« Ya no estoy aquí », un film autour de l’émigration mexicaine rythmé par la cumbia

Le réalisateur et scénariste mexicain Fernando Frías livre une interprétation émouvante du déracinement provoqué par la migration du Mexique vers les États-Unis dans son film Ya no estoy aquí (Je ne suis plus là). Sorti en 2019, puis mis en avant sur Netflix, en 2020, le long-métrage pourrait remporter l’Oscar du Meilleur Film international lors de la cérémonie d’avril 2021.

Photo : Netflix

Originaire de la ville de Monterrey, au nord-est du Mexique, Ulises est un jeune passionné de Kolombia, une sous-culture aux airs de cumbia lente, inspirée par la diaspora colombienne. Fier membre du gang des Terkos, le jeune homme se retrouve contraint de partir pour New York, après avoir été témoin d’une tuerie dans son quartier. S’ensuivent alors de nombreuses aventures, tout autant positives que négatives, qui donnent l’impression de comprendre les enjeux intimes de son départ. La quotidienneté des scènes portées sur ce jeune homme fait ressentir au spectateur l’ampleur de sa solitude après un tel changement brutal. Loin de romancer le parcours difficile des migrants mexicains aux États-Unis, en les érigeant en tant que héros self-made, Fernando Frías met plutôt en évidence l’impact mental de l’exil et la singularité du parcours du personnage d’Ulises.

En utilisant la culture musicale urbaine comme fil conducteur, des quartiers pauvres de Monterrey jusqu’à New York, le réalisateur parvient tout de même à lier celle-ci à un contexte socio-politique fondamental : celui de la guerre contre le narcotrafic, amorcée par le président mexicain Felipe Calderón, en 2006. Bien que l’actuel président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, ait déclaré en 2019 que cette guerre était terminée, l’œuvre de Fernando Frías rappelle la pertinence et l’actualité d’un tel sujet, ravivées notamment par l’indignation internationale face aux conditions de détention des migrants mexicains et centraméricains arrivés sur le sol états-unien durant la présidence de Donald Trump.

L’intérêt de ce genre de production cinématographique – qui n’est ni misérabiliste, ni idéaliste – est de permettre de plonger à l’intérieur de la vie du protagoniste, et donc d’humaniser un processus migratoire entamé par des milliers de personnes. Ya no estoy aquí invite à la réflexion sur les raisons et les conséquences individuelles de la migration, qui continuent de faire débat. Dans son sens le plus large, le concept de migration est également abordé sous un angle culturel par le réalisateur, à travers la représentation de l’influence colombienne au Mexique, ainsi que de l’influence mexicaine aux États-Unis.

Aux côtés de deux autres films latino-américains – La Llorona (Guatemala) et The Mole Agent (Chili) –, Ya no estoy aquí a été sélectionné parmi une liste de 15 meilleurs films internationaux pour l’année 2021. En attendant les résultats des Oscars, il est possible de juger par soi-même de la qualité du film, sur Netflix, où il est disponible en version originale espagnole – pour les personnes maîtrisant l’argot de Monterrey – mais également sous-titré en français, si besoin.

Victoria GALLION