G20 en Argentine : un sommet axé sur le climat et le commerce mondial

Les vingt poids lourds de la politique internationale se sont réunis à Buenos Aires, vendredi 30 novembre et samedi 1er décembre, au moment où l’économie globale s’essouffle, la récession frappe le moral des Argentins, et une guerre commerciale risque d’envenimer les relations sino-étasuniennes déjà tendues.

Photo : Major-Prepa

Plusieurs problèmes étaient en jeu à Buenos Aires, allant des tensions politiques à la concurrence économique, en passant par le conflit entre l’Ukraine et la Russie, l’accord de Paris sur le climat, et la présence encombrante du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Donald Trump devait rencontrer Vladimir Poutine pour une réunion aux enjeux essentiels. Mais «l’imprévisible» président américain a finalement annulé la rencontre une heure après avoir confirmé qu’elle aurait lieu, et pour cause : l’incident au large de la Crimée, cinq jours auparavant, entre trois navires militaires ukrainiens et les forces de l’ordre russes. Le Kremlin a «regretté» la décision de Trump, estimant que «les discussions sur des questions internationales et bilatérales graves sont reportées indéfiniment».

La solution pacifique de ce conflit frontalier reste donc un préalable à la reprise des discussions pour un nouveau partenariat Russie-USA. Sauf que pour Vladimir Poutine la guerre va continuer. En effet, d’après le chef du Kremlin, les autorités ukrainiennes font tout pour que le conflit perdure afin de rester au pouvoir.

Ce 13e sommet a été marqué par la franche camaraderie entre le président russe et Mohammed ben Salmane. Les deux dirigeants se sont mis d’accord pour prolonger la baisse de la production du pétrole, alors que les enquêtes menées par la CIA soupçonnent le prince saoudien d’avoir été le commanditaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à l’ambassade de l’Arabie saoudite à Istanbul. Pour sa part, Donald Trump a déclaré une nouvelle fois que, quel que soit le résultat des enquêtes, «l’Arabie saoudite restera un partenaire inébranlable des États-Unis».

À propos de la transition énergétique et le climat, des tensions se sont fait sentir au centre des débats. Dans un texte communiqué à la fin du sommet, les membres du G20 signataires de l’accord de Paris ont souligné que celui-ci était «irréversible», et ils «s’engagent à sa pleine mise en œuvre» en l’adaptant toutefois aux «capacités respectives, au vu des diverses situations nationales». Un bilan plutôt mitigé, si l’on tient compte que certains pays hésitaient à confirmer leur engagement, tandis que l’administration Trump, comme déjà l’an dernier au G20 de Hambourg, n’a pas cédé aux exigences climatiques. «Cette coalition s’effiloche. Des pays comme la Turquie, l’Arabie saoudite, la Russie, pourraient commencer à s’interroger» sur cet engagement, a déclaré une source de la Maison-Blanche.

Mais ce sommet s’annonçait surtout crucial pour l’avenir des relations entre Washington et Pékin et leurs répercussions sur le commerce mondial. «Le risque est celui d’un tête-à-tête entre la Chine et les États-Unis et d’une guerre commerciale destructrice pour tous», avait averti Emmanuel Macron dans une interview publiée dans un quotidien argentin. Le président français a aussi évoqué le risque certain d’un «délitement» de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).

Pourtant, depuis des mois de guerre commerciale, Donald Trump et le président Xi Jimping ont trouvé un accord in extremis, mais certes temporaire : la Chine et les États-Unis se sont engagés à ne pas imposer de nouveaux droits de douane sur les importations, et sur des négociations portant par exemple sur la levée par la Chine des obstacles à l’implantation sur son territoire de firmes étrangères, mais aussi sur la protection de la propriété intellectuelle, en particulier des firmes étasuniennes. Cet accord commercial va s’étendre pendant les trois prochains mois, de quoi laisser un peu de temps pour en discuter.

Par ailleurs, la confrontation États-Unis/Chine n’était qu’une manifestation parmi tant d’autres du gouffre économico-social qui sépare les grandes puissances des pays en développement qui font partie du G20, dont certains estiment avoir besoin de plus de soutien de la part des pays qui dominent le marché mondial. Depuis un certain temps, ce gouffre suscite l’intérêt des autorités de Pékin, dont les investissements commencent à s’imposer en Amérique latine, notamment face à Washington. Le continent sud-américain pourrait ainsi devenir le principal partenaire commercial du géant asiatique d’ici à la fin de la prochaine décennie.

Un exemple est révélateur à cet égard : après la clôture du sommet, dimanche dernier, le président chinois Xi Jimping a rencontré pour la cinquième fois, en moins de trois ans, son homologue argentin Mauricio Macri (un record dans l’histoire des relations sino-argentines). Les deux dirigeants se sont mis d’accord pour «ouvrir conjointement une nouvelle ère du partenariat stratégique entre les deux pays». M. Xi, qui a réitéré sa confiance dans les perspectives de croissance dans la région, a également déclaré : «dans l’actuelle conjoncture internationale complexe et à l’évolution rapide, les deux pays doivent tracer la voie des relations bilatérales avec une vision plus large […], et continuer à contribuer à la paix, à la stabilité et à la prospérité des deux pays et dans le monde entier.»

Justement, «stabilité et prospérité», sont les mots magiques que l’administration Macri tentera de matérialiser avant les élections présidentielles de 2019, dans une ambiance de crise économique due à une politique mise en échec par deux crises monétaires, foudroyée par ce qu’on appelle «un manque de plan B» : «Le gouvernement n’a pas sécurisé l’économie pour faire face à un scénario qui était très probable : celui d’une contraction de la politique monétaire dans les pays développés. C’est le genre de chose [la dévaluation du peso argentin] qui arrive quand il n’y a pas de plan B et que l’on compte seulement sur des investissements étrangers», analyse Juan Martín Rinaldi, trader chez Balanz Capital.

Eduardo UGOLINI