L’accord entre l’Union européenne et le Mercosur tombe-t-il à l’eau ?

Alors qu’Angela Merkel revient sur ses positions et semble maintenant récalcitrante à l’idée d’une intégration plus importante entre l’Union européenne et le Mercosur, il semblerait que l’accord signé en juin dernier tombe à l’eau, la leader européenne ne le soutenant désormais plus.

Photo : La Tribune

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur a été signé le 28 juin 2019 après vingt ans déjà de négociations. Il a pour but de promouvoir les relations, d’abord commerciales entre ces deux continents, visant à éliminer 90 % des droits de douanes. Très controversé, l’accord a suscité de multiples mécontentements. Nombreux furent ceux qui le rejetèrent, à l’image des paysans français qui ne voulaient pas voir les produits agricoles latino-américains venir concurrencer les leurs ou encore des pays du Mercosur qui exigeaient que les pays de l’UE stoppent leurs subventions à leurs paysans, ce qui avait gelé les négociations entre 2006 et 2010. Les dirigeants des nations européennes et latino-américaines étaient tous en juin 2019, à quelques exceptions près, enthousiastes à l’idée d’un nouveau processus d’intégration avec ce continent qui regorge de richesses (agricoles notamment). Angela Merkel en faisait partie.

Peut-être est-ce l’arrivée de l’ultra-conservateur Jair Bolsonaro au pouvoir au Brésil qui a freiné la chancelière allemande et d’autres encore, en témoignent les vives critiques de la part du président français Emmanuel Macron en août 2019 envers son homologue brésilien qui ne prenait quasi aucune mesure pour stopper les gigantesques feux de forêts qui ont ravagé une bonne partie de l’Amazonie l’été dernier. C’est au tour de Mme Merkel de pointer ce problème du doigt, faisant un pas en arrière par rapport à ce qui lui aurait donné accès au marché de la 6e puissance économique mondiale, bientôt 5e peut-être.

En outre, même si Jair Bolsonaro voit dans cet accord un moyen de légitimer sa présidence à l’international, le nouveau président de l’Argentine Alberto Fernández ne s’est pas déclaré favorable à celui-ci. L’intégration est donc en panne à cause des hésitations des deux côtés.

Pourtant, le nouvel engouement pour l’accord en 2019 ne sortait pas de nulle part. L’Union européenne se doit de se presser si elle veut avoir un accès avantageux aux matières premières et produits agroalimentaires des pays du Mercosur étant donné que la Chine a déjà un pied dans la région, prévoyant de faire passer une partie des Nouvelles routes de la Soie en Amérique latine.

Cet accord serait de plus bénéfique pour les puissances agricoles que sont le Brésil surtout et l’Argentine dans un deuxième temps qui verraient de nouveaux marchés s’ouvrirent à leurs exportations. Ces pays latino-américains en profiteraient pour avoir davantage de poids sur la scène internationale dans laquelle ils occupent pour le moment peu de place, ce qui est surtout le cas pour l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. En effet, cet ensemble UE-Mercosur représente 20 % du PIB mondial, ce qui est non négligeable pour un Brésil en quête d’une 5e place dans le classement des puissances économiques mondiales et pour l’Argentine qui cherche à sortir de la crise. Les pays du Mercosur auraient alors l’occasion de développer leurs économies afin d’aller satisfaire les marchés européens qui s’ouvriront à eux.

Le Brésil est aujourd’hui le 3e exportateur mondial de denrées alimentaires derrière l’Europe et les États-Unis. La viande bovine notamment, exportée par les pays du Mercosur, poserait problème aux éleveurs français qui ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis d’une viande bon marché en provenance de l’Amérique latine et qui viendrait concurrencer déloyalement la leur. Le Brésil et l’Argentine sont en effet les deux premiers pays exportateurs de viande bovine au monde. Or, malgré les réticences d’Emmanuel Macron pour insérer les produits agricoles dans l’accord de libre-échange, il est prévu que 81 % des produits agricoles du Mercosur entrent en Europe sans taxes douanières. Le continent européen serait alors « inondé », ce que tonnent les critiques.

À l’heure où les mouvements écologistes, en Europe surtout, et les mouvements indigènes prennent de l’importance dans la lutte mondiale contre la déforestation, cet accord semble en totale opposition avec les demandes de ces mouvements : le libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur exigerait que les quatre pays latino-américains développent leurs industries agroalimentaires, exploitent toujours plus de terres, et détruisent toujours plus l’Amazonie et la biodiversité. C’est d’ailleurs au lendemain d’une rencontre avec les responsables du mouvement Fridays for Future, dont fait partie la jeune Greta Thunberg, que Mme Merkel a émis ses « inquiétudes », et ses « doutes » vis-à-vis du projet d’intégration entre ces deux zones. Projet qui pourrait cependant être porteur d’espoir pour le commerce international dans un monde où les États-Unis se referment, imposant des taxes douanières énormes aux Européens par exemple, et où la Chine crée ses alliances un peu partout, ne laissant pas d’espace pour de quelconques concurrents.

Il ne manque aujourd’hui plus que la signature de chaque parlement national des 28 pays membres de l’UE sans exception, ce qui semble de nouveau compromis : en plus de M. Macron et de Mme Merkel, la Belgique, la Pologne et d’autres sont désormais sans enthousiasme. Du côté sud-américain, Jair Bolsonaro avait exprimé son opinion selon laquelle, si le Mercosur rejetait l’accord, chaque pays était en droit de former des traités bilatéraux avec l’UE. L’accord serait donc remis de nouveau dans les cartons…

Julie DUCOS