Le rapport PISA et les révélations de l’Unicef : un traumatisme pour l’Amérique latine

Le rapport du Programme international pour l’évaluation des étudiants, connu comme le « Rapport Pisa », géré par l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques), et réalisé tous les trois ans, étudie le niveau des étudiants de 72 pays. Il est devenu un véritable traumatisme pour de nombreuses nations, en particulier les États latino-américains. Et l’Unicef, à l’occasion de son 70e anniversaire, a fait des révélations graves sur la pauvreté infantile en Amérique latine.

Photo : Film « La Valse des inutiles » d’Edisón Cajas (Chili)

Le rapport Pisa 2015.  Il vient d’être révélé, et ne fait pas exception. Le Mexique par exemple reste dernier, comme il y a 15 ans, bien qu’il soit supérieur à la Colombie, au Brésil, au Pérou et au Costa Rica en mathématiques.

Pour ce qui concerne le Pérou, le Pisa a également été « dévastateur » ces dernières années, mais quelques bons résultats dans le niveau éducatif commencent à apparaître. Auparavant le Pérou était le dernier des 65 nations évaluées. Il est aujourd’hui 66e  sur 72, avec une amélioration dans le domaine de la lecture, des mathématiques et des sciences . L’amélioration des résultats du Pérou, bien que minime, apporte quand même beaucoup d’espoir. Selon le ministre de l’Éducation, Jaime Saavedra, c’est le pays qui a le plus progressé en Amérique latine. À présent, le Pérou se compare au Brésil et s’approche de la Colombie, bien qu’il soit toujours loin du Chili et de l’Uruguay, les plus performants du continent.

Mais tout ce qui brille n’est pas d’or. Une étude sur l’Amérique latine, faite après le Pisa, a montré que l’écart entre les étudiants de niveau socio-économique plus élevé et plus bas a augmenté. Ce qui signifie que les riches continuent d’avoir la meilleure éducation et les pauvres et les très pauvres la pire qui soit.

Quant à l’Uruguay, l’étude estime que 58 % des jeunes Uruguayens n’ont pas les connaissances basiques. Au rythme de l’amélioration actuelle, l’Uruguay ne pourra jamais atteindre la moyenne dans les épreuves Pisa . Cette information provient d’un rapport de la Banque interaméricaine de développement (BID), qui affirme qu’atteindre cet objectif est « impossible » pour le pays. L’étude ajoute que depuis 2003, la première année où l’Uruguay a participé à l’évaluation internationale, le score moyen de rendement des élèves uruguayens « n’a progressé dans aucune des trois matières » qu’évalue PISA (sciences,  lecture et mathématiques). De fait, depuis cette année, l’Uruguay reste au niveau 2 du seuil des compétences requises. La moyenne de l’OCDE est de 500 points. En 2015, l’Uruguay a obtenu 435 points en sciences, 447 points en lecture et 418 points en mathématiques. Les pays les meilleurs, comme par exemple Singapour et le Japon, obtiennent en sciences, 556 et 538 respectivement. La conclusion de l’étude de la BID est déjà significative, mais elle l’est encore plus si l’on tient compte du fait qu’après l’édition 2012 du Pisa, l’Unicef prévoyait qu’il faudrait au moins 20 ans à l’Uruguay pour atteindre la moyenne de l’OCDE. Trois ans plus tard, cette possibilité paraît « inaccessible ». Ce que l’on peut reconnaître de positif à l’Uruguay, c’est qu’il a intégré 10 % de jeunes en plus dans le système éducatif.

Le rapport de la BID alerte aussi sur le fait que la moitié des jeunes latino-américains de 15 ans, scolarisés et qui se soumettent au Pisa, se situent en dessous du niveau de performance, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas les compétences requises pour vivre au XXIe siècle. L’écart avec les pays de l’OCDE ou avec ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats au Pisa 2015 est notoire. L’Uruguay investit 4,5 % du PIB dans l’éducation, et les pays de l’OCDE, 6%. La BID a par ailleurs complété son étude en incluant les jeunes de 15 ans qui sont hors du système éducatif et n’ont donc pas participé au Pisa. Dans ce cas, le pourcentage des jeunes Latino-Américains qui n’ont pas les compétences basiques grimpe de 50 % à 66 %. Au final, la BID estime qu’il y a environ 31  000 jeunes de 15 ans qui ne possèdent pas les compétences de base pour vivre dans une société moderne en Uruguay. En Amérique latine, leur nombre est estimé à près de cinq millions et demi. C’est au Chili qu’il y a le moins de jeunes sans compétences, et en République dominicaine qu’il y en a le plus (dans le cas des sciences, 48 % et 90 % respectivement).

L’Unicef .    Ce 11 décembre, à l’occasion de son 70e anniversaire, elle a qualifié d’inacceptable que 70 millions d’enfants – 4 sur 10 – soient en situation de pauvreté en Amérique latine et dans les Caraïbes, et que 28,3 millions d’entre eux soient en situation d’extrême pauvreté. En précisant que ces enfants appartenaient essentiellement aux populations indigènes et d’ascendance africaine, vivant en zone rurale et péri-urbaine. « Non seulement ces chiffres sont inacceptables éthiquement, mais ils témoignent d’une violation des droits humains de milliers d’enfants, droits détaillés dans la Convention des droits des enfants, ratifiée par tous les pays du continent » a déclaré la directrice de l’Unicef pour l’Amérique latine et les Caraïbes, María Cristina Perceval.

L’Unicef a cependant reconnu que, dans les deux dernières décennies, l’Amérique latine et les Caraïbes avaient amélioré leur croissance économique, avec un impact direct sur les conditions sociales et le bien-être des enfants. À l’heure actuelle, la mortalité des enfants de moins de cinq ans a diminué de 64 %, et 8 enfants sur 10 ont accès à l’école maternelle. Et dans tous les pays, on note une sensible augmentation de l’accès à l’école primaire. « Cependant », a ajouté Perceval dans une déclaration publique, « s’il existe des différences dans et entre les pays, la pauvreté infantile reste un scandale de discrimination, d’humiliation et d’exclusion pour bien plus que la moitié des enfants ».

L’Unicef, dont le siège régional se situe à Panama, a lancé un appel à tous les gouvernements, au secteur privé et aux communautés pour « qu’ils s’unissent contre la pauvreté des enfants, et que les progrès économiques puissent leur bénéficier. Nous pouvons et nous devons transformer ce modèle de développement non durable, avec sa concentration de la richesse, pour avancer de façon responsable et solidaire vers un développement durable, (…) qui aura pour but l’intérêt des enfants, et une société plus juste, libre et égalitaire »  a-t-elle déclaré. Pour son anniversaire, l’Unicef a publié une vidéo sur son compte Youtube avec un appel à la prise de mesures concrètes pour atteindre l’objectif n°1 d’ici 2030, à savoir aller vers le développement durable et éradiquer la pauvreté.

Catherine TRAULLE