Près de deux millions de Vénézuéliens signent pour le départ de Nicolás Maduro

Un million huit cent cinquante mille signatures ont été récoltées entre le lundi 2 et le mardi 3 mai 2016 par la Table pour l’unité démocratique (MUD), le parti centriste d’opposition au Venezuela, en faveur d’une consultation démocratique sur le maintien au pouvoir de l’actuel chef de l’État, Nicolás Maduro. Lancée en décembre dernier, cette procédure pourrait déboucher sur la destitution du successeur de Hugo Chávez. Mais le gouvernement dénonce déjà des fraudes parmi les signatures.

L’heure était à la réjouissance ce mardi 2 mai pour l’Opposition, après avoir récolté près de deux millions de signatures contre Nicolás Maduro. “Un record mondial”, selon Henrique Capriles, candidat du MUD et opposant numéro un à l’actuel président aux dernières présidentielles de 2013. Il fallait en effet, pour le parti de l’Opposition représentant la majorité parlementaire, rassembler 1 % des personnes inscrites sur les listes électorales (soit un peu moins de 200 000 personnes) en trente jours. L’opération est un succès puisque le nombre de signataires a explosé en dépassant de plus de dix fois le minimum requis.

Le ras-le-bol des Vénézuéliens

Cette franche opposition à Nicolás Maduro se joue sur fond de crise économique, d’inflation galopante et de situation quotidienne critique. D’ici à fin 2016, et suite à une année 2015 particulièrement difficile, le PIB du pays devrait chuter à – 8 % selon la Banque centrale et l’inflation grimper à 700 % selon le Fond Monétaire international. Cette situation a des effets conséquents sur la qualité de vie et la santé de la population, sans parler de la pauvreté qui augmente et qui entrave fortement la sécurité dans le pays.

En janvier dernier, Nicolás Maduro, contraint d’opérer un resserrement de politique budgétaire, a décrété l’État d’urgence et fait adopter plusieurs mesures : l’augmentation du prix de l’essence et la dévaluation de 37 % de sa monnaie, le bolivar, lorsqu’il est destiné à l’importation de biens de première nécessité. Le 25 avril dernier, alors la crise économique et énergétique frappe toujours de plein fouet le pays, le président Maduro annonce des coupures de courant d’au moins quatre heures par jour dans une grande partie du territoire. Le lendemain, il décrète que les fonctionnaires ne travailleront que les lundi et mardi. Le 1er mai, enfin, le pays a avancé ses aiguilles de trente minutes afin de profiter plus longtemps de la lumière du jour. Ces mesures ont été adoptées alors que le pays n’a plus les ressources nécessaires pour importer son énergie depuis l’effondrement de son économie.

Excédés par ces pénuries et harassés par autant de sacrifices, une partie des Vénézuéliens veulent aujourd’hui sortir du gouvernement Maduro. En décembre dernier, les élections législatives ont porté l’opposition au pouvoir, mettant ainsi fin au mouvement de gauche fondé par l’ancien président Hugo Chávez, dont Nicolás Maduro est l’héritier.

Des accusations de fraude

Après avoir récolté les deux millions de signatures, la coalition de la Table pour l’unité démocratique les a déposées en début de semaine dernière au Conseil national électoral (CNE) qui est chargé de les valider, seuil nécessaire pour franchir la première étape menant au référendum révocatoire. Lundi 9 mai, le gouvernement vénézuélien a cependant déjà dénoncé des fraudes parmi les signatures recueillies par l’Opposition. Jorge Rodríguez, le coordinateur de la commission nommée par le gouvernement pour vérifier l’authenticité des signatures, a affirmé que plus de 11 % des formulaires qui ont servi à recueillir les signatures sont incomplets. “Il y a des signatures sans empreinte digitale, des noms sans pièce d’identité et, une nouvelle fois, des morts qui signent”, a-t-il précisé, en soupçonnant l’Opposition d’avoir commis des fraudes.

L’opposition souhaite organiser ce référendum avant le dix janvier 2017, qui aurait été la date d’anniversaire des quatre ans de mandat de Chávez, Maduro étant censé compléter ce mandat de six ans. Après cette date, si le référendum a lieu et se couronne de succès, c’est le vice-président, Aristobulo Isturiz, du même parti que Maduro, qui sera son successeur. Mais aujourd’hui, le gouvernement a donc tout intérêt à ralentir la procédure. Ce que Maduro a déjà initié en sollicitant auprès de la Constitution l’autorisation de suspendre “des événements de caractère électoral” en situation d’urgence économique, ce que l’opposition a aussitôt contesté. Sans parler des ralentissements de procédure probables dus au fonctionnement à demi-régime de l’administration vénézuélienne et aux coupures d’électricité qui rendent compliqué l’enregistrement des signatures sur les machines biométriques.

Face à cette procédure lancée par l’opposition, Nicolás Maduro s’est plaint d’être “l’être humain le plus attaqué au Venezuela”. Notons que l’héritier de Chávez garde un pouvoir important, en contrôlant le gouvernement et la plupart des institutions. Le référendum révocatoire n’a été utilisé qu’une seule fois dans l’histoire du Venezuela, contre Hugo Chávez en 2004, qui s’était soldé par un échec et de lourdes revendications.

Mara KOLB

Photo (CC) : Jeso Carneiro