« La Cordillère des Songes » le dernier documentaire de Patricio Guzmán en salle ce mercredi 30 octobre

« Au Chili, quand le soleil se lève, il a dû gravir des collines, des parois, des sommets avant d’atteindre la dernière pierre des Andes. Dans mon pays, la cordillère est partout mais pour les Chiliens, c’est une terre inconnue. Après être allé au nord pour Nostalgie de la lumière et au sud pour Le Bouton de nacre, j’ai voulu filmer de près cette immense colonne vertébrale pour en dévoiler les mystères, révélateurs puissants de l’histoire passée et récente du Chili. » Patricio Guzmán.

« En février 2015, mon documentaire Le Bouton de nacre a été présenté à Berlin où il a remporté l’Ours d’argent. Quelques mois plus tard, je l’ai présenté au Chili dans le cadre du FIDOCS (le festival de documentaires que j’ai créé il y a vingt-deux ans à Santiago). L’accueil qui a été fait au film m’a grandement surpris. J’avais préparé une longue liste d’arguments pour le défendre. J’étais habitué à ce que mes documentaires suscitent la polémique car ils se réfèrent au coup d’État de Pinochet. Or, le grand public ne veut pas qu’on lui parle des disparus de la dictature, de ses morts, des prisonniers politiques, des personnes torturées. Mais je n’ai pas eu besoin de justifier le propos du film. Les gens se sont montrés plus intéressés et plus ouverts que jamais. Puis Le Bouton de nacre est resté très longtemps à l’affiche à Santiago et il a attiré des milliers de spectateurs.

Peu de temps après, le ministère de l’Éducation du Chili a même acquis des copies de mes autres films pour les présenter dans les universités, les lycées et les collèges [1]. Mon pays que je croyais « sans mémoire » commençait à se pencher sur son passé. Il sortait de son amnésie, dépoussiérant les textes qui relatent son histoire. Je me suis aussi rendu compte que la nouvelle génération s’intéressait beaucoup plus qu’avant au sort des prisonniers, des fusillés, des exilés.

La répression qui a duré plusieurs décennies serait-elle devenue un sujet d’actualité ? C’est très nouveau pour moi et cela fait évoluer ma relation avec ma terre natale, que j’explore dans mon travail depuis plus de quarante ans. De fait, la manière dont j’envisageais mon film La Cordillère des songes – qui, après Nostalgie de la lumière et Le Bouton de nacre, sera le dernier volet de cette trilogie que j’ai commencée il y a dix ans – s’est elle-même transformée. Le sens du film a pris corps. Il est bien sûr toujours question de la confrontation des hommes, du cosmos et de la nature. Mais cette gigantesque chaîne de montagnes, qui est au cœur de mon sujet, est pour moi devenue la métaphore de l’immuable, de ce qui nous reste et nous habite, quand on croit avoir tout perdu. Plonger dans la cordillère me fait plonger dans mes souvenirs. Scrutant ses sommets escarpés, m’enfonçant dans ses vallées profondes, j’entame un voyage introspectif qui, peut-être, me révèlera en partie les secrets de mon âme chilienne.

Service de presse de Pyramide Films

[1] Chili, la mémoire obstinée (1997), Le Cas Pinochet (2001), Salvador Allende (2004), Nostalgie de la lumière (2010) et Le Bouton de nacre (2015).

Après des études à l’Ecole Officielle de l’Art Cinématographique à Madrid de 1966 à 1969, Patricio Guzmán produit et réalise La Bataille du Chili avec la contribution de Chris Marker. Cette trilogie de cinq heures sur la période finale du gouvernement de Salvador Allende remporte six grands prix en Europe et en Amérique latine. Exilé à Paris et très attaché à l’histoire de son pays d’origine, il réalise plusieurs documentaires sur les bouleversements majeurs que connaît le Chili en cette fin de XXe siècle : Au nom de Dieu sur la lutte de l’Eglise catholique pour la défense des droits de l’homme au Chili, Chili : la mémoire obstinée (1997) sur la mémoire historique de son pays, Le Cas Pinochet (2001) sur l’arrestation du célèbre dictateur chilien, ou encore Salvador Allende (2004), forme d’hommage rendu à un homme qui a profondément marqué la vie de Patricio Guzmán.