président MACRI de sa visite à Paris. Je veux lui redire tout le plaisir de l’accueillir en France depuis hier avec une série de visites, l’échange bilatéral, puis élargi que nous avons eu et, dans quelques instants, nous irons dîner de manière amicale avec nos épouses. Cette rencontre est importante à plus d’un titre. D’abord, au titre de la complicité si particulière que les peuples français et argentins entretiennent à travers l’Histoire et au titre également d’une vision du monde, qu’avec le Président MACRI, nous partageons. Je crois pouvoir dire que nous sommes à un moment aujourd’hui de la relation bilatérale, où à la fois l’agenda de réformes que nous portons pour nos pays et les défis que nos deux régions vivent en commun, celle de l’ouverture au monde et l’organisation d’un monde fait de plus en plus de conflits, rendent absolument indispensable notre dialogue. Cette vision, c’est d’abord un commun attachement au multilatéralisme, que nous voulons défendre ensemble. Comme vous le savez, le G20 est présidé par l’Argentine depuis le 1er décembre 2017 et je sais que le Président aura ainsi l’honneur d’organiser le 10ème Sommet au niveau des chefs d’Etat cette année, nous en avons longuement parlé, je pense qu’il reviendra lui-même sur l’agenda que l’Argentine veut développer dans ce cadre.

Je veux ici dire que la France sera pleinement aux côtés de l’Argentine pour faire réussir cet agenda. Il y a beaucoup de défis, sur le plan de l’évolution technologique, de l’instabilité financière, je l’ai évoqué, il y a quelques jours à Davos, je souhaite que l’agenda porté par l’Argentine cette année au G20 soit à la hauteur de ces derniers. Je sais que c’est l’ambition du Président MACRI et la France sera pleinement à ses côtés pour que cela soit une réussite. L’Argentine a également organisé, fin novembre, la réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce. Enfin, sous l’impulsion du Président MACRI, l’Argentine a présenté sa candidature à l’OCDE et la France a été et restera le premier soutien de cette démarche, je veux ici le redire clairement. L’ensemble de ces initiatives montre combien la volonté est forte de l’Argentine de participer à ce multilatéralisme en actes, et je crois que nous nous retrouvons pleinement dans cette ambition.

Nous aurons dans les prochains mois sur le climat, la lutte contre le terrorisme la régulation du numérique, l’éducation, la lutte contre la corruption ou la sécurité alimentaire à travailler ensemble et vous aurez tout notre soutien. S’agissant du climat, qui est au coeur de ce multilatéralisme que nous voulons promouvoir, je remercie à ce titre le Président MACRI pour l’engagement de l’Argentine dans la négociation et le succès de la COP21. Pour que nous ne perdions pas la bataille du changement climatique, je souhaite vraiment que votre Présidence puisse poursuivre et accroître encore cette mobilisation collective.

Parlant de cette vision commune du monde et du rôle que nous pouvons jouer ensemble pour sa régulation, la meilleure inscription de l’Argentine dans l’ensemble de ces forums, il est évident que nous avons aussi parlé de la relation commerciale qui est aujourd’hui en discussion entre l’Union européenne et le Mercosur. Sur ce point, il ne nous appartient pas, à nous, aujourd’hui, de décider ou de trancher des débats qui sont négociés par d’autres. Mais nous avons échangé des vues, je crois, claires et franches sur ce sujet. D’abord, pour partager une vision commune, c’est que le cadre de cet accord et la volonté porté par cet accord, qui depuis des décennies maintenant est sur la table, est pertinent et doit être soutenu parce qu’il peut nous permettre d’aller vers une approche mutuellement bénéfique.

Parce qu’il y a aujourd’hui une opportunité dans le contexte international, en rapprochant nos deux espaces géographiques, culturels et de valeurs, que sont le Mercosur et l’Union européenne. C’est dans ce cadre que nous souhaitons travailler. J’ai exprimé très clairement – mais le Président MACRI connaît parfaitement le sujet – les préoccupations de la France et les points sur lesquels nous avons évidemment beaucoup pesé dans l’accord, en particulier sur les sujets agricoles et plus particulièrement celui de la viande, parce qu’il y a des intérêts français à défendre sur ce sujet, une vraie sensibilité que j’ai toujours entendue et sur laquelle j’ai expliqué les choses.

Je suis persuadé, compte tenu d’ailleurs des malentendus que nous avons pu lever dans la discussion, que nos négociateurs auront à coeur de prendre en compte nos contraintes réciproques et trouver la voie technique qui permettra une bonne conclusion. Je crois que les choses sont en tout cas claires entre nous. Il y a une volonté stratégique de faire. Il y a des points importants, d’ailleurs, nous les avons de part et d’autre, et il y en a un pour la France qui est la défense de sa filière en particulier bovine. Je suis sûr que nos négociateurs sauront oeuvrer dans ce cadre. En tout cas, c’est mon souhait. Nous avons plus largement parlé de la nécessaire intensification de nos relations commerciales sur le plan bilatéral. Elles sont déjà denses, elles créent de l’emploi. Mais nous devons et nous pouvons encore mieux faire.

Le Président s’est rendu à Station F aujourd’hui. Il a vu ce qui est le plus grand incubateur de start-up d’Europe. Dans ce domaine, comme dans celui des transports, de l’énergie, de l’agroalimentaire et de beaucoup d’autres, il y a des opportunités réelles de développer de nouvelles relations d’affaires, d’accroître nos échanges. C’est, je crois vraiment, ce qui est notre souhait mutuel. Nous avons à cet égard discuté de plusieurs avancées. En matière commerciale également, nous nous sommes félicité de l’accord signé par nos deux ministres de la Défense pour la vente de cinq Super Etendard modernisés et de leurs équipements aux forces armées argentines. Un grand nombre de priorités internationales que nous partageons, qu’il s’agisse de l’adaptation aux changements climatiques, du développement des villes durables, sont au coeur du travail de l’Agence française de développement. Celle-ci a ouvert un bureau en Argentine en septembre 2017 et ses activités sont appelées à se développer dans les prochaines années. C’est le souhait du Président et nous en avons, là aussi, longuement parlé.

Qu’il s’agisse de l’agenda mondial, des discussions régionales ou de cet agenda économique bilatéral, notre souhait est véritablement d’avancer ensemble. Mais la relation particulière bilatérale ne s’arrête pas là. Il y a aussi les liens scientifiques, éducatifs, techniques, culturels et linguistiques que nous souhaitons développer. Beaucoup d’entre eux lient déjà la France et l’Argentine et représentent une dimension majeure de la relation entre nos deux pays. Compte tenu de leur importance, nous avons ensemble décidé de créer un Dialogue France Argentine 2018-2019, afin de développer davantage de projets innovants qui sont portés par nos deux pays et, sur tous ces sujets, d’aller encore plus loin.

Je souhaite en particulier que la francophonie puisse prendre un nouveau dynamisme et l’Argentine en est un partenaire important. Je remercie le Président, y compris pour ses choix les plus intimes en la matière, pour ce qui concerne certains de ses enfants. Cet engagement pour la Francophonie est une preuve vivante de la force de la relation. Je sais que d’ailleurs une partie du Gouvernement argentin a fait les mêmes choix et je souhaite que nous puissions, de manière très concrète, continuer à développer ce lien qui est fait de femmes et d’hommes et qui est extrêmement important ! Nous avons également longuement évoqué, avec le Président, la situation des droits de l’Homme dans le monde et bien évidemment la situation au Venezuela. Actant, l’un et l’autre, de la dégradation de cette situation et de la dérive autoritaire et inacceptable qui se poursuit par le régime actuel. Évidemment, au niveau européen, nous coordonnerons pour apporter la réponse adéquate.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je souhaitais, en quelques mots, récapituler des échanges que nous venons d’avoir, avant les échanges amicaux que nous allons avoir. Nos deux pays ont une histoire qui est faite de beaucoup d’échanges, alimentée par nos littératures, nos enthousiasmes culturels, parfois sportifs, puisque vous irez aussi demain assister à un match de football, sport qui vous est cher, qui nous est cher également. La vitalité de ces liens, je crois que nous pouvons aujourd’hui lui donner un tour nouveau. Si nous savons ensemble apporter un regard commun, fondé sur ces valeurs sur à la fois la mondialisation et la relation entre nos deux régions, si nous savons intensifier ce que l’histoire nous a donnés, je sais que le coeur du travail que vous menez aujourd’hui dans votre pays est bien celui-là, de rouvrir un pays plein de potentialités, de le réformer en profondeur pour lui donner toutes ses chances et d’en faire un pays qui tient tout son rôle dans le concert des Nations. Pour toutes ces raisons, je veux ici vous redire l’engagement de la France à vos côtés dans cet agenda international. En tout cas, cher Président, merci d’être en France et soyez à nouveau le bienvenu. »

D’après le pôle presse de l’Élysée